INTRODUCTION
1. PRÉSENTATION DE LA PÉDAGOGIE
Dans le domaine des activités éducatives d’enseignement, de formation et d’apprentissage, la pédagogie est de l’ordre des pensées et des actions. Les significations des termes d’éducation, de pédagogie, de didactique sont imbriquées fonctionnellement et historiquement (cf. chap. 2.1). Diderot dans l’Encyclopédie (1751) présente « la pédagogique, qui traite du choix des études et de la manière d’enseigner ». Rollin, dans le Traité des études (1726), conçoit que la pédagogie s’étende à la manière d’enseigner et d’étudier. Prost (1982) souligne que « la pédagogie n’est pas un savoir sur l’enseignement mais sur les études ; […] elle est dès l’origine centrée sur les élèves, dans leur rapport au savoir : comment apprennent-ils ? Comment reconstruisent-ils les savoirs pour leur propre compte ? » On considère aujourd’hui que l’objet de la pédagogie, ce n’est ni l’enseignant, ni le savoir, ni l’élève, mais l’activité qui les réunit. Le travail de l’enseignant et celui de l’élève, articulés mais différents, trouvent leurs fonctions dans la relation et le système pédagogique (enseigner et apprendre).
La pédagogie devient ainsi, à travers l’intention fondatrice de faire apprendre, la forme raisonnée des rapports entretenus entre les élèves et les savoirs. Dans sa dimension pratique elle concerne le champ des expériences et des connaissances partagées (ou non partagées) par les élèves et les maîtres sur la possibilité d’enseigner et d’apprendre : elle appartient autant à l’élève qu’à son professeur. Dans sa dimension réflexive la pédagogie a pour objet l’élucidation et l’exposé des logiques des actions d’éducation et d’enseignement et des valeurs qu’elles réalisent. La démarche est aussi liée à l’organisation de l’action : comme analyse des moyens de gérer une activité professionnelle d’enseignant, elle a pour souci de concevoir des voies nouvelles pour organiser l’activité pédagogique. La pédagogie, nous dit Dewey, « est une reconstruction continuelle qui va de l’expérience toujours changeante de l’enfant aux vérités organisées qui forment ce qu’on appelle les “études”. C'est aussi une interrogation constante, entre convictions et conceptions, éléments fondateurs et éléments instrumentaux. »
La pédagogie est de l’ordre de l’expérience humaine. Elle est autant un plan d’action, la réalisation d’un projet de société et de ses institutions, qu’une relation, une conduite réalisatrice qui passe par une rencontre, une expérience où tout n’est pas donné à l’avance. Cet engagement, ce contact direct avec la réalité (Freinet parle de « moments » pédagogiques) est une action vécue dans la complexité de la présence, mobilisant technique, savoir, organisation et conduite d’un travail, carrefour de la mission d’enseigner et de la nécessaire médiation humaine. L'intention pédagogique (cf. chap. 1) lie ces différentes parties dans un contrat d’humanité.
La pédagogie n’est pas une science1, mais une pratique informée de savoirs de différents ordres : savoir sur les modes de faire en pédagogie (faire la classe, aider les élèves en difficultés), savoirs disciplinaires (programmes et compétences), savoirs d’ordre méthodologique (organisateurs du travail enseignant), savoirs scientifiques (sciences de l’éducation, de la cognition, humaines et sociales…), savoirs d’action pédagogiques qui lient la connaissance des élèves aux conditions d’exercice de la profession d’enseignant. La pédagogie se caractérise aussi par le scénario original qu’elle tisse entre une société, ses savoirs, ses pratiques éducatives et l’humain dans son avenir dont elle est une figure. L'engagement pédagogique est aussi celui de la construction paradoxale d’un monde commun qui assure à chacun son autonomie.
La pédagogie est enfin au cœur des transformations de nos sociétés, de la qualification de chacun et de la constitution d’un lien social, de l’interrogation du rôle joué par l’école dans différents domaines de la société contemporaine : intégration, violences, difficultés ou décrochage des élèves. Les modes de travail, les objets, sont situés dans des contextes scientifiques, sociaux et technologiques, tels ceux des environnements numériques informationnels, auxquels ils ne sont pas indifférents. Chaque individu est confronté à son propre développement, à l’acquisition de connaissances nouvelles, à l’intégration des modes d’apprentissage, à des modes sociaux généralisés dans une société de la connaissance. Une société qui s’interroge sur ces mouvements est une société qui interroge son passé, son avenir, le fondement de ses règles : c’est pour cela que la question pédagogique est lieu de débat.