1. PARTIR ?
La politique de Vichy : discrimination et confusion
Défaite, la France signa l’armistice le 22 juin 1940. Une de ses clauses, le fameux article 19, prévoyait la « livraison sur demande » des ressortissants du Reich aux autorités occupantes. Les opposants allemands mais aussi tchèques ou autrichiens au régime nazi qui s’étaient crus en sécurité dans ce qu’ils regardaient comme la patrie des Droits de l’Homme étaient ainsi mis en péril. Cette clause transforma la France en un gigantesque piège qui se refermait sur ces étrangers. Ils devraient désormais envisager un deuxième exil. Par ailleurs, dès le 22 juillet, le nouveau gouvernement Pétain légiférant sur la zone Sud où s’étaient précipités tous les nouveaux indésirables dans l’affolement de l’exode, instituait une commission chargée de réviser toutes les naturalisations accordées depuis 1927 et de la retirer à tous ceux dont la nouvelle France ne voulait pas. Avant même que la législation antijuive ne confirmât l’exclusion, cela touchait notamment de nombreux juifs de l’Europe de l’Est devenus français
dans l’entre-deux-guerres. Une loi du 17 juillet dite de « francisation » limitait aux citoyens nés de père français l’accès aux emplois publics
67. Le 13 août, c’était le tour des francs-maçons. Le 27 septembre, les Allemands qui occupaient la zone Nord faisaient passer la première législation antisémite, suivis de peu par l’Etat français de Vichy qui, le 3 octobre, rendit effectif son Statut des Juifs.
Dans un pays qui pouvait se flatter d’abriter une communauté juive anciennement émancipée (depuis 1791) et fortement attachée à la République française, dont la laïcité militante avait permis une intégration réussie, les juifs redevenaient des parias
68. Définis comme catégorie selon des critères spécifiques, on les excluait « des postes de commande dans les services publics, du corps des officiers et de celui des sous-officiers, ainsi que des professions exerçant une influence sur l’opinion publique : l’enseignement, la presse, la radio, le cinéma et le théâtre. [...] Enfin la loi annonçait l’instauration d’un système de quotas afin de limiter le nombre des juifs dans les professions libérales
69 ». Des exceptions fondées sur la notion de « services exceptionnels » (article 8 de la loi du 3 octobre 1940) rendus à l’Etat français rendaient possibles certains rares reclassements. En mai 1941, environ 119 universitaires durent quitter leurs postes – 76 dans la zone occupée, 43 en zone Sud –, et un mois plus tard, lorsque Vichy promulgua son deuxième Statut des Juifs qui en élargissait sensiblement le spectre, 125 autres membres de l’Université française se retrouvèrent au chômage
70.