INTRODUCTION
La droite à la conquête de l’Europe
Dans la perspective des élections européennes de 2004, le Parti Populaire européen (PPE1, réuni en congrès en février, se préparait à conquérir l’Europe avec pour slogan : « Le PPE, votre majorité en Europe. » Ses dirigeants semblaient alors faire preuve d’une immense confiance dans l’avenir que rien ne pouvait entamer. Même la défaite du Partido Popolar esganol et le vote sanction contre la droite française lors des élections régionales un mois plus tard, n’ont pas réussi à ébranler cet optimisme.
Et pour cause. En l’espace de quelques années, la couleur politique de l’Europe a profondément changé. En l’an 2000, seuls trois gouvernements sur quinze pouvaient être classés à droite dans l’Union européenne (UE) : celui de José Maria Aznar en Espagne, de Bertie Ahern en Irlande et de Jean-Claude Juncker au Luxembourg. Rénovée, modernisée et convertie au libéralisme économique, la gauche socialiste et sociale-démocrate était parvenue à dominer presque entièrement la vie politique européenne. Aujourd’hui, le visage de l’Europe est très différent. Les partis issus des familles de la droite modérée occupent l’essentiel du paysage politique européen (cf. carte 1 et tableau 1). Sur les quinze pays membres de l’UE, dix – l’Autriche, le Danemark, l’Espagne, la France, la Grèce, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et le Portugal – sont, en mars 2004, gouvernés par une majorité de droite modérée, libérale, conservatrice ou démocrate-chrétienne. Deux autres pays, hors de l’UE, sont aussi dominés par la droite : la Norvège et l’Islande. La droite, enfin, partage le pouvoir avec la gauche au sein de grandes coalitions dans deux autres pays : en Belgique où le gouvernement est dirigé par un libéral et hors de l’UE, en Suisse2.
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Carte 1. La couleur politique de l’Europe en mars 2004
. Dirigeants et partis au pouvoir en Europe en mars 2004
AllemagneGerhard Schröder (SPD)SPD, Grünen
AutricheWolfgang Schüssel (ÖVP)ÖVP, FPÖ
BelgiqueGuy Verhofstadt (VLD)VLD, PS, SPA, MR,Spirit
DanemarkFogh Rasmussen (V)V, KF
EspagneJosé María Aznar (PP)PP
FinlandeMatti Taneli Vanhanen (KESK)KESK, SDP, SFP
FranceJacques Chirac (UMP)UMP, UDF
Jean-Pierre Raffarin (UMP)
GrèceConstantin Caramanlis (ND)ND
IrlandeBertie Ahern (FF)FF, PD
IslandeDavid Oddsson (SF)SF, PP
ItalieSilvio Berlusconi (FI)FI, AN, LN, CCD-CDU
LuxembourgJean-Claude Juncker (PCS-CSV)PCS-CSV, PD
NorvègeKjell Magne Bondevik (KRF)KRF, H, V
Pays-BasJan Peter Balkenende (CDA)CDA, VVD, D66
PortugalJosé Manuel Durao Barroso (PSD)PSD, CDS-PP
Royaume-UniTony Blair (LP)LP
SuèdeGöran Persson (S)S
SuisseJoseph Deiss (CVP-PDC)SPS-PSS, FDP-PRD, UDC-SVP, CVP-PDC
Une séquence d’alternances
Cette alternance globale semble débuter en juin 1999. Pour la première fois depuis l’élection du Parlement européen au suffrage universel direct, le PPE qui fédère les principaux partis démocrates-chrétiens et conservateurs, constitue la principale force politique siégeant à Strasbourg (232 députés européens sur 626), et succède à ce titre au Parti socialiste européen (PSE) qui ne compte plus que 174 députés. Mais ce succès proprement européen n’était que le début d’une séquence d’alternances et de victoires des droites au plan national.
En octobre de la même année, l’Autriche se dote d’une majorité inédite composée des démocrates-chrétiens de l’ÖVP et de l’extrême droite populiste du FPÖ de Jörg Haider. Les élections de 2002, si elles ont confirmé la puissance des premiers, ont toutefois vu l’influence du FPÖ largement décroître.
En mars 2000, le Parti populaire espagnol (PP) remporte à nouveau les élections législatives après avoir accédé pour la première fois au pouvoir en mars 1996. Mais il conforte son hégémonie en obtenant la majorité absolue au Cortes. Son élan est brisé en 2004 dans un contexte électoral chaotique et aléatoire. Devançant largement en intentions de vote son concurrent socialiste, il semblait pouvoir confirmer sa présence à la tête du gouvernement espagnol. Mais les attentats du 11 mars, à Madrid, ont bouleversé la donne politique et conduit à la défaite surprise du PP, désormais dirigé par Mariano Rajoy.