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Fiche d’identité de l’auteur

Molière

Nom : Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière.

Naissance : en 1622, à Paris.

Famille : son grand-père et son père sont maîtres tapissiers du roi. La mère meurt en 1632.

À 40 ans, Molière se marie avec Armande Béjart. Ils ont deux fils, morts très jeunes, et une fille.

Jeunesse : Jean-Baptiste étudie à Paris dans un collège jésuite. Il exerce quelques mois le métier d’avocat puis hérite de la charge de tapissier du roi.

Débuts : en 1643, il fonde avec la comédienne Madeleine Béjart l’Illustre-Théâtre. Acteur, auteur et bientôt chef de troupe, il devient Molière. Mais ses tragédies sont des échecs. En 1645, c’est la faillite.

Il fonde avec Madeleine une nouvelle troupe qui tourne en province pendant treize ans. Leurs farces remportent de grands succès. En 1658, la troupe regagne Paris.

Gloire : avec le triomphe des Précieuses Ridicules (1659), Molière devient un auteur adulé, jalousé, redouté. En 1661, il crée avec le musicien Lully la comédie-ballet. Le roi est enthousiaste. Mais L’École des femmes (1664) est accusée d’être blasphématoire. En 1664, les dévots font interdire Tartuffe, qui dénonce l’hypocrisie religieuse. Molière obtient la protection du roi.

Mais la vie privée de Molière est agitée. À 43 ans, il est atteint d’une fluxion au poumon.

Dom Juan (1665) provoque un nouveau scandale. Le Misanthrope (1666) reçoit un accueil mitigé. Entre 1668 et 1670, L’Avare, Tartuffe et Le Bourgeois gentilhomme sont des triomphes.

Disgrâce : en 1672, Madeleine Béjart meurt. Les Femmes savantes sont un échec.

Lully supplante Molière dans la faveur royale.

Mort : au cours d’une représentation du Malade imaginaire, sa dernière comédie-ballet (1673), Molière est pris de malaise. Il meurt à son domicile. Il est enterré de nuit, sans inhumation chrétienne.

 

 

Pour ou contre

Molière ?

Pour

Désiré NISARD :

« Aucun poète dans notre pays n’a eu plus d’imagination, de sensibilité et de raison, ni une harmonie plus parfaite. »

Histoire de la littérature française, 1844-1861.

Paul CLAUDEL :

« Tout vit, tout est muscle, tout est feu, élégance, vivacité, gaieté saine, vertu ! On aimerait écrire comme ça. »

Théâtre II, Mercure de France, 1943.

Jacques COPEAU :

« C’est pour être si peu surchargé que son comique nous paraît si fort. C’est à son aération qu’il doit d’être à ce point délié, clair, tonique. »

Souvenirs du Vieux-Colombier, Nouvelles Éditions latines, 1931.

Contre

ROUSSEAU

« Son plus grand soin est de tourner la bontéet la simplicité en ridicule, et de mettre la ruse et le mensonge du parti pour lequel on prend intérêt ; ses honnêtes gens ne sont que des gens qui parlent, ses vicieux sont des gens qui agissent et que les plus brillants succès favorisent le plus souvent. »

Lettre à d’Alembert, 1758.

FÉNELON

« Il a outré souvent les caractères : il a voulu, par cette liberté, plaire au parterre, frapper les spectateurs les moins délicats, et rendre le ridicule plus sensible. »

Lettre sur les occupations del’Académie française, chap. VIII.

 

 

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Pour ou contre

Les farces et les comédies-ballets ?

Pour

Jean Donneau DE VISÉ :

« Il a le premier inventé la manière de mêler des scènes de musique et des ballets dans ses comédies et trouvé par là un nouveau secret de plaire qui avait été jusqu’alors inconnu. »

Le Mercure galant, 1673.

VOLTAIRE :

« Le Sicilien est la seule petite pièce en un acte où il y ait de la grâce et de la galanterie. »

Vie de Molière, 1739.

Contre

VOLTAIRE :

« Les autres petites pièces, que Molière ne donnait que comme des farces, ont d’ordinaire un fond plus bouffon et moins agréable. »

Vie de Molière, 1739.

SITE toutmoliere.net :

« Le Médecin volant, farce depeu d’importance, se borne à reprendre les critiques traditionnelles adressées aux hommes de l’art (médical). »

BOILEAU :

« Mais pour un faux plaisant à grossière équivoque,

Qui pour me divertir n’a que la saleté,

Qu’il s’en aille, s’il veut sur deux tréteauxmonté,

Amusant le Pont-Neuf de ses sornettes fades,

Aux laquais assemblés jouer ses mascarades. »

Art poétique, 1674.

 

 

Pour mieux lire les œuvres

Au temps de Molière

Des canevas à la mode

Ces trois courtes pièces reposent sur un ressort commun : des amoureux contrariés trompent la vigilance d’un père ou d’un mari et, pour se retrouver, ils sont aidés par la ruse d’un valet ou d’une suivante. Le canevas provient essentiellement de la comédie italienne, dite commedia dell’arte, très en vogue en France depuis la Renaissance. Ainsi, la ruse de la maladie feinte, que l’on retrouve dans Le Médecin volant et L’Amour médecin, était un sujet à la mode. Non que Molière manquât d’inspiration, mais il était d’usage à son époque de puiser des intrigues dans le fonds commun du théâtre.

Pour Le Médecin volant, Molière s’inspira probablement d’un canevas italien joué par Scaramouche, nom de scène du grand Tiberio Fiorelli, qui partageait avec lui le théâtre du Petit-Bourbon et qui fut son maître en jeu. Encouragés par le succès de la pièce de Molière, d’autres auteurs, tels que Boursault ou Domenico Biancolelli, écrivirent par la suite des petites comédies sur le même sujet. Cette coutume de réemployer des situations déjà exploitées explique, en partie seulement, l’extrême rapidité avec laquelle Molière écrivit L’Amour médecin. Il se prévaut en effet dans la préface de l’avoir composé et répété en seulement cinq jours ! Le Sicilien, quant à lui, se nourrit de précédentes pièces de Molière : une Sicile de convention constituait déjà le décor de L’Étourdi, et l’évasion d’Isidore fait songer à L’École des maris, à L’Amour médecin et au Médecin malgré lui.

Cependant, loin de se contenter d’être un imitateur ou un plagiaire, Molière donne une couleur singulière à ces canevas et les développe de manière originale. On lui doit notamment d’avoir remis au goût du jour la farce et d’avoir inventé le genre de la comédie-ballet.

La réhabilitation de la farce

C’est en 1655, vers la fin de ses treize années de tournée en province, que Molière créa Le Médecin volant, une « petite comédie » dans la plus pure tradition de la farce. La farce, qui met généralement en scène une tromperie, se caractérise par des personnages souvent populaires, réduits à leurs caricatures. Elle se fonde sur un comique de gestes et de situation, un rythme enlevé et un ton léger, parfois obscène, comme l’illustre la scène avec l’urine. Dévolue à la drôlerie et au plaisir du jeu, elle se soucie bien peu de vraisemblance, comme en témoigne la facilité avec laquelle Gorgibus se plie finalement au désir de sa fille.

Nées au Moyen Âge, où elles accompagnaient la représentation des mystères, les farces étaient encore très populaires au début du xviie siècle. Elles se donnaient sur des tréteaux, dans les foires, dans des salles de jeu de paume aménagées en théâtre – où elles étaient parfois jouées après une tragédie. Elles avaient les faveurs d’un public nombreux, varié et pas seulement populaire. À Paris, Jean-Baptiste Poquelin enfant eut souvent l’occasion de voir Gaultier-Garguille, Gros-Guillaume et Turlupin, trois farceurs qui triomphaient à l’hôtel de Bourgogne. C’est son grand-père maternel qui l’y conduisait et qui sema ainsi en lui la passion pour le théâtre. Mais en 1630, alors que le fameux trio avait disparu, Paris vit naître une nouvelle forme de comédie plus raffinée, la comédie littéraire. La farce, considérée comme trop vulgaire, connut un déclin dans la capitale alors qu’elle continua probablement à se développer en province.

Méprisées des lettrés, souvent réduites à un canevas tant la part d’improvisation des acteurs y était importante, les farces étaient rarement publiées. Aussi, des nombreuses farces que Molière créa en province ne subsistent que les titres (Gros-René écolier, Le Docteur pédant, Gorgibus dans le sac, Les Trois Docteurs, Le Fin Lourdaud…) et seulement deux textes : La Jalousie du barbouillé et Le Médecin volant. Pour cette dernière, Molière, que ses détracteurs taxaient de « farceur » – le mot était alors péjoratif –, employa prudemment le terme de « petite comédie ». Son succès fut immense.

Il faut rappeler qu’à l’époque le genre noble était la tragédie. Molière lui-même rêvait à ses débuts d’embrasser la carrière de tragédien. Il connut cependant bien des échecs en la matière, et c’est au cours de sa longue tournée en province que les triomphes de ses farces lui firent prendre conscience de son génie comique. D’ailleurs, quand il fut reçu par Louis XIV le 24 octobre 1658 et qu’il joua devant le roi, c’est moins par la tragédie de Corneille, Nicomède, qu’il emporta son adhésion que par la farce qu’il présenta à la suite, Le Docteur amoureux.

C’est ainsi que Molière réhabilita ce genre mal aimé des beaux esprits. Il n’hésita d’ailleurs pas à intégrer des éléments farcesques
dans un genre plus « noble », la comédie-ballet, dont il fut l’inventeur.

L’invention de la comédie-ballet

C’est à l’occasion de la somptueuse fête organisée par le surintendant Fouquet en son château de Vaux-le-Vicomte que Molière créa en 1661 sa première comédie-ballet, Les Fâcheux. Il existait certes à l’époque des « divertissements de cour » qui reposaient sur la musique et sur la danse, mais Molière fut le premier à intégrer les thèmes développés dans les chants et les ballets aux textes de ses comédies. C’est ainsi qu’il plaça des intermèdes dansés dans les entractes et qu’il s’employa à les « coudre au sujet » afin de « ne faire qu’une seule chose du ballet et de la comédie ».

Le roi fut si impressionné par le château et par la magnificence de la fête qu’il fit emprisonner Fouquet et qu’il prit Vaux-le-Vicomte pour modèle de l’extension du château de Versailles. En 1665, il assura de sa protection la troupe de Molière. Et ce dernier s’empressa de composer une autre comédie-ballet, L’Amour médecin, qu’il présenta le 15 septembre à Versailles dans le cadre de réjouissances pour l’ouverture de la chasse. Le compositeur Lully, auteur de la musique, y jouait avec brio le rôle d’un des médecins. Molière et lui s’attiraient ainsi les faveurs de Louis XIV, qui éprouvait une véritable passion pour la danse.

La passion du roi était telle qu’il n’hésitait pas à participer lui-même à certains ballets. Ainsi, le 14 février 1667, à la création du Sicilien à Saint-Germain-en-Laye, qui devait clore Le Ballet des Muses, Louis XIV dansait lui-même dans la mascarade finale, déguisé en « Maure de qualité ». Il ne s’agissait pas seulement d’un plaisir personnel, mais d’un geste politique. Louis XIV était en effet parfaitement conscient du prestige qu’il pouvait tirer de cette participation : « Un roi de France doit voir dans ces divertissements autre chose que de simples plaisirs. Les peuples se plaisent au spectacle où, au fond, on a toujours pour but de plaire […] Par là nous tenons leurs esprits et leurs cœurs quelquefois plus fortement peut-être que la récompense et les bienfaits et […] à l’égard des étrangers, ce qui se consume en ces dépenses, qui peuvent passer pour superflues, fait sur eux une impression très avantageuse de magnificence, de puissance, de richesse et de grandeur. »

Les comédies-ballets étaient donc jouées à la cour, où elles jouissaient d’un grand succès, avant d’être reprises à Paris, généralement sans musique ni danse. Elles reflétaient les modes de la cour, comme l’exotisme dont est empreint Le Sicilien. Conçues comme des spectacles complets et comme des célébrations du plaisir sous toutes ses formes, elles incluaient des ingrédients de la farce, tels que comique de gestes, dialogues de sourds et quiproquos. Molière resta ainsi fidèle au sens culinaire de la farce, laquelle garnit l’intérieur d’un plat pour en relever le goût.

Une lecture forcément incomplète

Les comédies-ballets, créées pour les plaisirs des sens, requièrent de leur lecteur un effort particulier d’imagination. En effet, leur lecture ne donne pas accès à l’accompagnement musical et aux danses, qui font pourtant pleinement partie de l’œuvre. Dans son avertissement au lecteur de L’Amour médecin, Molière le souligne : « Ce que je vous dirai, c’est qu’il serait à souhaiter que ces sortes d’ouvrages pussent toujours se montrer à vous avec les ornements qui les accompagnent chez le roi. Vous les verriez dans un état beaucoup plus supportable, et les airs et les symphonies de l’incomparable M. Lully, mêlés à la beauté des voix et à l’adresse des danseurs, leur donnent, sans doute, des grâces dont ils ont toutes les peines du monde à se passer. »