« Un État qui en a conquis un autre le traite d'une des quatre manières suivantes : il continue à le gouverner selon ses lois, et ne prend pour lui que l'exercice du gouvernement politique et civil ; ou il lui donne un nouveau gouvernement politique et civil ; ou il détruit la société, et la disperse dans d'autres ; ou enfin il extermine tous les citoyens.
« La première manière est conforme au droit des gens que nous suivons aujourd'hui ; la quatrième est plus conforme au droit des gens des Romains : sur quoi je laisse à juger à quel point nous sommes devenus meilleurs. Il faut rendre ici hommage à nos temps modernes, à la raison présente, à la religion d'aujourd'hui, à notre philosophie, à nos mœurs. »
Montesquieu, De l'esprit des lois, livre X, chapitre iii, « Du droit de conquête ».
L'accomplissement des prophéties est cette théologie née du protestantisme au xviie siècle, mais reprise du millénarisme du christianisme des premiers siècles. Il s'agit de l'exégèse des derniers temps de l'humanité, qui comprend le rassemblement des Juifs en Terre sainte. Selon Pierre Jurieu, dans le livre qui s'intitule justement L'Accomplissement des Prophéties (1686)  :
C'est une chose qui n'a pas d'exemple et qui ne se peut comprendre que Dieu depuis deux mille ans conserve ce peuple dispersé parmi les nations, sans qu'il se confonde avec elles. Cela dit clairement que Dieu les conserve pour quelque grande œuvre.
Il prévoit le rassemblement des exilés en Terre sainte, leur reconnaissance de Jésus comme Messie et la formation d'un royaume purement spirituel.
À la même époque, Isaac Newton pouvait écrire :
Le mystère de cette restitution de toute chose se trouve donc chez tous les prophètes, et c'est pourquoi je m'étonne que, à ma grande stupéfaction, si peu de Chrétiens de notre temps arrivent à l'y trouver. Car ils ne comprennent pas que ce mystère consiste dans le retour final de captivité des Juifs, leur conquête des nations des quatre Monarchies et leur établissement d'un Royaume juste et florissant.
Cette tradition théologique est bien antérieure au sionisme et l'a souvent influencé. Elle a joué un rôle capital dans la réception du sionisme dans les pays de culture protestante. Elle se perpétue de nos jours sous la forme du sionisme chrétien, particulièrement présent aux États-Unis, avec parfois des traits nettement apocalyptiques (les Arabes sont les Amalécites d'aujourd'hui et la bataille d'Armageddon se prépare).
L'accomplissement des prophéties concerne aussi les prédictions politiques des acteurs. Ainsi, Herzl nota dans son journal au moment du premier congrès sioniste de Bâle en 18971 : « J'ai fondé l'État juif. [...] D'ici cinq ans peut-être, d'ici cinquante sûrement, chacun le comprendra. »
Négib Azoury ajouta en 1905 :
Deux phénomènes importants, de même nature et pourtant opposés, qui n'ont encore attiré l'attention de personne, se manifestent en ce moment dans la Turquie d'Asie : ce sont le réveil de la nation arabe et l'effort latent des Juifs pour reconstituer sur une très large échelle l'ancienne monarchie d'Israël. Ces deux mouvements sont destinés à se combattre continuellement, jusqu'à ce que l'un d'eux l'emporte sur l'autre. Du résultat final de cette lutte entre deux peuples représentant deux principes contraires dépendra le sort du monde entier.
On pourrait multiplier les exemples presque à l'infini. Pour les Arabes de Palestine, la déclaration Balfour de 1917 faisait d'eux des étrangers dans leur propre pays et annonçait leur expulsion. Toutes les tentatives de médiation et de compromis d'avant 1947 se fondaient sur cette appréhension de la violence née du choc de deux nationalismes engagés dans une lutte à mort.
La période 1947-1967 est bien celle de l'accomplissement de ces prophéties. Mais les événements ont leur logique indépendante. La question de Palestine n'est pas l'histoire de la seule Palestine : elle intègre dans son développement le rôle permanent des grandes puissances et les contradictions de leurs politiques liées aux contradictions de leurs intérêts.
Si dans cette question l'histoire semble se dérouler inexorablement, il faut pourtant analyser chacune des conjonctures qui se succèdent dans le temps court du politique. Elles ont leur richesse propre et montrent que l'avenir n'est jamais totalement écrit à l'avance. Bien plus, l'événement est toujours exploitation des virtualités du passé et il est toujours tourné vers l'avenir qui lui donne son sens. C'est rétrospectivement qu'on lui découvre des antécédents porteurs de causalités. S'il avait été autre, on lui aurait trouvé d'autres antécédents ou ces derniers auraient été interprétés autrement.