Prologue 
Posté devant la fenêtre du cottage, Marco de Luca observait le paysage nocturne. C’était la pleine lune et, devant lui, la mer aux reflets d’argent paraissait s’étendre à l’infini. 
Il avait travaillé et vécu dans des villes pendant de trop nombreuses années. La nuit venue, le ciel y prenait une teinte orangée et les étoiles n’y étaient jamais visibles. A force de travailler d’arrache-pied pour transformer sa petite entreprise en multinationale, il en avait presque oublié ce que c’était que de ralentir l’allure, profiter de la vie et prendre le temps de regarder autour de soi. 
Il n’y avait pas de lampadaires sur cette partie de la côte galloise, aucune source de lumière à part celle de la lune et il n’y avait pas d’autres maisons en vue sur la baie où leur petit cottage était niché. 
Il était heureux que Claudia l’ait invité. Cela l’avait touché lorsqu’elle lui avait proposé de l’accompagner dans cette ravissante région où sa mère avait grandi. Marco savait que cette dernière était morte quand Claudia avait cinq ans et que cet endroit, avec tous les souvenirs qu’il renfermait, occupait une place de choix dans son cœur. 
Il se détourna enfin de la fenêtre pour regarder la jeune femme dormir. Ses longues jambes étaient partiellement couvertes par les draps froissés, ses cheveux coulaient sur l’oreiller. Il faisait trop sombre, dans la pièce, pour voir leur magnifique éclat cuivré. La clarté lunaire leur prêtait un éclat presque noir et faisait ressortir la peau laiteuse, presque luminescente, de Claudia. 
Tout en l’observant, une étrange sensation de chaleur se répandit en lui. Ils avaient passé une merveilleuse journée. Le cottage était magnifique et Marco était ému des confidences que Claudia lui avait faites sur son enfance. Même s’il était triste qu’elle ait perdu sa mère si jeune, il était évident qu’elle parvenait à trouver du bonheur en ces lieux. 
Il devait bien admettre qu’il l’enviait. Il n’avait pas vu sa propre mère depuis huit ans et s’étranglait presque d’amertume et de colère chaque fois qu’il pensait à elle. Telle une Jézabel moderne, elle avait trahi sa propre famille en œuvrant pour un dénommé Primo Vasile, une ordure et un escroc de la pire espèce. 
Son œuvre achevée, après la mort du père et du grand-père de Marco, elle avait choisi de disparaître en abandonnant sa fille Bianca, âgée de onze ans à l’époque. 
Un poing invisible sembla se refermer sur son cœur, le forçant à inspirer profondément pour le desserrer. Il ne penserait pas à sa mère, résolut-il, ni à ce qu’elle avait fait huit ans plus tôt. Il ne laisserait pas ces souvenirs gâcher ce séjour avec Claudia. 
Il lui fallait reconnaître, cependant, que l’attitude de sa mère avait singulièrement entamé sa capacité à faire confiance à une femme. Aussi quand sa sœur lui avait présenté Claudia s’était-il initialement méfié d’elle. Le père de Claudia était en effet l’un des associés de Primo Vasile. 
Pour faire plaisir à Bianca, il avait cependant décidé de donner une chance à son amie et il devait bien admettre qu’il ne le regrettait pas. 
De nouveau, il baissa les yeux vers elle. Oui, il y avait quelque chose de spécial entre eux, une complicité qu’il n’avait jamais partagée avec quiconque. 
Il fut soudain tiré de ses réflexions par le vibreur de son téléphone portable, qui se mit à danser sur sa table de chevet. Marco bondit et le prit en hâte avant que le bruit ne réveille la jeune femme. Puis, se glissant hors de la chambre, il décrocha. 
– Ciao, Ricardo. Que se passe-t–il ? 
Un coup de fil si tardif n’augurait rien de bon, et Marco avait senti une inquiétude diffuse s’emparer de lui en voyant le nom de son ami s’afficher sur l’écran de l’appareil. 
– Tout va bien, dit aussitôt Ricardo, rassurant. En tout cas maintenant. Mais je pensais qu’il fallait que tu saches… Il y a une heure, j’ai croisé Bianca dans une soirée, ici à Turin. Elle avait des ennuis. 
– Quoi ? Elle va bien ? l’interrompit Marco, saisi d’une angoisse mortelle pour sa petite sœur de dix-neuf ans.