RÉSUMÉ
Orphée et Eurydice (p. 320-324). Orphée, poète de Thrace (actuellement la Bulgarie), épouse Eurydice mais d'emblée les présages sont défavorables et peu après Eurydice, piquée par un serpent, meurt et est emportée aux Enfers. Orphée, très malheureux, décide de descendre à son tour aux Enfers pour réclamer Eurydice aux divinités infernales. Il est si éloquent que celles-ci lui accordent ce qu'il demande, à la condition que, jusqu'à leur retour à la surface de la terre, Orphée ne regarde pas Eurydice. Mais alors qu'ils sont presque arrivés, Orphée ne peut s'empêcher de se retourner et Eurydice rentre définitivement dans les Enfers. Orphée, alors, fuit l'amour et erre, désespéré. Il quitte la plaine pour les montagnes du Rhodope et de l'Hémus. Il pleure et le son de sa lyre attire les arbres.
Cyparissus (p. 324-325). Parmi ces arbres se trouve le cyprès, occasion d'une légende. À Carthée, ville de Céos, île de la mer Égée, vivait un cerf magnifique, qui était aimé par Cyparissus. Mais, un jour, Cyparissus tue le cerf par mégarde, et il est désespéré de son geste. Pour mettre fin à son chagrin, Apollon le change en cyprès.
REPÈRES POUR LA LECTURE
La réécriture d'une légende célèbre
Le livre X s'ouvre sur la légende d'Orphée et Eurydice, rendue célèbre par le récit poétique qu'en donne Virgile, cinquante ans
avant Ovide, dans les Géorgiques (IV, v.453-527). Ovide ne traite pas cette légende comme Virgile. L'histoire d'Eurydice est expédiée rapidement. Alors que Virgile fait parler Eurydice, Ovide affirme simplement qu'« elle ne se plaint pas de son époux » ; et Ovide ajoute avec un peu d'ironie qu'Orphée a renoncé à l'amour des femmes pour celui des jeunes garçons. L'amour n'importe donc que très secondairement dans cet épisode.
Orphée poète
Ovide hérite d'une tradition concernant Orphée : ce héros est à la fois un poète et un musicien, qui s'accompagne de la lyre, de la cithare ou du plectre et qui, à la fois par le contenu de ses vers, par la qualité de sa voix et celle de sa musique, attire auprès de lui tous les éléments de la nature et leur dispense la paix. C'est cela qui intéresse Ovide : montrer qu'Orphée est un poète exceptionnel. Il y ajoute en outre la dimension d'éloquence qui s'attache à la rhétorique poétique : Orphée persuade tous ceux à qui il s'adresse. Le discours d'Orphée auprès des divinités des Enfers le montre. Personne, même les habitants du royaume des morts, ne peut être insensible à ses paroles « qu'il accompagnait en faisant vibrer les cordes » (p. 321). Poésie et musique contribuent à cette vertu persuasive.
La légende disait aussi qu'Orphée attirait non seulement les bêtes sauvages (qui devenaient douces comme des agneaux) mais aussi les arbres et les pierres. C'est sur cet aspect qu'insiste Ovide, parce que cela le ramène à la métamorphose.
La métamorphose de Cyparissus
Orphée lui-même n'est pas l'objet d'une métamorphose, pas plus qu'Eurydice. Mais en tant que poète-musicien, il est capable d'attirer les arbres, de les faire marcher vers lui, ce qui est un début d'anthropomorphisation (transformation en humain). Ainsi, pleurant Eurydice, il attire à lui une véritable forêt qu'Ovide nous détaille en vingt-six arbres.
Cette énumération lui permet de rattacher à cette forêt la légende du cyprès. La transformation de Cyparissus en arbre explique que les arbres puissent marcher. L'univers qui entoure Orphée n'établit pas de limites claires entre la vie et la mort, l'humanité et les autres formes naturelles.
Dans cette légende, le cerf est une sorte de double de Cyparissus : l'animal est lui aussi presque humain, « exempt de toute crainte », orné d'attributs humains (la bulle d'argent) et qui s'étend dans l'herbe comme un humain. Sa mort plonge Cyparissus dans le désespoir comme Apollon est désespéré par la mort de Cyparissus. Cette mort irrémédiable renvoie en outre à celle d'Eurydice.
LIVRE X (pages 325 à 347)