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Hollywood 1936
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LA PLUS JEUNE CAPITALE DU MONDE ET LA CAPITALE DE LA JEUNESSE.
Des rues. Des rues. Des rues. Des rues. Le désordre y est tel et la vie y est si intense, bigarrée, extravagante que cela ne ressemble à rien de connu.
Hollywood, qui tient tout à la fois de Cannes, de Lu-na-Park et de Montparnasse est une merveilleuse improvisation, un spectacle spontané, continu, permanent, donné de jour et de nuit dans la rue, devant un décor américain qui lui sert de toile de fond.
Je comprends. On aime ou l'on n'aime pas Hollywood. C'est une question d'âge. C'est une question de génération. C'est presque une question de physiologie. « Dis-moi l'état de tes artères et je te dirai si tu dois venir à Hollywood... », car ce lointain faubourg de Los Angeles, qui est devenu en vingt-cinq ans une capitale mondiale, la capitale industrielle du cinéma, est non seulement la plus jeune capitale du monde, mais est aussi la capitale de la jeunesse, un pôle d'attraction.
C'est en ce sens que pour chacun Hollywood est une pierre de touche.
On l'aime ou l'on en a horreur dès le débarqué, dès le premier pas dans la rue.
On ne peut que regretter de ne pas y être venu plus tôt, ou, tout au contraire, du simple fait d'être là, d'être venu, de vivre un jour dans cette ambiance d'insouciance et d'improvisation, on se sent extraordinairement heureux. Car des vieux, pas plus au studio que dans la rue, on n'en voit pas à Hollywood. Hollywood est la ville des jeunes.
UNE VILLE PORTE-BONHEUR.
Toucher à Hollywood en voyage, c'est comme toucher du bois : cela porte bonheur.
Et c'est ce qu'ont compris tous les marins du monde.
Pas un bateau ne jette l'ancre à San Pedro sans que la moitié de son équipage ne saute à terre et ne prenne d'assaut les misérables taxis dont les chauffeurs, des Mexicains indolents, subitement stimulés par la foi, l'ardeur, le désir de tant de jeunes gens impatients d'aller visiter la dernière merveille du monde : l'usine aux illusions, démarrent en vitesse et se livrent à une course vertigineuse sur la route macadamisée, une ligne droite de cinquante kilomètres qui relie le port pétrolier de la Californie à la ville mystérieuse des studios, dont les portes sont hermétiquement closes et les verrières énigmatiquement passées au bleu.
L'USINE AUX ILLUSIONS.
Des équipages en panne et attendant une intervention qui ne se produit pas, on en trouve devant les grilles de tous les studios.
Nullement déçus et comme des fidèles aux abords d'un sanctuaire, les hommes se pressent, chacun espérant avoir la chance d'apercevoir, ne serait-ce qu'un instant ou de loin, l'objet de son amour ou de son rêve secret.

Ceux qui prêtent l'oreille aux boniments des charlatans qui les accostent se font conduire à Beverly Hills sous le fallacieux prétexte d'aller visiter les résidences des stars les plus fameuses, et on les retrouve, le soir, dans les chemins en zigzags des collines, tous, du pilotin au capitaine, livrés à des guides marrons qui leur ont fait visiter des propriétés à louer ou des foyers abandonnés et qui leur vendent, avant de les laisser repartir, des souvenirs de Hollywood - poupées et jouets Mickey Mouse, la petite moustache de Charlot montée sur un élastique, les dents de sagesse (sic) de Greta Garbo, les ongles de Mae West dans un écrin (sic), des touffes de cheveux, des photos inédites, des sachets contenant un gant, un bas de soie, une fleur, portés par telle et telle vedette dans tel et tel film - fétiches suggestifs que ces braves marins emportent dans leur lointaine patrie comme les saintes reliques du navigateur d'aujourd'hui.
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MME WILCOX, LA MARRAINE DE HOLLYWOOD.
A en juger par le nombre des rabatteurs et des petits mercantis astucieux qui guettent le voyageur à son arrivée à Los Angeles et le relancent par téléphone jusque dans sa chambre d'hôtel, Hollywood doit être un lieu de pèlerinage aussi fréquenté que Jérusalem où les guides polyglottes et les marchands de bondieuseries sont une plaie et vous poursuivent jusque dans l'enceinte des Lieux Saints et au tombeau du Christ en vous proposant leurs services, souvent les plus équivoques.
Mais ce qui me surprend à Hollywood c'est que, pas plus dans la valise ou le portefeuille clandestin des quidams qui vous abordent dans la rue qu'à la vitrine des boutiques de curiosités ou des papetiers, on n'aperçoit nulle part une branche de houx, même pas en carte postale.
Pourtant le houx devrait être l'emblème de Hollywood et un arbuste, un rameau ou tout au moins une feuille de cette plante devrait figurer dans les armoiries de la cité ou dans la marque de fabrique de chaque pellicule éditée par les grands trusts du cinéma.