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Rosie Cox avait cru que, une fois son divorce prononcé, la colère et l’amertume qui l’avaient rongée ces derniers mois s’envoleraient comme par enchantement. Elle s’était lourdement trompée.
En se détournant du juge Lockhart, son jugement de divorce à la main, elle réalisait qu’au contraire elle venait de commettre une nouvelle erreur. Une fois de plus, un poignant sentiment d’échec l’étreignit, sans parler de la souffrance de la trahison. Une réaction bien naturelle : après dix-sept ans d’une vie conjugale plutôt tranquille et heureuse, elle s’attendait à tout, sauf à l’infidélité de Zach.
Certes, il n’avait jamais admis ouvertement sa liaison. De son côté, elle-même n’avait jamais pris son mari en flagrant délit. Ni d’ailleurs découvert de ces petits indices témoins d’une liaison : boîte d’allumettes de restaurant chic, facture de bijoux, note de motel… Mais, au fond de son cœur, elle savait. Une épouse sent ces choses-là.
Elle était profondément blessée et furieuse. Elle l’avait d’ailleurs manifesté en rendant le divorce aussi compliqué et difficile que possible. Pourquoi faciliter la vie à Zach en sortant de sa vie sans se battre ?
Mais, à l’issue du jugement, voilà qu’un fardeau encore plus lourd lui pesait sur les épaules. Olivia Lockhart avait rejeté l’accord de garde partagée des enfants que Zach et elle avaient élaboré avec tant de soin. La juge avait estimé néfaste pour les enfants de devoir changer de maison toutes les semaines. Allison et Eddie avaient besoin d’une vie stable, avait-elle argué. De plus, ils n’avaient rien demandé.
Rosie savait que beaucoup de gens, à Cedar Cove, considéraient Olivia Lockhart comme une juge innovante et dont les jugements étaient très pertinents. Mais là, franchement, elle avait perdu la raison ! Le jugement rendu était pour le moins insensé ! Elle avait accordé la maison aux enfants. Ce qui signifiait que ce serait Zach et elle qui feraient les allées et venues.
C'était non seulement ridicule, mais totalement irréalisable sur le plan concret !
Rosie pensait en avoir terminé avec Zach, mais ils allaient au contraire devoir s’accorder plus que jamais dans leur vie quotidienne.
— Rosie…, fit Sharon Castor, son avocate, dès qu’elles se retrouvèrent dans le couloir, nous devons absolument discuter avec votre ex-mari.
Il suffisait d’un regard à Rosie pour constater que Sharon était aussi troublée qu’elle.
Otto Benson, l’avocat de Zach, les rejoignit bientôt. En apparence, il semblait calme, mais il avait les traits tirés et semblait tout aussi stupéfait des termes du jugement que sa collègue.
Rosie n’osait pas regarder en direction de Zach. En fait, elle avait évité de le regarder depuis le moment où elle était entrée au tribunal.
— Trouvons un endroit tranquille et discutons des détails, proposa Otto.
Rosie se tourna enfin vers Zach, qui se tenait derrière son avocat. Il ne semblait pas plus satisfait qu’elle, mais elle aurait préféré mourir que d’avouer ce qu’elle ressentait.
— Rosie et moi devrions pouvoir nous arranger tous seuls, répondit-il, une note d’irrtation dans la voix.
Compte tenu de la façon dont les choses s’étaient passées jusqu’à présent, Rosie en doutait.
— Souviens-toi qu’il nous a fallu des semaines pour nous mettre d’accord sur les modalités de la garde conjointe, dit-elle.
Elle prenait un malin plaisir à lui rappeler ses torts. Sans doute cherchait-il à économiser des honoraires d’avocat, étant donné que c’était à lui qu’incombaient les frais du divorce. Tant pis ! S'il avait moins d’argent à dépenser pour sa petite amie, ce n’était pas son problème à elle !
— Qu’est-ce qui te fait croire qu’on est capables de se mettre d’accord sur quoi que ce soit sans médiateur ? demanda-t-elle encore, sarcastique.
— Très bien, marmonna Zach avec une moue qui lui rappela leur fils de neuf ans.
En l’observant, Rosie se demandait maintenant comment elle avait pu l’aimer. Non seulement il était arrogant, contrariant, mais il n’avait aucune idée de ce que c’était que d’être un mari et un père. Bien sûr, il était séduisant avec ses larges épaules, que mettaient en valeur ses costumes coûteux et ses épais cheveux bruns, et tout dans son apparence exprimait sa réussite sociale. A une époque, il avait même été athlète et courait encore de temps en temps pour garder la forme.