S’il n’est pas trop tard…
RACHEL BAILEY
© 2010, Rachel Robinson. © 2010, Harlequin S.A.
FRANÇOISE HENRY
978-2-280-21679-1
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Dans l’air glacial du matin, Nico Jordan examina la façade de la maison où vivait la veuve de son demi-frère et grimaça. Elle l’avait donc quitté pour Kent et cette prétentieuse demeure ? 
Enfin, pour être honnête, grâce à sa fortune personnelle, Kent avait probablement comblé nombre de ses désirs, ce dont Nico aurait été bien incapable à vingt-quatre ans. 
Naturellement, sa situation avait évolué depuis. 
En cinq ans, il s’était passé tant de choses… tant de choses que, pour la plupart, il aurait préféré oublier. 
Mais Kent était mort, Beth désormais veuve, et Nico avait une tâche à remplir. Serrant les documents dans une main, il frappa du poing à la porte. Il s’était porté volontaire pour régler en personne les formalités concernant la part du vignoble familial de son frère décédé. Parce qu’il devait revoir Beth une dernière fois. 
Malgré tous ses efforts, il n’avait jamais pu anéantir son désir pour celle qui l’avait trahi. 
Il levait son poing pour frapper de nouveau quand la porte s’ouvrit, laissant passer un courant d’air chaud. Et Beth fut devant lui, encore plus belle que dans son souvenir. Ses lèvres si familières s’écartèrent, ses yeux myosotis s’écarquillèrent. 
Soudain, il fut transporté cinq ans plus tôt, la dernière fois qu’ils avaient fait l’amour au milieu des vignes de la propriété familiale, en Australie. Ce jour-là, ils s’étaient juré un amour éternel et, le lendemain, elle quittait le pays pour épouser son frère. 
– Nico… 
Elle semblait au bord de l’asphyxie, comme si elle avait couru. Mais ses joues n’étaient pas rouges. En réalité, elle était d’une pâleur de cire. 
Elle portait courts ses cheveux blond vénitien, et la coupe mutine adoucissait encore son visage en forme de cœur. Il examina sa silhouette, et constata qu’elle avait perdu du poids. Mais, même s’il la trouvait un peu trop mince pour son goût, il sentit un violent désir le submerger. 
Sans en laisser rien paraître, il sourit d’un air cynique. 
– Bonjour, Beth. Je viens te présenter les condoléances de la famille et te parler héritage. 
Beth jeta un bref regard sur la pièce derrière elle, puis, avançant sous le porche, referma la porte. Malgré sa hâte, il avait eu le temps d’apercevoir une salle de séjour décorée avec raffinement. 
– Merci pour les condoléances, dit-elle. C’est gentil de la part de… ta famille. 
Les relations n’étaient pas franchement chaleureuses entre son père et Beth. Tim Jordan tenait cette dernière pour responsable du départ de Kent pour la Nouvelle-Zélande, où il s’était occupé de vignobles d’un intérêt inférieur aux domaines australiens. Et il lui en voulait de n’avoir pas revu son fils depuis le jour de leur mariage. 
Pour sa part, les griefs de Nico à l’encontre de Beth étaient tout autres. 
– Rien n’est trop beau pour la veuve de notre cher Kent, tu le sais. 
Elle eut le bon goût de paraître déconcertée. Mais elle aurait pu paraître plus que déconcertée, après le chagrin qu’elle lui avait infligé. 
Elle se retourna de nouveau pour regarder à l’intérieur, par la vitre de la porte, avant de revenir à lui. 
– Comment se fait-il que tu te sois déplacé ? Nos avocats auraient très bien pu régler l’affaire. 
Il s’accota au chambranle de la porte et se pencha vers elle. 
– Possible. Mais je suis là, bella
Elle tressaillit en entendant le petit nom qu’il lui murmurait si souvent, allongé sur elle, tout au long d’après-midi langoureux passés dans un recoin de la propriété de l’un ou l’autre. 
– S’il faut absolument que nous parlions, retrouvons-nous ailleurs, dit-elle d’une voix qui trahissait sa nervosité. 
– Dois-je comprendre que je ne suis pas le bienvenu dans la maison de mon propre frère ? 
Il n’avait pas pris la peine de dissimuler son ironie. Son frère aurait préféré le voir mourir plutôt que de l’inviter à entrer chez lui. Leur vie durant, une âpre rivalité les avait opposés, rivalité qui avait culminé à l’annonce du mariage de Kent et de Beth.