Sophie Brana
Michel Cazals
La monnaie
dunod
© Dunod, Paris, 2014
9782100711543
01
ISBN 978-2-10-071154-3
3e édition
Conseiller éditorial : Frédéric Poulon
S
ommaire
Avant-propos
Chapitre
1

Notions fondamentales sur la monnaie
I L’identification de la monnaie
1 Des origines aux formes actuelles
2 Des fonctions à la valeur de la monnaie
II La mesure de la monnaie en circulation
1 Définition et construction
des agrégats monétaires
2 Les agrégats monétaires européens
III Les acteurs de la monnaie :
banques, marchés et autorités
1 Les banques
2 Les marchés de capitaux
3 Les autorités
Chapitre
2

La monnaie dans l’économie
I Monnaie et prix : l’univers classique
1 La neutralité de la monnaie
2 La théorie quantitative de la monnaie
3 M. Friedman et le monétarisme
II Monnaie et activité économique :
l’univers keynésien
1 Le bouleversement keynésien
2 Deux prolongements sur la demande de monnaie
III Approches contemporaines :
ruptures ou continuités ?
1 Nouvelle économie classique contre
Nouvelle économie keynésienne :
la persistance des courants
2 La relation inflation-chômage au centre des débats
3 La monnaie en économie ouverte
Chapitre
3

La création monétaire
I Les mécanismes
de la création monétaire
1 Le processus de création monétaire
2 Les sources de la création monétaire
II Les limites de la création monétaire :
les facteurs de la liquidité bancaire
1 Les facteurs restrictifs de la liquidité bancaire
2 Les facteurs expansifs de la liquidité bancaire
3 Liquidité bancaire et crise financière
III La question du caractère exogène ou endogène de la création monétaire
1 Le débat entre l’école de la circulation
et l’école de la banque
2 L’opposition multiplicateur/diviseur
3 La distinction économie d’endettement/
économie de marché
4 Les implications en termes de contrôle monétaire
Chapitre
4

La politique monétaire
I Le cadre d’analyse de la politique monétaire
1 Les différentes étapes de l’action monétaire
2 L’abandon progressif des stratégies basées sur des objectifs intermédiaires
II Le développement des instruments
et des canaux de transmission
reposant sur le marché
1 Le développement des instruments basés
sur le marché
2 La transformation des canaux de transmission de la politique monétaire
III Du consensus à la remise en cause du modèle de politique monétaire
1 La science de la politique monétaire avant la crise : la synthèse néo-classique
2 Vers un nouveau modèle de politique monétaire ?
Bibliographie
Index
Chapitre
1
Notions fondamentales
sur la monnaie
Même si elle n’évoque pour beaucoup que les pièces ou billets que nous utilisons tous les jours, la monnaie est complexe. Nous allons tout d’abord procéder à son identification, c’est-à-dire décrire ses origines, ses formes actuelles et ses fonctions (I). Nous pourrons alors mesurer la quantité de monnaie en circulation dans une économie (II). Nous verrons enfin les acteurs, c’est-à-dire les banques, marchés et autorités qui constituent le système financier (III).
I L’identification de la monnaie
1 Des origines aux formes actuelles
Une rapide rétrospective permet de saisir la complexité de la monnaie. On y découvre à quel point celle-ci est étroitement liée à des réalités sociales, politiques et même psychologiques et comment, par ailleurs, la monnaie peut changer de forme, d’une société ou d’une époque à une autre, sans que sa fonction économique en soit fondamentalement altérée.
> Un aperçu historique
Le terme français de monnaie provient du latin moneta (de monere, avertir). En effet, vers le milieu du iiie siècle avant Jésus-Christ, les Romains installent à côté du temple de Junon, sur le Capitole, leur premier atelier de pièces métalliques dont certaines à l’effigie de la déesse. Celle-ci surnommée Moneta (l’avertisseuse) est donc à l’origine du terme, d’où est issu aussi le mot anglo-saxon de money. L’étymologie pourrait conduire à penser que cette période est celle de l’apparition de la monnaie : il n’en est rien. D’une part, des formes métalliques de monnaies ont existé bien antérieurement : on en trouve des traces plus de 1 700 ans avant Jésus-Christ dans le code d’Hammurabi. D’autre part, des instruments monétaires ont servi à l’échange dans des sociétés dites primitives : tête de bétail (pecunia, de pecus, le troupeau), barre de sel, épi d’orge ou de maïs, petits objets manufacturés (disques, anneaux, fer de lance, marmites, etc.). Pourtant, pendant des siècles, certaines sociétés comme l’Égypte ancienne, l’Assyrie ou l’Empire aztèque, se sont passées de monnaie malgré leur grande activité commerciale.
Traditionnellement, la naissance de la monnaie, dans sa forme métallique, est attribuée à la Lydie (Anatolie) au début du viisiècle avant Jésus-Christ. C’est à cette date que l’on voit apparaître des pièces d’electrum (alliage naturel d’or et d’argent). Mais en Chine, la découverte de la monnaie semble remonter à plus de 1 000 ans avant Jésus-Christ. On ne peut donc dater la naissance de la monnaie et considérer, comme pour d’autres inventions, que sa diffusion ait répondu à un processus continu et progressif.
Par ailleurs, la monnaie initialement utilisée n’est pas un objet particulier spécifiquement créé pour sa fonction monétaire mais plutôt un objet, notamment une marchandise déjà connue, auquel on va attribuer plus ou moins progressivement le statut de monnaie. Par cela, sa valeur économique pour son détenteur s’en trouvera profondément modifiée. Le statut monétaire confère à un objet économique une valeur qui dépasse toujours largement sa valeur intrinsèque, c’est-à-dire celle des matériaux qui le composent. Si les métaux précieux (or, argent principalement) sont souvent utilisés comme monnaie – c’est le cas dans la Grèce antique et chez les Romains – bien d’autres objets ont joué ce rôle. On remarquera qu’il s’agissait toujours d’une marchandise, elle-même objet d’échange, d’où le nom de monnaie marchandise.
La forme métallique est la plus fréquente parce qu’elle présente simultanément les caractéristiques suivantes : elle est relativement inaltérable ; elle est facilement divisible ; enfin les métaux précieux sont rares et recherchés.
On considère qu’il existe trois grandes étapes de cette monnaie métallique.
1. La monnaie pesée : on pèse l’objet métallique (blocs, lingots, pépites, pièces) servant à l’échange afin d’en déter-miner son contenu en métaux précieux et on en détermine, de façon souvent très rudimentaire, sa teneur en cas de mélange avec d’autres métaux.
2. La monnaie comptée : le métal est transformé en pièces de petite taille dont la dimension et la teneur sont progressivement normalisées ; il suffit alors de compter les pièces pour déterminer la quantité d’or ou d’argent que l’on transmet.
3. La monnaie frappée : des autorités, religieuses ou politiques, vont attester, par le sceau ou le signe qu’elles frapperont sur les pièces, la valeur de celles-ci (titre et poids).
En France, si l’on trouve encore au Moyen Âge de nombreuses monnaies locales, frappées par des seigneurs ou des autorités religieuses, la frappe tend à s’étatiser sous l’autorité du roi jusqu’à la Révolution de 1789. Après celle-ci est mis en place un nouveau système monétaire, appelé le bimétallisme or et argent et soumis au règles suivantes :
– or et argent circulent librement sous forme de pièces ;
– un rapport légal est établi entre des deux métaux : x grammes d’or valent y grammes d’argent pour tous ;
– un cours légal leur est donné : chacun se devait de les accepter en règlement d’une transaction.
Parallèlement à cette forme métallique, est apparu le billet de banque. À l’origine il n’est rien de plus qu’un certificat attestant le dépôt d’une quantité de métaux précieux dans telle ou telle banque ; il s’agit alors plus d’un simple reçu. Mais on est assez vite passé à un second stade : celui du
billet de banque convertible, appelé monnaie fiduciaire en raison de la confiance (en latin confiance se dit fiducia) en la banque émettrice qui s’engage, sur simple présentation du billet, à convertir celui-ci en métal précieux. Comme il est peu probable que tous les porteurs se présentent simultanément pour cette conversion, il devient possible à la banque d’émettre plus de billets qu’elle ne détient de stock de métaux. Un troisième stade est celui du
billet inconvertible : on autorise les banques émettrices à ne plus échanger les billets contre des espèces métalliques, autrement dit on oblige les particuliers à renoncer à la convertibilité des billets en métaux précieux ; c’est ce qu’on appelle le cours forcé. Celui-ci a été établi définitivement en France en 1936. On continue cependant, par tradition, à appeler monnaie fiduciaire les billets inconvertibles ainsi que les pièces de monnaie (officiellement dénommées monnaies divisionnaires).
Une autre forme de monnaie apparaît en même temps que le billet de banque, et peut-être antérieurement : la monnaie scripturale. Celle-ci n’existe qu’à travers les inscriptions (écritures) dans les comptes des banques. Les règlements vont alors s’opérer par les seuls débit et crédit des comptes des agents concernés par la transaction : il n’y a pas de monnaie matériellement transmise du payeur au payé, mais un simple jeu d’écritures dans les comptes des banques. Les titulaires des comptes peuvent mobiliser les sommes qui leur appartiennent par différents supports, comme le chèque ou la carte bancaire. Ces supports matérialisent l’ordre donné à la banque d’effectuer tel ou tel type de règlement au profit d’un bénéficiaire précis et pour un montant déterminé. Pour que le règlement puisse avoir lieu – c’est-à-dire pour qu’il y ait débit et crédit des comptes impliqués – il faut que le compte du payeur soit suffisamment approvisionné. Ce qui constitue donc ici la monnaie, c’est l’avoir du payeur à son compte bancaire – et non la possession d’un chéquier ou d’une carte bancaire.
À ce stade de notre démarche, nous pouvons dire que la monnaie est un actif accepté par tous les agents d’un territoire donné en règlement d’une transaction ou en extinction d’une dette. C’est là une définition institutionnelle de la monnaie, que nous compléterons par la suite par une définition fonctionnelle.
> Les formes actuelles de la monnaie
Il faut distinguer deux
formes de monnaie : la monnaie manuelle ou fiduciaire et la monnaie scripturale.
Le passage à l’euro en janvier 1999 pour la monnaie scripturale puis début 2002 pour la monnaie fiduciaire, constitue un événement remarquable puisqu’il entraîne la disparition des monnaies nationales au profit d’une monnaie nouvelle et unique, pouvant circuler sur l’ensemble des pays concernés. En janvier 2014, dix-huit pays avaient adopté cette monnaie commune, tant dans sa forme scripturale que fiduciaire.
La
monnaie manuelle ou
fiduciaire correspond aux pièces métalliques et aux billets. Les pièces métalliques ou monnaie divisionnaire sont parfois considérées comme des formes « dégénérées » des anciennes pièces d’or et d’argent. Leur valeur faciale, celle qui est inscrite sur la pièce même, est aujourd’hui sans rapport avec leur valeur intrinsèque. Les pièces correspondent à de faibles montants (1 centime à 2 euros) et servent essentiellement à faire l’appoint lors de règlements en espèces. Les billets concernent des montants plus élevés (5 à 500 euros). Pour l’ensemble de la zone euro, la part de la monnaie fiduciaire dans l’encours des moyens de paiement est de l’ordre de 17 %, avec de fortes hétérogénéités entre pays en raison d’habitudes de paiement très différentes. La France se distingue par une très forte utilisation des paiements scripturaux par rapport aux espèces (billets et pièces).
La
monnaie scripturale représente donc la forme de loin la plus importante. Elle n’existe, nous l’avons vu, que sur la base des écritures passées dans les comptes des banques. Il s’agit des avoirs en compte à vue détenus par les agents non financiers auprès des établissements de crédit. Les supports, souvent dénommés moyens de paiement, de cette forme de monnaie sont variés et évoluent très rapidement. On assiste d’une façon générale à leur dématérialisation progressive. Actuellement en France, c’est avec la carte bancaire que l’on réalise le plus grand nombre de paiements (45 %). L’ensemble des prélèvements (incluant les TIP, titres interbancaires de paiement) représente 20 % ; vient ensuite le chèque, avec 17 % des paiements, à égalité avec les virements.
Le chèque, support le plus ancien, reste comparativement très utilisé en France. Il permet à la fois le paiement de proximité et à distance. On estime que chaque Français émet en moyenne 46 chèques par an, contre moins d’un par exemple pour un Belge. Le montant moyen reste assez faible : 20 à 30 euros. Si le chèque reste aujourd’hui gratuit le plus souvent pour les particuliers, sa gestion et son traitement coûtent à la banque entre 0,5 et 1 euro. À la suite d’un durcissement de la réglementation et des contrôles, les taux d’impayés sont à présent faibles : de l’ordre de 2 pour 1 000. Depuis 2002, la pratique de l’image-chèque s’est généralisée entre banques, évitant ainsi leur circulation matérielle entre établissements.
La carte de paiement bancaire ou carte bancaire a connu et connaît encore un essor rapide. Sa progression en nombre d’opérations a par exemple été de 10,7 % par an en moyenne entre 1997 et 2004 et de 7,4 % en 2011 en France.
Elle permet de procéder pour l’essentiel à des paiements de proximité et à des retraits d’espèces. Introduite en France dès 1967, elle a connu son véritable essor avec la mise en place des retraits d’espèces au début des années soixante-dix dans les distributeurs automatiques de billets (DAB) et les guichets automatiques de banque (GAB). La généralisation du microprocesseur, à partir de la fin des années quatre-vingt, est aujourd’hui réalisée ; ce micro-processeur permet, lors de l’acte de paiement même, d’authentifier la carte et d’identifier le porteur par composition de son code secret. Au service interbancaire de paiement, les établissements de crédit tendent à ajouter d’autres prestations (assurance vol/accident, plafond de retrait majoré, porte-monnaie électronique, etc.). Aujourd’hui se mettent en place des normes internationales (dites EMV) qui en renforceront fortement la sécurité.
Le
virement est un ordre de payer, par débit d’un compte et crédit d’un autre compte, effectué à l’initiative du payeur ; il suppose la connaissance des coordonnées bancaires du bénéficiaire, information qui n’est pas toujours disponible. D’autres pays, l’Allemagne et l’Italie notamment, l’ont adopté comme principal instrument de paiement (46 % des paiements contre 8 % pour le chèque en Allemagne).
Le
prélèvement, formule plus ancienne que la carte bancaire puisqu’elle remonte à 1955 en France, n’occupe encore dans notre pays qu’une part modeste des paiements scripturaux : 11 % contre 43 % pour l’Allemagne mais 1 % seulement pour les États-Unis. Sur l’initiative du bénéficiaire et après autorisation du payeur qui donne ainsi à son banquier un ordre permanent, le montant à régler est directement prélevé sur le compte. La progression observée des prélèvements s’explique plus par la mensualisation des règlements effectués au bénéfice de gros organismes (Trésor public, EDF, etc.) que par une véritable extension de ce moyen de paiement. Il semble que le public reste assez réticent à laisser au créancier la maîtrise du règlement. On peut donc s’attendre à la voir perdre de l’importance d’autant que le titre électronique de paiement devrait à l’avenir prendre une place importante dans les règlements à distance.
Le TIP (titre interbancaire de paiement) et le TEP (titre électronique de paiement) présentent tous deux l’avantage important de laisser au débiteur la pleine maîtrise de ses règlements. Le TIP est une formule établie par le créancier, accompagnant le plus souvent une facturation informatisée. Le débiteur est donc appelé à donner son accord pour le règlement de chaque opération mais en même temps le créancier en reste l’initiateur. Présentant à la fois les avantages du prélèvement et du chèque, cette formule est appelée sans doute à se répandre rapidement pour les paiements à distance. Le TEP est une formule largement automatisée où, en vertu d’une autorisation signée par le débiteur, le créancier émet le titre après un accord exprès transmis par communication télématique ou téléphonique du code du débiteur. Prélèvement, TIP et TEP forment ce que l’on appelle les débits directs.
> Une
monnaie électronique ?
Avec l’apparition de nouvelles formes de paiements utilisant intensivement, voire exclusivement, les nouvelles technologies de communication, surgit l’idée qu’une nouvelle forme de monnaie serait ainsi mise en place. Reprenant les termes de la Commission européenne, la monnaie électronique (e-money) se définit comme « toute valeur monétaire représentant une créance qui est stockée sur un support électronique ; cette valeur monétaire doit être émise contre la remise de fonds d’un montant dont la valeur n’est pas inférieure à la valeur monétaire émise ». Il existe principalement deux types de monnaie électronique : le porte-monnaie électronique (PME), dont le support est une puce implantée sur une carte à usage spécifique ou multiple, et le porte-monnaie virtuel (PMV) utilisant comme support le disque dur d’un ordinateur.
Pour le PME, le principe consiste à charger un certain montant d’argent dans la puce (via une borne de distribution ou la machine d’un commerçant). Il s’agit donc d’un système de carte prépayée qui permet à son détenteur de régler directement le commerçant. La carte est déchargée des unités réglées alors que le terminal du commerçant est lui crédité de la somme. En France mieux connu sous la marque Monéo, commun à sept grandes banques, ce système permet le règlement d’opérations inférieures à 30 e et sa capacité de stockage est limitée à 100 e : il sert donc essentiellement à faire l’appoint et se rapproche en cela de la « petite monnaie », les espèces de faible montant. Lancé en 1997, on pensait que le passage à l’euro favoriserait son développement. Après plusieurs années de très faible progression, il ne connaît encore aujourd’hui qu’un essor modeste.
Le porte-monnaie virtuel ou PMV utilise comme support le disque dur d’un ordinateur. Il est associé aux paiements en ligne par internet. Il reste encore d’un usage très limité mais pourrait se développer très rapidement avec la forte progression des achats en ligne. Une nouvelle forme de paiement par téléphone mobile (qualifiée de m-payments) permet d’effectuer des virements ou encore d’effectuer un prélèvement automatique de fonds. Dans certains cas ce téléphone mobile pourra contenir un PME. Il servira surtout au paiement sans contact (PSC) réalisé simplement en approchant l’appareil d’un terminal de paiement.
On retiendra de ces évolutions qu’elles laissent entrevoir un champ très large de nouveaux instruments et modes de paiement. Il ne s’agira pas pour autant de véritable monnaie, bien distincte de la monnaie scripturale ou fiduciaire : la monnaie électronique reste avant tout, selon la Banque de France, un droit sur une somme d’argent. Elle ne représente encore qu’un très faible montant des paiements (0,2 % des paiements scripturaux, par exemple, pour le PME en Europe) et reste soumise à la nécessité d’atteindre une masse critique importante, avec de nombreux points d’acceptation parmi les commerçants pour prétendre à une certaine généralisation aux yeux d’utilisateurs. Il est apparu cependant nécessaire à la loi en janvier 2003 de mettre en place la notion d’établissement de monnaie électronique et de soumettre ainsi ce type d’établissements à plusieurs contraintes propres aux établissements de crédit.
L’initiative SEPA (Single European Payment Area ou espace unique de paiement), lancé par un règlement européen en 2012, vise à créer une gamme unique de moyens de paiement en euros, commune à l’ensemble des pays européens. Ces instruments de paiement unifiés (virements, prélèvements, carte de paiement) doivent se mettre en place au plus tard le 1er février 2014. Ainsi les agents non-financiers (entreprises, ménages, administrations) de l’espace européen pourront effectuer leurs paiements partout dans les mêmes conditions aussi facilement que dans leur propre pays. On le comprend, il s’agit d’un prolongement important de la mise en circulation des pièces et billets en euros.
> Les
systèmes de paiement
Un système de paiement peut être défini comme l’ensemble des mécanismes qui vont permettre aux différentes opérations de paiement, qu’elles émanent des agents non financiers ou des institutions financières, de s’effectuer concrètement. Il faut distinguer trois niveaux :
– à la base, les utilisateurs initiaux (particuliers, entreprises, administrations, etc.) qui font usage des supports permettant de faire circuler la monnaie scripturale ;
– au niveau intermédiaire, les établissements bancaires qui mettent à la disposition du public les différents supports qui opèrent entre eux les transferts de fonds par débit et crédit des comptes concernés ;
– au sommet, la Banque centrale qui, d’une part, a la charge de veiller au bon fonctionnement du système de paiement et, d’autre part, est la seule autorité à pouvoir conférer un caractère définitif et irrévocable aux règlements entre banques.
Deux modes de règlement sont possibles. Les instructions émises par les utilisateurs initiaux peuvent être traitées et réglées une par une : c’est le système de règlement brut. Les établissements se transmettent les informations nécessaires à l’opération puis débitent et créditent les comptes des agents concernés et leurs propres comptes du montant de cette opération. On peut au contraire choisir d’accumuler sur une période donnée (en général une journée) les instructions de paiement et de ne transférer que les soldes restants entre établissements (système de compensation) : c’est le système de règlement net. Si les systèmes bruts garantissent une bonne sécurité aux opérations, ils sont en général lourds à mettre en œuvre et très coûteux pour les banques. On tend aujourd’hui à privilégier les systèmes nets pour les opérations de faibles montants et les systèmes bruts pour les opérations de montants élevés ; mais les rapides progrès de l’automatisation et des transmissions informatisées peuvent laisser envisager une extension des systèmes bruts.
En France, le système interbancaire de paiement est constitué de plusieurs mécanismes complémentaires qui restent en pleine évolution en raison des progrès technologiques mais aussi d’un fonctionnement prenant progressivement une dimension européenne. On doit distinguer entre paiements de détail et paiements de montants élevés.
– pour les paiements de détail, les échanges de moyens de paiements scripturaux entre les banques sont compensés dans le système CORE qui a remplacé en 2008 le système SIT. Il s’agit d’un réseau de télécommunication décentralisé permettant l’échange direct et en continu des ordres de paiement entre les centres informatiques des banques.
– pour les montants élevés le système européen TARGET 2 (Trans-European Automated Real-Time Gross Settlement Express Transfer System) est en place depuis 2008. Il a vocation à intégrer progressivement tous les systèmes nationaux des pays européens. Il fonctionne de manière continue et est notamment utilisé pour le règlement des opérations de politique monétaire. Il permet des opérations transfrontières en euro dans les mêmes conditions que les opérations domestiques.
– un système de compensation sur instruments financiers (LCH Clearnet) et un système de règlement-livraison de titres (ESES) complète ces dispositifs.
Associés à la mise en œuvre du SEPA (voir plus haut), l’ensemble de ces systèmes font donc naître une véritable Europe des paiements.
2 Des fonctions à la valeur de la monnaie
> Les
fonctions de la monnaie