Août 1976, Saint-Jean-de-Luz, Côte atlantique

Giulia Vinceze, 30 ans depuis la veille, avait dignement fêté son anniversaire en draguant un « beau mec » selon ses critères, parfois surprenants. Une rencontre fortuite au bar du club privé de l’hôtel lui avait permis d’envisager une nuit érotique. Après tout, en 1968, elle avait défilé avec les autres et jeté son premier pavé sur les CRS sans jamais les atteindre. Elle était alors étudiante, et ses idées politiques, comme celles des autres, oscillaient entre marxisme, maoïsme et revendications pour une plus grande liberté sexuelle ! Le débat féministe l’avait envoûtée, puis, en vieillissant, son point de vue avait évolué. La loi Neuwirth sur la libéralisation de la contraception, Simone Veil, cette grande résistante et porte-drapeau de la cause féminine, grâce à qui l’interruption de grossesse avait cessé d’être un crime, tout cela l’avait conduite vers le genre de sexualité qu’elle avait toujours voulu vivre.

Elle était à présent une magnifique brune aux cheveux longs, avec des yeux verts en amande, une bouche pulpeuse et une peau mate qui trahissait ses origines italiennes. Quant à son corps… Elle se trouvait les seins un peu petits, mais comme elle avait beaucoup de succès auprès des hommes, elle se disait qu’elle ne devait pas être si mal que ça.

Pour l’heure, allongée sur le dos, le regard fixé au plafond et un bellâtre en train de s’échiner sur elle, Giulia songeait que, décidément, quelque chose ne tournait pas rond dans sa vie sexuelle. Non qu’elle ne ressentît rien, mais malgré la multiplication de ses aventures – sentimentales ou simples passades –, elle trouvait qu’elle avait eu bien peu d’orgasmes. Un comble !

Elle n’avait jamais osé en parler avec son médecin, même si la libération des mœurs avait beaucoup fait pour les femmes. Elle se disait qu’elle devait être différente, sans parvenir toutefois à identifier son problème. Était-il d’ordre physique ou psychologique ?

– Oh que c’est bon ! marmonna l’homme au-dessus d’elle.

Un râle de bonheur, suivi d’un cri libérateur, la sortit de ses réflexions. Cet abruti avait éjaculé sur son ventre et n’en finissait plus de jouir. Le con ! songea-t-elle. Dire que je prends la pilule pour rien… Tous les mêmes ! Et bien sûr, classique, il va me la faire macho et me demander si j’ai bien pris mon pied.

Elle n’eut pas le temps de ressasser ses idées noires que l’homme se redressa, un sourire satisfait lui fendant la figure.

– Alors, chérie, c’était bon ?

Elle le regarda, puis, penchant la tête, sourit à son tour.

– Non, c’était nul. Je n’ai pas joui et tu t’y prends comme un manche ! lui répondit-elle sans aucune diplomatie, comme à son habitude. Alors t’es gentil, tu prends tes affaires et tu dégages de ma chambre !

Il la fixa quelques instants, visiblement choqué, mais ne dit rien. Il ramassa ses affaires et sortit sans passer par la salle de bains.

Restée seule, Giulia songea qu’elle y était allée un peu fort et qu’elle s’était montrée blessante pour rien. Ce n’était pas lui le fautif, ni tous les amants qui l’avaient précédé. Le problème venait d’elle et elle en était parfaitement consciente.

Elle sauta du lit de mauvaise humeur.