Lundi 23 avril 2007
1
Mike Logan arriva sur les lieux.
Tous les policiers du comté étaient déjà sur place en train de ratisser le terrain.
Des volontaires des villages environnants, dûment contrôlés par des agents restés en bordure de la forêt, s'étaient joints à eux.
Logan gara sa Cherokee sur le bord de la route et sortit à l'air libre. Une brusque bourrasque de vent lui coupa le souffle.
Le sergent Portnoy vint à sa rencontre. Il était âgé de vingt-cinq ans ; son visage reflétait une gravité peu habituelle pour des traits encore juvénile.
- On en est où ? demanda Logan en sortant son paquet de Chesterfield.
Portnoy le salua en soulevant rapidement son chapeau.
- On ne l'a toujours pas retrouvé, on cherche encore, répondit-il d'un ton désolé.
Logan hocha la tête et aspira une large bouffée de fumée avant de la recracher dans le petit air froid matinal.
La cime des grands séquoias tremblait sous le vent. Des nuages s'étaient amoncelés au-dessus de leurs têtes. Il allait bientôt pleuvoir.
- Très bien, emmenez-moi sur le lieu de l'accident.
- Oui, shérif. C'est par là, répondit Portnoy en désignant la route de la main.
À ce niveau, la circulation avait été bloquée dans les deux sens.
Logan passa par-dessus le ruban jaune qui délimitait l'accès et continua son chemin à la suite du sergent.
Il ne pouvait s'empêcher de ruminer de sombres pensées.
Cela faisait à peine trois mois qu'il avait été élu shérif de cette petite ville, dans le nord de l'État de Washington, et déjà ils se retrouvaient avec une terrible affaire sur les bras.
Si les conclusions étaient d'une simplicité évidente - un chauffard avait écrasé un des jeunes fils Sheppard -, il restait néanmoins un mystère : où était passé le plus jeune des frères ?
Ils dépassèrent le coude de la route et découvrirent une grande bâtisse en bordure du chemin.
- Vous avez interrogé le propriétaire ? demanda-t-il.
- Oui, c'est la ferme de Jonathan Johnson. Il n'a rien vu, rien entendu, répondit Portnoy, qui s'empressa d'ajouter : Vous pouvez le croire, c'est un gars bien mais il se fait vieux.
Logan opina plusieurs fois de la tête. Il se garda d'ajouter que son passage à la criminelle de Seattle lui avait démontré que les personnes âgées pouvaient être, tout autant que les autres, de redoutables tueurs.
Ils arrivèrent devant un attroupement de policiers locaux qui aidaient Nathan Blake, un des chefs de la brigade scientifique de l'État, venu tout exprès de Seattle.
Armés d'un matériel de pointe, ils analysaient chaque centimètre carré du lieu où l'on avait retrouvé le corps sans vie de Tommy Sheppard. Des bris de verre essentiellement.
- Notre homme est un meurtrier, fit Blake en se retournant vers Logan.
Muni de gants en latex, il tenait délicatement un petit sac en plastique qui contenait de minuscules parcelles de verre. Son regard était d'une dureté terrible.
- C'est-à-dire ? fit Logan qui résista à l'envie de sortir une nouvelle cigarette.
- Le conducteur n'a pas freiné, ça c'est la première évidence. La deuxième est qu'il s'est arrêté pour ramasser les morceaux de son phare. L'idiot! poursuivit Blake en levant les yeux au ciel. Tertio, le gamin n'est pas mort à cause du choc.
Derrière eux, les policiers continuaient leur ratissage minutieux du lieu de l'accident.
- Je m'avance peut-être un peu, mais le cou du gamin fait un angle anormal pour ce genre de choc, lâcha-t-il.
Logan sentit son pouls s'accélérer.
Il savait que cela ne changeait rien au drame. Le garçon était bel et bien mort. Mais savoir qu'après l'avoir renversé, le chauffard avait pris le temps de s'arrêter pour briser la nuque d'un jeune garçon d'à peine treize ans...
- C'est pas vrai ! fit-il en passant la main dans ses cheveux bruns.
Il venait de sentir une goutte de pluie. Il leva les yeux au ciel. Les cumulus s'étaient percés et commençaient à se vider.
- Il va falloir oublier la thèse de l'accident. Tout indique que ce gamin n'a pas été tué par hasard. Il est encore trop tôt pour le dire, mais je crains qu'il n'ait subi des violences sexuelles.
Tout ce que Logan n'avait pas envie d'entendre. Et, pour ajouter à l'angoisse, l'un des deux enfants manquait à l'appel.
Des images terribles lui vinrent en tête. Un petit garçon enfermé dans une cellule, proie d'infâmes tortionnaires.
Il serra les poings et s'efforça de retrouver son calme.
Son portable sonna.
- Shérif, il faut que vous veniez voir ça, fit une voix altérée à l'autre bout du téléphone.