La justice et les enfants
Jean-Pierre Rosenczveig
Dalloz
© Éditions Dalloz, 2013
Sommaire

Principales abréviations

Introduction

Titre 1 - Une justice pour garantir le droit à une autorité parentale
Titre 2 - Une justice pour garantir le droit à l’éducation
Titre 3 - Une justice pour protéger l’enfant en danger
Titre 4 - Une justice pour rendre justice à l’enfant
Conclusion
Introduction
Il est des institutions publiques qu’on souhaiterait épargner aux plus jeunes. On pense immédiatement à l’hôpital. La justice, avec ses appendices commissariat et prison, en est une autre dont pourtant nombre d’enfants auront à connaître.
Le rapport de l’enfant à la justice est effectivement délicat dans la mesure où il peut être très sensible et fragile ; il faudra systématiquement l’accompagner, sinon veiller à l’assister ou le représenter, sa parole étant souvent tenue pour peu fiable.
Pour lui les enjeux peuvent être majeurs. Son identité – sa filiation, son nom – peut dépendre d’une décision de justice ; on peut y décider de ses conditions de vie quotidienne ; il peut se retrouver « placé » jusqu’à sa majorité ou incarcéré de longues années. De sa parole peut dépendre aussi le sort d’autres personnes.
Enfin, des questions de principe se posent régulièrement en justice, révélatrices des tensions de fond que recouvre la problématique de l’enfant dans la société : est-il un objet d’appropriation de la part des adultes et des institutions ou une personne, sujet de droit capable peu ou prou d’agir au quotidien ? Peut-il avoir son mot à dire dans les procédures qui le concernent ? Peut-il saisir la justice pour demander que ses droits soient reconnus, voire de nouveaux droits consacrés ? Sera-t-il vraiment pris en compte ?
La justice crée des droits
La loi consacre droits et devoirs, mais régulièrement la justice lui prépare le terrain. Ainsi ces dernières années, sur l’interruption volontaire de grossesse des mineures, sur l’exercice conjoint de l’autorité parentale, sur la responsabilité parentale, pour ne prendre que ces exemples, la justice a déblayé le terrain pour le législateur. Lieu de tous les dangers pour un enfant, la justice peut aussi veiller à ses droits.
La nécessaire cohérence entre les différentes juridictions
Plusieurs juridictions, et donc de nombreux professionnels de justice, interviennent dans le champ de l’enfance. Une mise en synergie minimale de ces juridictions s’impose qui n’existe pas toujours. Ainsi un enfant violenté par sa famille mobilise toutes les juridictions civiles comme pénales. Il est opportun qu’elles coordonnent leurs approches pour offrir une réponse rapide et efficiente. Cela suppose déjà qu’elles s’informent entre elles.
L’enfant sujet de droits
Au sens juridique l’enfant est la personne âgée de moins de 18 ans. Même avant sa naissance il a des droits, mais il ne peut pas les exercer seul. À 18 ans, tout individu acquiert le droit d’exercer ses droits et la pleine capacité civique et politique.
L’enfant est un incapable sur le plan juridique. Il a tous les droits fondamentaux de la personne humaine (par ex. le droit d’être respecté et protégé), auxquels s’ajoutent des droits spécifiques (par ex. être élevé par ses parents) et des droits renforcés (droit aux soins ou à l’éducation), mais il ne peut pas les exercer seul. Outre leurs obligations personnelles, les parents ou le tuteur l’assistent ou le représentent dans l’exercice de ses droits. Ils veillent à sa protection et à son éducation ; ils le représentent. Ils ont le souci de ses droits patrimoniaux (héritage, rente ou encore réparation d’un dommage) ; ils veillent sur ses droits extrapatrimoniaux comme son droit à l’image.
L’enfant peut cependant exercer personnellement certains de ses droits. Ainsi il est acteur de sa protection en portant plainte dans un service de police pour les faits dont il aurait été victime ou en demandant de l’aide à un juge des enfants. Incapable de contracter l’enfant mineur peut accomplir valablement les actes de la vie courante comme acheter de quoi manger, un titre de transport ou une place de cinéma.
Pour cela il lui faut jouir du discernement, c’est-à-dire être capable de comprendre l’interdit et le permis, le bien et le mal. En cas de doute, le juge évaluera cette capacité en faisant appel à des spécialistes.
Le droit d’être entendu en justice est le dernier des grands droits reconnus à l’enfant (L. no 2007-193 du 5 mars 2007). L’enfant pourra demander à être entendu par les moyens de son choix. Le juge ne peut pas le lui refuser ; en revanche, et cette limite est contestable, il peut refuser de le recevoir personnellement et le faire entendre par un travailleur social. Le droit au silence est reconnu à l’enfant : convoqué en justice l’enfant peut se taire.
L’enfant a aussi des devoirs
C’est bien parce qu’il a des droits qu’il a des devoirs. Dans le registre juridique, il peut engager sa responsabilité civile et sa responsabilité pénale outre sa responsabilité disciplinaire.
Réparer les dégâts causés
L’enfant auteur d’un préjudice matériel ou moral devra réparer les dégâts. La victime pourra exiger de lui d’être indemnisée quitte à attendre qu’il ait les moyens de le faire. Dans l’intérêt des victimes, parents ou tuteur seront déclarés civilement responsables (C. civ., art. 1384, al. 5) pour l’enfant mineur. Ils devront indemniser au lieu et place de l’enfant. D’où l’importance d’une assurance chef de famille qui n’est toujours pas obligatoire quand d’autres risques comme la possession d’une voiture ou la location d’un appartement – doivent l’être. Il est d’autant plus temps de rendre cette assurance parentale obligatoire que désormais l’enfant est un risque (arrêt Bertrand, Civ. 2e, 19 févr. 1997) : il est impossible pour des parents de se dégager de leur responsabilité du fait de leur enfant en prouvant une bonne éducation ou une bonne surveillance ; ils ne peuvent s’exonérer totalement ou partiellement que par une faute de la victime ou un fait de force majeure.
Rendre des comptes pour la violation de la loi pénale
Les enfants peuvent engager très tôt leur responsabilité pénale. La Convention internationale sur les droits de l’enfant (art. 37 et 40) demande aux États de fixer un seuil sous lequel un enfant ne peut pas être condamné. La France préfère fonctionner sous le régime du discernement qui permet de faire du cas par cas. On estime généralement qu’à 7-8 ans le discernement est acquis.
Tenu pour coupable l’enfant jouit alors d’un régime spécifique (cf. infra) qui n’interdit pas des sanctions. Avant 13 ans – âge à la commission des faits – il ne peut pas se voir infligé de peines, mais seulement des mesures éducatives ou des sanctions éducatives. À 13 ans il encourt une peine nécessairement atténuée par rapport à celle encourue par un adulte. À 16 ans il peut être puni comme un adulte.
Engager sa responsabilité disciplinaire
À la maison ou chez des tiers tout enfant doit de respecter les règles de vie en usage. Les parents sont autorisés à user à son égard d’un pouvoir coercitif, y compris d’exercer des violences corporelles légères comme la gifle ou la fessée. En revanche, les enseignants et les travailleurs sociaux, dans les écoles ou les foyers ne sont pas légitimes à exercer ces violences physiques. Ils doivent faire appel à d’autres sanctions respectueuses des droits humains qui ne portent pas atteinte à la dignité et à la décence.
Quels sont les acteurs du théâtre judiciaire ?
La justice des enfants mobilise beaucoup de professionnels dans et bien au-delà de la magistrature.
Les magistrats concernés sont des juges du tribunal de grande instance (TGI) dont certains sont très spécialisés comme les juges aux affaires familiales (JAF), les juges d’instruction (JI) et le juge des enfants (JE), sans négliger les juges appelés à siéger en correctionnelle ou dans les cours d’assises pour des affaires de violences à enfants.
Le procureur de la République avec ses substituts tient désormais un rôle majeur pour veiller aux droits des enfants. Destinataire de tous les signalements d’enfants en danger, il décide des poursuites à engager contre les enfants délinquants et il suit de près leur prise en charge. Il aura aussi son mot à dire dans de nombreuses procédures civiles les concernant ou lorsqu’ils ont été victimes d’agressions.
Les magistrats ne pourraient rien faire sans les greffiers, fonctionnaires du ministère de la Justice, chargés d’identifier les décisions judiciaires en prenant des notes durant l’audience, de préparer les jugements, mais encore tenir les cabinets des juges et le secrétariat du parquet.
L’assistance d’un avocat est un droit et parfois une obligation tant pour les enfants que pour les adultes dans les affaires mettant en cause des enfants. Depuis les années quatre-vingt des avocats en nombre et de qualité se sont spécialisés.
Les magistrats s’appuient souvent sur des experts : psychiatres, psychologues, thérapeutes familiaux. Parfois – pour les enfants en danger ou délinquants –, le juge pourra mandater des équipes éducatives, elles-mêmes composées de nombreux professionnels dont les éducateurs spécialisés.
Les travailleurs sociaux sont le plus souvent des salariés d’institutions publiques départementales (aide sociale à l’enfance – ASE) ou d’État (protection judiciaire de la jeunesse – PJJ, direction du ministère de la Justice) ou privées (réseau associatif habilité).
L’État finance la justice, mais s’appuie dans une large mesure sur les moyens humains et financiers des conseils généraux et sur les compétences du réseau associatif habilité.
Le champ judiciaire de l’enfance est immense. Si l’on veut faire simple, on peut dire que la justice doit garantir à tout enfant :
– le droit à une autorité qui le protège et l’aide à grandir,
– le droit à être éduqué,
– le droit d’être protégé,
– le droit à se faire rendre justice.
Elle fait au mieux. Elle peut faire mieux !
Titre 1
Une justice pour garantir
le droit à une autorité parentale
Le temps de l’union ou lors de la séparation du couple parental fondé ou non sur le mariage, dans sa personne ou dans ses biens, l’enfant peut être l’objet de conflits majeurs entre adultes. Encore faut-il déjà qu’il soit rattaché à des adultes par un lien de filiation.
Dans les années soixante-quinze, les juges ont su prendre en compte le souci des parents de sortir d’une logique d’affrontement qui n’épargnait personne. Il ne s’agit plus aujourd’hui pour un parent d’exclure l’autre et de s’approprier l’enfant : le temps de la vie commune ou après, chacun a des responsabilités à exercer au bénéfice de l’enfant. En trente ans, avec le relais du législateur, les juges ont consacré le droit de l’enfant à disposer de la protection de ses deux parents même si le couple conjugal est dépassé.
Dans le même temps d’autres adultes sont apparus dans l’univers de l’enfant. Déjà : des grands-parents plus souvent présents, ingambes et doués de moyens économiques prétendent souvent avoir un droit de regard sur leur descendance. En outre un million d’enfants sont élevés par un adulte qui n’est pas leur parent biologique. Quelle place faire à ce « gentil papa » ou cette « gentille maman » sans concurrencer les parents biologiques ? Enfin, des enfants se trouvent privés de parents exerçant l’autorité parentale. Il faudra pallier cette carence, voire offrir une nouvelle famille à l’enfant. Faut-il ajouter que le parent biologique peut vivre avec un adulte du même sexe. Quels droits lui reconnaître ?
La responsabilité parentale n’est donc plus un pouvoir sur l’enfant, mais un droit de l’enfant à être protégé et éduqué. La justice doit en être garante (C. civ., art. 371 et s.). On est peu ou prou sorti d’une problématique jusque-là adultocentrée. S’est alors posée la question de l’expression de l’enfant en justice, du poids de cette parole mais aussi de son accompagnement.
Qui est compétent ?
L’état des personnes relève du tribunal de grande instance (TGI), juridiction qui se prononce sur les questions de filiation ou d’adoption. Le juge aux affaires familiales (JAF), magistrat du TGI, est devenu le grand juge de la famille. Il se prononce sur les changements de prénom et sur les conflits entre parents mariés ou non ; il délègue l’exercice de la tutelle ; il connaît encore des conflits entre parents et grands-parents, etc. Il est le juge de l’émancipation des mineurs.
§ 1. Inscrire l’enfant dans une famille
A. Consacrer la filiation biologique
La loi ne garantit pas automatiquement à tout enfant le droit à une filiation paternelle et une filiation maternelle juridiquement établis. Il dépend donc du bon vouloir des géniteurs de faire en sorte qu’un lien de droit se noue entre eux et leur enfant. Si le père ne le reconnaît pas et si la mère ne fait rien pour établir cette filiation, l’enfant sera « orphelin » de père. Le parquet n’est pas en droit de saisir la justice ! L’enfant lui-même devra attendre sa majorité pour agir. On peut fabriquer un orphelin.
À tout moment le père biologique peut reconnaître son enfant à condition qu’entre-temps un autre homme ne l’ait pas fait : il lui faudrait alors combattre en justice cette première filiation.
Si le père n’a pas reconnu formellement l’enfant, mais s’est comporté comme tel, il pourra se voir attribuer par la justice la possession d’état de père et la filiation sera établie. On voit cela dans des successions.
Mais rien n’oblige des parents à reconnaître leur enfant. Notre droit, adultocentré au nom de la paix des familles, ne reconnaît pas le droit de l’enfant à sa filiation. On le regrettera. D’ailleurs l’enfant n’a pas toujours l’accès à l’identité de ses géniteurs : une femme peut accoucher sous « X » c’est-à-dire sans déclarer son identité.
De la filiation découle l’autorité parentale. Si les deux parents établissent leur filiation, ils exercent conjointement l’autorité parentale, sauf décision de justice, avec l’ensemble des droits et devoirs patrimoniaux et extrapatrimoniaux qui en découlent, Si un seul a la filiation établie à l’égard de l’enfant, il a l’autorité parentale et son exercice entier.
B. Établir une filiation adoptive
Un lien de filiation juridique par l’adoption peut être institué entre des personnes qui n’ont pas des relations de sang. Contrairement à une idée reçue l’adoption n’est pas faite que pour les enfants privés de famille.
Jusqu’en 1923, l’adoption était réservée aux adultes pour maintenir un nom ou transmettre une fortune. Dans les années vingt il s’est agi d’offrir aux orphelins des poilus de Verdun une autre perspective que les foyers de l’Assistance publique !
Dans la période moderne l’adoption est de plus en plus utilisée pour créer un lien de droit entre un enfant et le conjoint ou compagnon de son parent biologique (adoption intrafamiliale).
1o L’adoption des enfants sans parents
L’adoption permet à des enfants « délaissés » par leurs parents de s’inscrire juridiquement dans une famille qui deviendra la leur. Avec la loi du 6 juin 1984, nous avons eu le souci que tous les enfants, même porteurs de handicap, puissent être adoptés.
Un enfant peut avoir été confié à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) peu de temps après sa naissance, généralement par sa mère, le père ayant disparu ou étant inconnu, pour être adopté. Dans d’autres cas, l’ASE relève qu’un enfant confié par les parents ou par un juge ne bénéficie plus de la présence parentale. Au bout d’une année de délaissement effectif le JAF constate l’abandon (C. civ., art. 350). L’enfant devient pupille de l’État et adoptable. Entre 600 à 1 000 enfants deviennent chaque année pupilles de l’État. La France comptait 150 000 en 1900, 2 300 aujourd’hui pour une population plus que doublée. On « manque » d’enfants adoptables. On doit s’en réjouir. Les 15 000 candidats à l’adoption recherchent plutôt un enfant en bas âge, européen, en bonne santé quand les pupilles de l’État sont plus âgés, souvent de couleur, parfois porteurs de handicap et en fratrie.
D’où, à la fois des délais souvent fort longs pour satisfaire les attentes des « candidats » qui se dirigent alors vers l’adoption transnationale elle-même aléatoire, et des difficultés pour les services sociaux à garantir le droit à une famille à tout pupille de l’État.
2o Deux filiations hétérosexuelles
Les services sociaux doivent s’interroger au moins une fois l’an sur le devenir du pupille et à réfléchir à un projet d’adoption. Le statut de pupille de l’État n’est pas une fin en soi. L’enfant a droit à une famille.
À l’inverse la loi ne consacre pas le droit d’adopter pour de tout adulte qui le souhaite. Malgré de très fortes pressions et quoiqu’une douzaine d’États aient déjà franchi le pas, notre droit ne reconnaît pas le droit des couples homosexuels à adopter un enfant. Une personne homosexuelle peut adopter, sinon il y aurait une discrimination déjà sanctionnée par le Conseil d’État, mais au nom du droit de l’enfant à un père et une mère, on a jusqu’ici refusé d’établir une double filiation paternelle ou une double filiation maternelle. Bien évidemment un couple homosexuel peut élever un enfant. Des décisions de justice ont même admis que le compagnon ou la compagne d’un parent juridique puisse se voir déléguer partiellement l’exercice de l’autorité parentale. Mais, à juste titre, la Cour de cassation refuse, toujours d’admettre la double filiation du même sexe, y compris pour les enfants issus d’une procréation assistée à l’étranger et reconnus comme enfants du couple homosexuel dans ce pays. En d’autres termes, l’adoption est un droit pour les enfants, pas pour les adultes !
Il existe deux formes d’adoption :
 l’adoption plénière, ou adoption substitutive, crée un lien de droit très fort entre les individus : l’adopté est réputé né de l’adoptant. Cette filiation se substitue totalement à la première : l’état civil original est rectifié pour l’effacer. Elle est irréversible, mais n’interdit pas une nouvelle adoption. On peut imaginer une adoption pérenne sans nier l’histoire de l’enfant ;
– l’adoption simple crée un nouveau lien de droit entre les intéressés sans effacer le passé. Le ou les adoptants exerceront pleinement l’autorité parentale mais l’enfant ne sera pas amputé de son histoire. Cette adoption est réversible par décision de justice.
Dès lors l’adoption plénière est à réserver aux très jeunes enfants. Elle est impossible pour les enfants de plus de 15 ans.
L’adoption est prononcée par le tribunal de grande instance saisi par les intéressés ; le parquet est entendu pour donner son avis ; l’enfant doué du discernement l’est aussi. À partir de 13 ans, il dispose d’un droit de veto sur le projet.
§ 2. Veiller à l’exercice de l’autorité parentale
Des conflits peuvent opposer les parents entre ou des parents aux grands-parents. Il peut aussi y avoir une carence parentale.
A. Entre parents
Lié ou non par le mariage, en cas de séparation, depuis 1987, le couple parental doit saisir le JAF. Il n’y a plus un vainqueur et donc un perdant à l’issue de l’audience. Désormais les deux parents doivent demeurer dans l’univers de leur enfant malgré la séparation physique ; réciproquement les parents ne sont pas privés de leurs enfants et de leur éducation.
Point absolument essentiel : le juge doit tenir compte des accords passés entre les parents. Il vérifie si l’un des parents n’est pas victime de l’autre et il prend en compte la parole d’enfant si celui-ci peut s’exprimer, en tout cas il s’attache à son intérêt.
La loi veut donc que les deux parents continuent à exercer conjointement l’autorité parentale. Exceptionnellement l’exercice en sera confié à l’un d’entre eux et encore plus exceptionnellement le juge pourra mobiliser l’ASE. Il faudra se prononcer sur la résidence de l’enfant qui pourra être fixée chez l’un des parents avec un large droit de visite et d’hébergement pour l’autre. Généralement ce sera un week-end sur deux et la moitié des vacances, rien n’interdisant aux parents de s’accorder sur plus ou autrement.
Le principe étant l’exercice conjoint de l’autorité parentale, les tiers (enseignants, médecins, etc.) pourront penser que leur interlocuteur est valablement compétent pour exercer tel ou tel attribut de l’autorité parentale. De fait une présomption est posée au bénéfice du tiers de bonne foi, c’est-à-dire de celui qui ne connaît pas les détails de la situation matrimoniale. Il appartient donc au parent qui se méfierait de l’autre de prendre des précautions en informant ces tiers.
L’enfant n’a pas vocation à saisir le juge pour « divorcer » de ses parents, mais il peut être entendu et être assisté d’un avocat. Seul l’un ou l’autre des parents saisit le JAF.
Avec beaucoup de difficultés nous sommes parvenus à faire reconnaître en 2007 le droit de l’enfant qui en fait la demande à être entendu par son juge. On se méfiait jusque-là des manipulations dont les enfants pourraient être les victimes surtout dans des conflits familiaux durs. Elles existent, mais de là à sanctionner tous les enfants il y avait une marge. Le juge vérifiera.
La dynamique de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), avec son célèbre article 12, a joué :
1o Les États parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité.
2o À cette fin, on donnera notamment à l’enfant la possibilité d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant ou d’une organisation approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale.
On l’a dit, le magistrat peut ne pas recevoir personnellement le jeune, mais le faire entendre par un travailleur social. En tout état de cause l’enfant donne son avis, mais ne dispose pas du droit de décider ou d’un droit de veto. Force est quand même de constater qu’aucun juge ne peut faire faire à un enfant, notamment un adolescent, quelque chose qu’il n’a pas envie de faire. Le juge tiendra compte du point de vue de l’enfant, de son âge, de sa personnalité, de celle de ses parents, de l’environnement, etc. Il pourra aller dans le sens avancé par l’enfant mais ce sera sa décision de juge. Il est important qu’il en soit ainsi : rien ne serait plus grave que de laisser penser aux enfants dont les parents se séparent qu’ils décident de leur vie. Le temps de leur minorité il revient aux parents de décider pour eux, à défaut, un juge est mobilisé pour intervenir.
Aucune décision prise par un JAF n’est définitive car la situation familiale bouge ; l’enfant grandit et ses besoins évoluent. Rien n‘empêche les parents de s’accorder par-delà la décision judiciaire, Le mieux reste de veiller à une modification formelle. Il est aussi des cas où un parent ou l’enfant souhaite voir la situation évoluer dans une ambiance qui reste conflictuelle.
La procédure est assez simple. L’un ou l’autre des parents doit saisir le JAF par un courrier recommandé. L’enfant ne le peut pas ; il faut donc que sa demande éventuelle soit relayée par un des deux parents.
B. En cas de carence totale ou partielle de parents
Différentes situations peuvent se présenter.
1o La tutelle
Si les parents sont décédés ou ont disparu, la tutelle sur l’enfant peut être déclarée vacante et déléguée à telle personne physique membre de la famille ou proche de l’enfant ou à une institution sociale comme l’ASE. La décision appartient au JAF sous le contrôle du procureur de la République.
2o La délégation d’autorité parentale
Cette procédure permet de désigner quelqu’un qui exercera l’autorité parentale quand des parents savent devoir être absents durant une longue période ou ont des problèmes sociaux ou médicaux. Elle permet aussi de donner du droit au compagnon ou à la compagne du parent biologique qui élève l’enfant.
Demandée par des personnes physiques ou par un service social la décision relève d’un juge – le JAF – et sous le contrôle du procureur afin d’éviter tout risque de trafic sur des enfants.
La délégation peut être partielle ou totale. Le juge pourra donc cantonner les attributs délégués. Elle est réversible quand les circonstances de la vie de l’enfant auront changé. Il faut alors saisir le JAF.
3o La défaillance parentale punissable
a) Le retrait d’autorité parentale
Les parents maltraitants ou négligents peuvent se voir retirer l’autorité parentale tant par une juridiction pénale que par une juridiction civile. On parlait jadis de déchéance d’autorité. Cette mesure peut viser les enfants nés, mais aussi les enfants à naître. Elle peut être réversible, mais difficilement (C. civ., art. 378).
b) La déclaration judiciaire d’abandon
Sans confier son enfant à l’ASE ou à une œuvre agréée afin qu’il soit adopté, on peut disparaître et délaisser de fait son enfant. L’enfant ne doit pas rester dans cette situation de déshérence. Il a droit à ce que des personnes exercent l’autorité parentale. La justice sollicitée pour déclarer l’enfant abandonné. La déclaration d’abandon ne doit pas être une fin en soi, mais la première étape vers le droit de l’enfant à une famille (C. civ., art. 350 ; cf. supra).
c) La délégation forcée d’autorité parentale
Si le parquet constate que des parents n’exercent pas l’autorité parentale ou si l’un des parents à l’impression que l’autre se défausse de ses responsabilités ou est en grande difficulté pour les exercer, une délégation forcée de l’autorité parentale peut être décidée (C. civ., art. 377).
Une personne physique ou morale (par ex. l’ASE) sera investie de l’exercice total ou partiel de l’autorité parentale.
d) L’autorisation donnée par le JE d’exercer tel attribut de l’autorité parentale
Des enfants confiés à l’ASE par leurs parents ou par le juge sont souvent délaissés sans pour autant que les institutions sociales aient eu la possibilité d’engager une procédure pour exercer l’autorité parentale. Or il est nécessaire d’exercer des responsabilités, par-delà les actes usuels que seuls les titulaires de l’exercice de l’autorité parentale peuvent accomplir. Une orientation scolaire, la sortie de territoire ou encore une opération esthétique sont des décisions importantes que l’ASE ne peut pas prendre proprio motu sans être taxée d’arbitraire. La loi du 5 mars 2007 permet au juge des enfants de l’habiliter à exercer ponctuellement un attribut de l’autorité parentale (C. civ., art. 375-7). Si la situation devait durer l’ASE devrait engager l’une des procédures de fond dont elle dispose.
C. Les liens avec les grands-parents et beaux-parents
Si certains enfants manquent d’adultes autour d’eux pour les protéger, d’autres en débordent ! Il est fréquent que le couple parental se sépare, puis que chacun des parents se remette en couple ; on voit apparaître des beaux-pères et des belles-mères qui peuvent tenir une place majeure dans la vie de l’enfant, y compris par-delà une nouvelle séparation conjugale. Dans le même temps avec l‘allongement de la durée de la vie et les conditions de vie des plus âgés, il est fréquent qu’un enfant dispose de grands-parents proches et ingambes soucieux de se préoccuper de lui et, a minima, d’entretenir des relations très suivies. Ajoutons que tous ces adultes ne s’accordent pas toujours entre eux et déjà ne sont pas en harmonie sur les démarches éducatives à suivre. D’où des conflits réguliers qu’il faudra parfois faire trancher par le juge aux affaires familiales.
1o Les grands-parents
Le plus souvent on s’entend en famille sur les relations que les enfants doivent entretenir avec leurs anciens. Pas besoin de juge. Mais il est des grands-parents intrusifs ou des relations délicates entre générations dont les enfants peuvent faire les frais. La loi garantit le droit des enfants à entretenir des relations avec leurs grands-parents. En cas de désaccord il faudra saisir le juge aux affaires familiales pour préciser les termes de ces relations.
2o Les beaux-pères et les belles-mères
Un million d’enfants vivent avec un adulte qui n’est pas leur parent biologique. Deux questions se posent alors : celle du pouvoir de ces adultes sur l’enfant le temps de la vie commune et celle d’éventuelles relations après une séparation du parent biologique.
D. Le temps de l’union
Juridiquement la personne avec laquelle vit habituellement le parent biologique ne dispose d’aucun pouvoir sur l’enfant ; pour autant son rôle au quotidien peut être majeur. Certains adolescents en profitent pour échapper à toute autorité. On attend toujours un texte de loi qui affirme les responsabilités s’agissant des actes usuels, les actes majeurs relevant des seuls titulaires de l’autorité parentale. Depuis dix ans les politiques, malgré les annonces faites n’ont pas osé s’attacher à ce problème somme toute aisé à résoudre en affirmant que ceux qui vivent avec l’enfant exercent les actes de la vie courante – actes usuels – quand le parent biologique séparé exerce les droits fondamentaux.
E. A posteriori
À défaut d’entente avec les parents biologiques la personne attachée à l’enfant pour avoir vécu avec un enfant peut solliciter le droit de continuer à entretenir des relations avec lui par-delà la séparation. Bien évidemment ici encore le point de vue l’enfant sera recueilli et généralement pris en compte.
La loi permet à l’enfant d’entretenir des relations avec ceux qui lui sont chers comme un ex-beau-parent ou assistante familiale.
§ 3. Protéger les intérêts matériels et moraux de l’enfant
Les parents gèrent les intérêts matériels de leurs enfants. L’enfant peut hériter, faire l’objet d’une donation ou avoir des revenus sportifs ou artistiques. Ils peuvent ainsi être amenés à demander une indemnisation pour leur enfant si celui-ci est victime d’un accident ou d’une agression. Ils gèrent ses biens et perçoivent ses revenus jusqu’à 16 ans. Si l’un des parents vient à disparaître, une procédure de tutelle aux biens sera mise en place. Pour disposer des biens immobiliers de leur enfant il faudra au tuteur l’accord du juge.