1. 
– Vous voulez que moi, j’épouse Vidal Marquez ? 
Elena scruta ses parents, abasourdie. Elle les adorait, mais ils devaient être devenus fous… Quand ils lui avaient demandé de venir, elle s’attendait à tout, sauf à ce qu’ils essaient de la convaincre d’épouser Vidal. 
Comment pouvaient-ils lui demander ça ? Comment avaient-ils même pu y penser ? 
C’était Reina qui était censée l’épouser. Ils étaient fiancés depuis des mois. Et voilà que sa sœur s’était enfuie, et que personne ne savait où elle était. Que s’était-il passé ? Et pourquoi voulaient-ils qu’elle prenne sa place ? 
Cela n’avait aucun sens. 
Elle jeta un coup d’œil par la fenêtre ouverte, qui laissait entrer le chaud soleil de l’après-midi. Quelle ironie que son monde s’écroule par une si belle journée ! 
– C’est ridicule ! s’exclama Elena en posant de nouveau les yeux sur ses parents. D’abord, je n’ai pas l’intention de me marier avant très longtemps. J’ai une entreprise à diriger, au cas où vous l’auriez oublié. Il m’a fallu des années pour arriver là où j’en suis : pas question de tout abandonner. 
Elle inspira profondément en repensant à l’énormité de ce qui lui était demandé. 
– Surtout pas pour épouser l’ex-fiancé de ma sœur ! 
Beaucoup de couples se séparaient chaque jour, et jamais on ne demandait à un autre membre de la famille de prendre la place du fiancé défaillant ! 
D’ailleurs, Elena avait du mal à imaginer que sa sœur ait pu rompre ainsi son engagement : Reina n’avait jamais fait un seul faux pas, contrairement à elle, le vilain petit canard, celle qui désespérait ses parents. Quand Elena avait décidé de s’installer à Los Angeles, ils s’étaient follement inquiétés. Pourtant, elle se trouvait aujourd’hui à la tête d’une florissante entreprise d’organisation de mariages. Quelle ironie que sa sœur ait disparu juste avant ce qui aurait dû être le mariage de l’année ! 
La nouvelle avait dû être un choc pour ses parents, de même que pour la famille de Vidal. Surtout que la préparation de la cérémonie était déjà bien avancée, et les plus éminentes personnalités d’Espagne sur la liste des invités. 
Mais Elena était persuadée qu’il valait mieux que Reina ait découvert qu’elle n’aimait pas Vidal avant de l’avoir épousé plutôt qu’après. Pourtant, quelque chose dans l’attitude de ses parents lui laissait à penser qu’on ne lui disait pas tout. Vidal Marquez dirigeait une banque d’affaires, et on parlait d’une fusion avec la prestigieuse Banco Valero, banque privée que possédait sa famille depuis des générations. Y avait-il un lien ? 
– Je suis désolée que Reina vous ait infligé ça, reprit-elle. Mais c’est pour ne pas perdre la face que vous me demandez de prendre sa place ? La fusion ne peut-elle pas avoir lieu sans un mariage entre les deux familles ? 
– Nous avons effectivement peur que l’accord soit rompu, répondit son père. Nous ne t’en avons pas parlé plus tôt, mais c’était un mariage arrangé, pour des raisons financières. Nous pensions tous que cela convenait à ta sœur, nous pensions qu’elle aimait Vidal, mais… 
– Arrangé ! Alors ce n’est pas étonnant que Reina se soit enfuie ! Et maintenant, vous croyez que moi, je vais prendre sa place ? Au côté d’un homme pompeux, arrogant, un vrai sal… 
– Elena ! s’écria son père, choqué. Je ne tolérerai pas ce langage chez moi ! 
– C’est pourtant ce qu’il est ! répliqua-t–elle. 
Elle enrageait. Comment pouvaient-ils imaginer qu’elle allait épouser un homme qu’elle méprisait autant ? Et cela signifiait-il pour eux qu’elle reviendrait en Espagne ? Et travaillerait dans la nouvelle société créée par la fusion de leurs deux banques ? Elle n’avait jamais eu la moindre envie d’exercer dans ce secteur, et avait, dès qu’elle l’avait pu, choisi la liberté, de l’autre côté de l’Océan. Elle adorait ses parents mais, parfois, leur affection était étouffante.