PREMIÈRE PARTIE
Une dynamique urbaine de plus en plus complexe
Chapitre 1
La ville, objet de débat
QU'EST-CS QU’UNE VILLE ? Il est de plus en plus difficile de définir simplement des systèmes variés qui évoluent sans cesse. Les études sont de plus en plus problématiques car les différentes sciences humaines corrélées avec des idéologies ennemies s’affrontent. D’autre part, comme le souligne Séverine Bounhol « nous sommes dans une société d’accélération de l’histoire, de refus du temps et du culte de l’immédiateté » (2004). C'est pour cette raison que le concept de « ville durable » est parfois encore mal compris. Les erreurs du passé, les héritages (en matière d’urbanisme) pèsent très lourds et sont des obstacles qui freinent la construction des villes à taille humaine. Les diverses générations de villes, les systèmes socio-économiques dans lesquels les agglomérations se développent rendent souvent obsolètes les théories générales qui tentent d’expliquer « l’éclatement » urbain et les structures en réseaux qui s’établissent. Très souvent les idéologies croient pouvoir expliquer et les spécialistes des sciences humaines multiplient les explications. Ainsi depuis des décennies on parle de « l’urbain ». Henri Lefebvre, en 1970, dans un ouvrage intitulé « La révolution urbaine » écrivait : « nous ne disons plus : la ville » et il faut donc « déceler et formuler quelques lois de l’urbain ». Néanmoins il est aujourd’hui toujours utile de parler de ville car le terme est à la fois plurimillénaire, évocateur et chargé de symboles. Du latin villa (« maison de campagne ») il désigne, dès le gallo-roman, une agglomération urbaine. Cependant, il était facile, avant la première révolution industrielle d’opposer la ville et la campagne ; la cité avait en effet des frontières architecturales et juridiques précises. Aujourd’hui, l’étalement urbain rend très difficile les délimitations et, par ailleurs, les critères de définition varient d’un pays à l’autre. En France, d’après l’INSEE, une agglomération, pour devenir une ville doit avoir au moins 2 000 habitants mais au Japon le seuil est de 50 000 et au Danemark de 200 ! Dans beaucoup d’autres pays la définition administrative domine mais en Amérique du Nord on tient compte des deux facteurs. On pourrait ajouter d’autres critères comme le pourcentage de population agricole ou « l’aspect urbain » d’une cité. La difficulté réside dans la complexité de la ville contemporaine. Comme le constate Denise Pumain, « toute définition trop simple qui privilégierait un seul point de vue risque donc d’altérer la complexité intrinsèque du phénomène urbain » (1994). Les idéologies, les idées préconçues faussent, dès le départ la recherche. H. Lefebvre, en 1970, en est un exemple. Il écrit en effet que la ville est « le terrain privilégié de la lutte des classes » ! De même, en 1996, R. Guglielmo pense que ce sont les « classes dirigeantes qui imposent aux grandes métropoles leur politique d’aménagement » en dispersant « la classe ouvrière ».
On oublie aussi, trop souvent, que pour définir une ville il faut avant tout tenir compte du principe de représentations. Antoine S. Bailly pense que « l’espace en soi n’est pas l’objet d’étude puisque le réel objectif existe grâce à nos construits » (1991). Autrement dit toute définition des espaces urbains doit tenir compte d’une question : comment les habitants voient-ils leur ville, leur quartier, leur rue ? Toute théorie valable repose sur une obligation : connaître non seulement l’objet (à savoir l’espace urbain) mais surtout la perception, la représentation de l’environnement.
Un champ de recherche
De la description à la morphologie mathématique
La géographie classique a peu étudié les villes en se limitant à la description et à l’observation, en privilégiant l’étude des campagnes, en donnant au milieu physique et à l’Histoire une place dominante. Au début du siècle les géographes, comme le souligne Paul Claval, se contentent « généralement […] de nommer les villes et d’indiquer leur spécialité ». En fait, celles-ci ne sont qu’une illustration de la région en exprimant « l’originalité » d’un espace donné. P. Vidal de la Blache a des accents lyriques pour décrire les villes « figées dans leur passé » mais la « sève urbaine n’est pas éteinte. Elle est dans l’histoire et dans le sang des habitants ». (Tableau géographique de la France, 1905, tome premier de l’Histoire de France d’E. Lavisse.)