Introduction

Si on m’avait dit, il y a encore quelques années, que je serais l’auteur d’un livre qui préconise les protéines végétales, moi, carnivore invétéré et diététicien de surcroît, à qui on a toujours appris, pendant mes études, que toute forme de végétarisme était contraire à la santé de l’homme, je pense que je n’aurais pas du tout adhéré à cette prédiction !

Pourtant, lorsque mon éditeur m’a proposé ce projet, j’avoue ne pas avoir hésité un instant. Je m’interroge en effet fortement depuis plusieurs mois sur ma propre alimentation. Après plus de vingt-cinq ans consacrés à la nutrition… un diététicien ne devrait-il pas revenir sur ces acquis ? Bien sûr que si, mais « formaté » par un environnement professionnel, on avance un peu comme dans un couloir étroit où l’on est tellement forcé de regarder droit. Difficile de faire un demi-tour… mais pas irréalisable !

Mais entendons-nous bien, je ne suis pas devenu végétarien, ô non, j’aime trop le plaisir de la table pour limiter mon champ d’action culinaire. De plus, les produits d’origine animale ont des particularités nutritionnelles très intéressantes, dont la vitamine B12 (absente du règne végétal), le fer et le zinc en quantité irréprochable. Mais disons que certaines rencontres et lectures m’ont permis d’ouvrir quelques portes de ce couloir, quelques-unes menaient à des pièces agréables.

Il y a d’abord une entrevue en cette fin de printemps 2005 avec le professeur Elio Riboli, lors d’un congrès sur la nutrition à Rome. Ce professeur d’épidémiologie et de prévention du cancer, actuellement chef de service à l’Imperial College de Londres, était à l’époque épidémiologiste au Centre international de recherche sur le cancer (Lyon), et surtout coordinateur de l’étude épidémiologique Epic (European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition) portant sur près de 477 000 personnes (142 000 hommes et 335 000 femmes) de dix pays européens différents entre 1992 et 2000. Une de ces conclusions était simple : les gros mangeurs de viande ont beaucoup plus de risques de contracter des cancers, notamment des voies digestives, que ceux qui ont adopté une alimentation de type méditerranéen, c’est-à-dire riche en fruits et légumes et consommant moins de viande. Une des causes : l’excès de fer au niveau du côlon et le manque de végétaux dans leur ration alimentaire.

Il y eut ensuite un repas chez Achille, végétarien, saxophoniste dans un groupe de reggae, et cuisinier à ses heures perdues. Le plat qu’il avait mijoté était tout simplement délicieux. Mais quelle ne fut pas ma surprise, et je suppose ma tête, devant le paquet de « protéines de soja texturées gros calibres » (ça ne s’invente pas, cela existe, et d’ailleurs mon placard les a acceptées comme pensionnaires depuis), alors que j’étais persuadé d’avoir mangé un superbe colombo de poulet !

M’est apparu alors l’intérêt soudain de réaliser quelques recettes à base de tofu (surtout celui nommé « soyeux », qui a également élu domicile dans mon réfrigérateur) et autres produits de soja, et surtout la lecture de plusieurs publications scientifiques sur la santé d’une alimentation à tendance végétarienne, auxquelles le premier chapitre de ce livre fait écho.

Cependant, ne perdons pas de vue que le deuxième thème de ce livre est la perte de poids : et là aussi, il existe sans contestation possible un avantage aux végétariens, même si j’ai connu parmi mes patients quelques végétariens, voire végétaliens, qui étaient obèses. Mais franchement, j’ai dû en rencontrer à peine une demi-douzaine… en vingt-cinq ans !

Enfin, récemment, il y eut l’ouvrage de Mark Bittman, Mangeons responsable, auquel j’ai participé*. Le chapitre sur l’impact que peut représenter le choix de notre mode alimentaire sur l’empreinte écologique de notre planète, en diminuant notamment notre consommation carnée, m’a réellement interpellé, même si notre mode de vie est quand même assez différent de celui des Américains (quoique !… la marge se rétrécit de jour en jour).

Du coup, c’est vraiment sans hésitation que j’ai accepté d’écrire ce livre.

Mais attention, il n’est en rien un manifeste pour devenir coûte que coûte végétarien, et encore moins végétalien. Il permet simplement de considérer que le plaisir culinaire et la minceur peuvent également se réaliser avec des nouveaux produits, peu habituels mais non moins originaux, et qui permettent d’équilibrer au mieux nos modes alimentaires actuels. Pour avoir notre quota d’acides aminés essentiels, les nutritionnistes conseillent aujourd’hui d’équilibrer l’alimentation avec 50 % de protéines animales et 50 % de protéines végétales. Actuellement, en France, près de 70 % des protéines ingérées sont d’origine animale, d’après le recueil de données issues des Apports nutritionnels conseillés pour la population française, et cet équilibre souhaité de partialité paraît donc malheureusement illusoire.

Ainsi, dans ce livre, si les œufs, la viande, le poisson ou les yaourts réalisés au lait de vache ne sont pas présents dans les recettes, c’est uniquement pour redonner aux protéines végétales une place de « stars » qu’elles devraient avoir au même titre que leurs cousines d’origine animale. De plus, elles possèdent de nombreux atouts, dont celui d’être contenues dans des aliments qui sont naturellement allégés en calories ou pauvres en graisses, tout ce qu’il y a de mieux pour perdre quelques kilos superflus.

Mais ce n’est pas parce que les recettes proposées ici ne comportent pas, ou parfois très peu, de protéines animales, que vous devez les exclure complètement de votre alimentation quotidienne. Bien au contraire, les œufs, les produits de la mer, les viandes, les laitages possèdent une place qu’il ne faut surtout pas négliger sur le plan nutritionnel. Il existe de réelles déficiences (vitamines B12, D, B6, B9, C, magnésium, fer, zinc…) dans la population française que seule une alimentation dite équilibrée, c’est-à-dire n’excluant aucun groupe d’aliments, peut tenter de combler. Il est probable même que, dans quelques années, cette dernière ne suffise plus (appauvrissement des sols, pollutions, circonstances particulières telles que le stress…) et des supplémentations (au cas par cas) en vitamines et minéraux devront être conseillées à travers des compléments.

En résumé, mon objectif est de faire découvrir (et accepter) aux carnivores, ou plutôt aux omnivores dont je fais partie, que les plats végétaliens peuvent être excellents, sans perturber notre santé (bien au contraire), et s’intégrer avec succès dans un programme minceur.

Bon appétit, bonne découverte et bon voyage dans cette nouvelle minceur « gourmande ».

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*Mangeons responsable, Mark Bittman, 2009, Ixelles éditions.



Les protéines végétales :
un vrai coup de pouce naturel

Il y a aujourd’hui 3 millions de végétariens en France, soit près de 5 % de la population. Cette proportion atteint 7 % en Grande-Bretagne. Les arguments avancés pour consommer moins de viande sont assez nombreux. Ils peuvent être d’ordre « médiatique » (épisode de la vache folle, des poulets à la dioxine…), « moral » (respect de la vie animale, par exemple), « religieux » (influence orientale du bouddhisme ou autres) ou encore « économique » (le kilo de protéines animales nécessite environ cent fois plus d’énergie et d’eau que celui d’origine végétale), voire « écologique » (l’élevage intensif serait une source importante de méthane, un gaz à effet de serre). Mais celui qui paraît être le plus sérieux concerne le domaine de la santé et notamment celui de la prévention du surpoids.

Il est en effet maintenant bien reconnu que des végétariens ayant une alimentation équilibrée ont une santé meilleure que des gros mangeurs de viande.

De nombreuses études et rapports mettent d’ailleurs régulièrement en avant les bienfaits de l’alimentation végétarienne.

L’Association américaine de diététique, qui compte plus de 70 000 professionnels de santé, a publié un rapport (Position of the American Dietetic Association Vegetarian Diets) basé sur plus de deux cents études à propos de l’alimentation végétarienne. Ce rapport indique que « Les alimentations végétariennes planifiées de façon appropriée sont bonnes pour la santé, représentent une nutrition adéquate et apportent des bienfaits pour la santé, pour la prévention et le traitement de certaines maladies » (1).

Une alimentation végétarienne bien équilibrée permettrait donc de se maintenir en bonne santé et réduirait certains risques très répandus dans notre société : maladies cardio-vasculaires, cancers et accidents vasculaires cérébraux. L’Association américaine de diététique indique que « les végétariens sont moins sujets aux problèmes cardio-vasculaires, ont des taux de cholestérol plus bas, ont moins de problèmes d’hypertension, de diabète, de cancers de la prostate et du côlon et que les végétariens sont moins sujets aux problèmes d’obésité ».

Une alimentation végétarienne bien équilibrée peut fournir tous les nutriments nécessaires, sans les graisses saturées, le cholestérol…, que l’on peut retrouver dans de nombreux produits animaux.

Impact très intéressant sur les maladies cardio-vasculaires

De nombreuses études suggèrent que les végétariens auraient une meilleure santé cardio-vasculaire que leurs homologues carnivores. Pourquoi ?

Des recherches ont répondu sur le sujet en affirmant que le niveau de cholestérol total est régulièrement plus bas chez les végétariens que chez les non-végétariens (2). Une étude avance même que le régime végétarien serait plus efficace qu’un traitement médicamenteux (3). Le régime végétarien constitue un traitement alternatif pour les personnes disposées à faire attention à leur alimentation. Il est important de savoir que l’effet d’un régime végétarien sur le cholestérol sanguin dépend de la composition du régime, particulièrement par rapport aux acides gras saturés et non saturés.

Les végétariens sont-ils en meilleure santé cardio-vasculaire ? Pour le savoir, une équipe de chercheurs a comparé le risque cardio-vasculaire chez 67 végétariens et 134 omnivores âgés de 35 à 64 ans. Les chercheurs ont mesuré plusieurs paramètres connus pour être des facteurs de risques majeurs de maladies cardio-vasculaires : tension, glycémie (taux de sucres dans le sang) à jeun, cholestérol total, LDL cholestérol (celui que l’on nomme « mauvais » cholestérol) et triglycérides (une graisse particulière présente dans le sang). Résultat : l’ensemble des indicateurs est meilleur chez les végétariens que chez les non-végétariens (4).

Des cancers du côlon moins fréquents

Il existe peu de données sur le taux de cancers chez les végétariens, mais quelques renseignements sont disponibles pour le cancer du côlon. Ces informations permettent de penser que les adeptes du régime végétarien ont moins de risque de cancer du côlon.

Les mangeurs de viande ont une alimentation moins riche en fibres que les végétariens. Ceux-ci trouvent les protéines dans les aliments d’origine végétale tels que les céréales et les légumineuses. Ces aliments étant aussi riches en fibres, ils assurent la santé de leurs intestins. C’est pour cela que contrairement aux mangeurs de viande, les végétariens sont moins concernés par la constipation et le cancer du côlon.

Une équipe de chercheurs britanniques de l’université d’Oxford a suivi le régime alimentaire de 10 998 hommes et femmes pendant dix-sept ans (5). Les résultats montrent que les végétariens ont généralement 15 % de risque en moins que les non-végétariens de contracter un cancer du côlon. Il est à noter que ce sont surtout les fruits qui semblent apporter un réel effet protecteur. En effet, parmi les végétariens de l’étude, ceux qui consommaient le plus de fruits, cinq ou plus par semaine, avaient diminué leur risque de cancer de 40 %.

Selon Miguel Sanjoaquin, auteur de l’étude, « les fruits et légumes sont particulièrement riches en substances anti-oxydantes qui protègent l’organisme des dégâts des radicaux libres. D’un autre côté, on sait que la viande rouge, riche en graisses saturées, augmente l’excrétion d’acides biliaires qui à leur tour produisent des substances susceptibles d’encourager la croissance des tumeurs ».

L’excès de fer également serait responsable chez les gros carnivores de leur incidence plus forte à contracter un cancer du côlon (6).