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Les auteurs

Directeurs d'ouvrage

Sylvie Angel

Psychiatre, psychothérapeute, fondatrice du centre de thérapie familiale Monceau, cofondatrice du centre Pluralis. Elle a publié notamment, outre de nombreux articles scientifiques : la Poudre et la fumée. Les toxicomanes : prévenir et soigner, avec P. Angel et M. Horwitz, Acropole, 1987 ; Comment bien choisir son psy ?, avec P. Angel, R. Laffont, 1999 ; Des frères et des sœurs – Les liens complexes de la fraternité, Marabout, 2002 ; les Toxicomanes et leurs familles, avec P. Angel, Armand Colin, 2003 ; Décrochez ! Tabac, alcool, drogues, médicaments, Marabout, 2004 ; Ah ! Quelle famille, Pocket, 2005 ; les Mères juives n’existent pas… mais alors qu’est-ce qui existe ?, avec A. Naouri et Ph. Gutton, Odile Jacob, 2005 ; Nounou ou crèche, que choisir ?, Marabout, 2005 ; la Deuxième chance en amour, avec S. Clerget, Odile Jacob, 2008 ; Mieux vivre ma vie, (sous sa dir.), Larousse, 2008.

Pierre Angel

Professeur des universités, psychiatre, psychothérapeute et coach, directeur du centre Pluralis. Il a publié : Comment bien choisir son psy ?, avec S. Angel, R. Laffont, 1999 ; les Toxicomanes et leurs familles, avec S. Angel, Armand Colin, 2003 ; Toxicomanies, avec D. Richard et M. Valleur, Masson, 2005 ; le Bonheur en famille, Odile Jacob, 2005 ; Développer le bien-être au travail, avec P. Amar, M.-J. Gava et B. Vaudolon, Dunod, 2005 ; Guérir les souffrances familiales, avec P. Mazet, PUF, 2006 ; le Dictionnaire des coachings, avec P. Amar, E. Devienne et J. Tencé, Dunod, 2007 ; le Coaching, avec P. Amar, « Que sais-je ? », PUF, 2009 ; le Coaching. Outils et pratiques, avec M. Moral, « 128 », Armand Colin, 2009.

Les auteurs

Laura Beltran

Psychologue clinicienne, sexologue.

Manuel de sexologie, sous la dir. de P. Lopès et F.-X. Poudat, Masson, 2007.

Marie Boy

Gestalt-praticienne.

Annie Cottet

Psychologue clinicienne, psychothérapeute familiale et de couple, coach.

Marielle David

Psychiatre, psychanalyste.

A publié Champ de l’amour et du désir, PUF, 2003.

Flamine de Bonvoisin

Psychologue clinicienne, psychothérapeute formée aux approches systémique et humaniste, coach.

Tiphaine Dequesne

Psychologue clinicienne, victimologue.

Marie-Estelle Dupont

Psychologue clinicienne, psychothérapeute, membre de l’Institut européen de Micro-nutrition.

A publié Dico Ado, les mots de la vie, sous la dir. de C. Dolto, « Giboulées », Gallimard, 2007.

Isabelle Duvernois

Psychologue clinicienne, psychothérapeute, spécialiste des problématiques conjugales, de la parentalité et des troubles de l’enfance et de l’adolescence.

Rébecca Duvillié

Psychologue clinicienne, psychothérapeute, chargée d’enseignement à l’université Paris-V.

A publié Un enfant en exil. Une consultation ethnopsychiatrique en milieu scolaire, Pensée sauvage, 1996 ; Une ethnopsychiatre à l’école, Bayard, 2001 ; « Réflexions sur l’importance du contexte culturel à propos de la scolarisation des enfants de migrants », in De l’enfant nous ne ferons pas cas. Approches écopsychologiques de l’enfant à l’école, sous la dir. de P. Simon, Aubin, 2002 ; Petit dyslexique deviendra grand. Comprendre et accompagner les enfants dyslexiques, Marabout, 2007.

Brigitte Gamba

Orthophoniste.

Hervé Glasel

Psychologue, neuropsychologue, ancien élève de l’École Polytechnique.

Dominique Laurence

Psychiatre, psychothérapeute, psychanalyste.

Lisa Letessier

Psychologue clinicienne, psychothérapeute, spécialiste de Mindfulness (Méditation pleine conscience), du développement de l’enfant.

Fanny Marteau

Psychologue clinicienne, psychothérapeute, coach, membre de l’Association française de thérapie cognitive et comportementale, chargée de cours à l’université de Lille-3. Spécialiste de Mindfulness (Méditation pleine conscience) et de relaxation.

A publié Introduction à la psychologie positive, sous la dir. de J. Lecomte, Dunod, 2009.

Naïra Meliava

Psychologue clinicienne, psychothérapeute, spécialisée dans l’addictologie, la thérapie de groupe et la thérapie de couple.

Isabelle Moley-Massol

Médecin psychanalyste, psycho-oncologue.

A publié l’Annonce de la maladie, une parole qui engage, Datebe, 2004 ; la Relation médecin malade. Enjeux, pièges et opportunités, Datebe, 2007 ; le Malade, la maladie et les proches, Éditions de l’Archipel, 2009.

Sébastien Montel

Psychologue clinicien, psychothérapeute, maître de conférences à l’université Paul-Verlaine de Metz.

Catherine Solano

Médecin, sexologue.

A publié notamment en collaboration avec Philippe Presles, Prévenir Alzheimer, les cancers, l'infarctus et vivre en forme, « Réponses », Robert Laffont, 2006 ; Psy, sex and fun, Éditions Tornade, 2007 ; les Trois cerveaux sexuels, Robert Laffont, 2010.

Gérard Tixier

Psychiatre, psychanalyste, sexologue.

A publié la Tentation du suicide chez les adolescents, avec A. Meunier, Payot, 2005 ; Éloge de la déprime : non à la dictature du bonheur !, avec A. Lamy, Milan, 2008 ; les Paranos, mieux les comprendre, avec D. Guyonnet, Payot, 2009 ; Psy d’urgence, Eyrolles, 2009 ; Anorexie, boulimie : comprendre et aider votre enfant, avec C. Tourte, Odile Jacob, 2010.

 

 

Préface

Le monde de la psychologie est en pleine évolution. De plus en plus de personnes font appel à des psys pour se comprendre, améliorer la communication dans leur couple, décoder le comportement de leur enfant ou accompagner leurs parents âgés, mieux se situer dans leur sphère professionnelle… Huit pour cent des Français adultes suivent ou ont suivi une psychothérapie. Les différentes études montrent que 5 à 15 % de la population française seraient touchés par un épisode dépressif au cours de l’année.

Face à cette demande, la galaxie des psys est complexe : peu de personnes font la différence entre un psychiatre, un psychologue, un psychothérapeute ou un psychanalyste. Les principales approches engendrent de la confusion dans les esprits : quand on a peur de prendre l’avion, par exemple, doit-on s’adresser à un sophrologue ou à un comportementaliste ? Le thérapeute doit-il ou non être médecin ? Est-il judicieux de prendre des médicaments ? Peut-on associer l’hypnose avec un traitement antidépresseur ? Ne risque-t-on pas de devenir dépendant du traitement voire du thérapeute ?

En 1999, nous avons écrit un livre intitulé Comment bien choisir son psy ? qui répondait déjà à certaines de ces questions. À la suite de cet ouvrage, nous avons constitué une équipe pluridisciplinaire : il était urgent de mieux répondre à la demande des patients en proposant des réponses au plus près de leurs difficultés. Le centre Pluralis s'est créé en 1999. Nous sommes désormais près d’une trentaine de cliniciens qui consultent dans le même lieu pour offrir aux patients et à leurs familles des stratégies d’aide personnalisées.

Notre double formation de psychiatres et de psychothérapeutes, psychanalytiques et systémiques, nous a déjà permis de percevoir l’intérêt de recourir à différents modèles. Au fil des ans nous avons complété nos formations initiales par d’autres méthodes telles l’hypnose, l’EMDR, le coaching, les thérapies brèves...

Ce parcours nous a conduit à enrichir notre pratique mais également à souhaiter nous entourer de collègues disposant de qualifications complémentaires pour élargir l’offre de soins. Cet ouvrage a été écrit avec la collaboration de l'équipe de Pluralis.

L’adhésion du patient au processus de soins et d’aide joue un rôle majeur. S’il comprend mieux ses troubles, s’il est mieux informé sur la manière de les traiter, le patient devient lui-même le meilleur garant de l’évolution favorable de son traitement. Il établit une alliance thérapeutique avec son psy et en devient un partenaire actif. Cette relation lui permettra également de mieux écouter ses proches et repérer les dysfonctionnements propres à son environnement.

Si l’alchimie s’installe, la rencontre entre un patient et son thérapeute reste toujours une aventure singulière. Le rôle du thérapeute consiste à révéler les potentialités de ses patients, à leur faire découvrir leurs propres ressources et celles de leur entourage, à les préparer à affronter les événements et les crises de la vie sans jamais leur imposer une vision du monde qui ne serait pas la leur.

Sylvie et Pierre Angel

 

 

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Histoire de la psychologie

La psychologie s’est instituée à la fin du XIXe siècle comme étude empirique des faits mentaux, grâce au médecin américain William James (1890), venu à la psychologie par l’intermédiaire de la psychophysiologie : il pensait que les faits psychiques n’étaient pas suffisamment pris en compte lors de désordres physiologiques. Ses idées furent reprises en pédagogie par J. Dewey, pour qui toute éducation doit tendre à adapter l’individu au monde qui l’entoure. Mais elle avait été pressentie de longue date. Il est difficile d’étudier la psychologie sans en parcourir les grandes étapes ni connaître les conflits qui l’on fait évoluer.

Très tôt dans l’histoire de l’humanité, dès la période hellénistique, les hommes se sont intéressés à la perception, aux sensations, aux émotions, aux sentiments et à la pensée. Les traces s’en trouvent dans les récits mythologiques, dans l’Iliade et l’Odyssée ou dans ces poèmes d’Homère qui pensait que la folie venait de la colère des dieux, dans les récits légendaires transmis par la tradition, qui à travers les exploits d’êtres fabuleux fournit une tentative d’explication des phénomènes humains (mythe d’Œdipe, Prométhée, Ulysse…). Les textes sacrés comme la Bible, le Coran ou les textes bouddhiques témoignent de ce désir de comprendre le monde qui nous entoure et les sentiments qui nous habitent, ainsi que les processus mis en cause. Les premiers écrits connus évoquent une réflexion sur l’émergence de la conscience, de la pensée, ainsi que sur la vie tragique de l’homme.

Les conduites humaines seront également étudiées par Averroès (Ibn Ruchd, 1126-1198) et saint Thomas d’Aquin (1225-1274) puis par de nombreux philosophes, notamment Pascal et Descartes au XVIIe siècle, sans que la discussion sur ce qu’est la conscience soit vraiment close. Les rapports entre le corps et la pensée occupent encore les psychologues d’aujourd’hui.

Les précurseurs : après les philosophes, les médecins

L’autre versant de la science antique, donnant accès à la psychologie, est celui des expériences de médecins. Dès la plus haute antiquité, il y a une grande interrogation des praticiens à propos des conduites humaines et de la santé mentale. Ils s’interrogent sur les troubles mentaux et les comportements étranges. Le manque de jugement, les extravagances, les écarts de conduite sont d’abord interprétés comme une expression des dieux.

Le papyrus Ebers (1550 av. J.-C.) décrit cliniquement la dépression et propose des formules magiques et religieuses, ainsi que des décoctions pour chasser le mauvais esprit. Empédocle d’Agrigente (v. 490-v. 435 av. J.-C.), montre que la qualité des quatre éléments (eau, terre, air et feu) apporte le bien être aux humeurs (bile jaune et noire, sang, pituite). De là naîtra l’expression « être de bonne humeur ».

Puis Hippocrate (v. 460-v. 377 av. J.-C.) effectue une classification des troubles mentaux comprenant l’épilepsie, la mélancolie, la paranoïa ou encore la manie. Il réunit ainsi les maladies de l’âme et du corps : il déclare que les maladies sont physiques ! Il démystifie alors la maladie mentale qui était jusque-là due à des manifestations démoniaques. Il fonde l’observation clinique et dégage l’unité profonde de l’humain. Il énonce les principes de la déontologie médicale, que tout médecin doit jurer de respecter avant de pouvoir exercer (serment d’Hippocrate).

Enfin Galien (v. 131-v. 201 apr. J.-C.) ouvre le domaine de la physiologie et de l’anatomie, introduit le diagnostic thérapeutique et exerce une influence considérable. Sa théorie des humeurs fera autorité jusqu’au XVIIe siècle.

De la théologie à la science

C’est véritablement au cours du XIXe siècle que la psychologie se fonde. Avec Auguste Comte, elle se déclare « positive », terme intégrant au fur et à mesure les acquisitions de la physiologie, les théories de l’évolution de Lamarck et de Darwin, ainsi que la philosophie. Le système de Comte est basé sur une réflexion historique selon laquelle l’esprit humain, dans chaque civilisation comme dans chaque individu, passe du stade théologique au stade métaphysique, pour s’élever enfin au stade scientifique et « positif ». Ce n’est qu’en observant les phénomènes que nous pouvons porter des jugements, certains ayant une valeur universelle.

Comportement animal et apprentissage

Dans le même temps se développaient des études de laboratoire sur la sensibilité, la mémoire, la perception, le comportement animal (chien de Pavlov, dressage…) ainsi que sur l’apprentissage chez l’enfant. Ces études, bien que de portée restreinte, étaient calquées sur les sciences expérimentales et introduisaient une méthode scientifique générale basée sur l’observation – « que vais-je étudier avec soin ? » –, l’expérimentation – « soumettre un fait à l’expérience pour vérifier, contrôler, juger » –, la mesure – « quelle quantité ? pendant combien de temps ? quelle dimension ? quelle valeur ? etc. » – et enfin la conclusion – « tirer des conséquences de portée générale ».

Ces expériences étaient reproductibles et avaient le mérite d’apporter des réponses à des domaines réservés. En Allemagne, Wilhelm Wundt fonda en 1875 le premier institut de psychologie expérimentale et délivra des diplômes en psychologie pour la première fois dans le monde. Il écrivit par ailleurs une gigantesque Psychologie des peuples, prélude à la psychologie sociale et à l’ethnologie.

La brèche était ouverte : l’ordre psychique n’était plus tabou, et l’expérimentation ou les mathématiques n’étaient plus interdites de séjour en psychologie.

Ceci a conduit directement à l’étude des comportements, le « béhaviorisme ». Son fondateur, l’Américain J.-B. Watson (1878-1958), voulait rendre scientifique une discipline très controversée. Ainsi a-t-il mis en avant les lois de l’apprentissage et a expliqué les états de conscience.

La méthode des tests

Cependant, c’est la méthode des tests, procédé standardisé, conçu pour étudier les capacités d’un sujet, qui va donner à la psychologie un nouvel essor. L’ouvrage de sir Francis Galton – cousin de Charles Darwin – Inquiries Into Human Faculty and Its Development (Enquête sur la faculté humaine et son développement) passe pour être à l’origine de la méthode des tests. Son propos est de mesurer les aptitudes humaines afin de substituer une sélection consciente à la sélection naturelle. Le mot « test » est utilisé pour la première fois aux États-Unis par J. McKeen Cattell en 1890. Les premières épreuves sont destinées à mesurer des fonctions sensori-motrices (type stimulus-réponse).

En France, il faudra attendre 1905 avec A. Binet et T. Simon pour voir apparaître les premiers tests psychologiques d’intelligence, dont l’un créé pour dépister les enfants « arriérés » dans les écoles publiques naissantes (1881). Par la suite, l’application des tests sera élargie, on les utilisera dans l’éducation, mais aussi pour l’étude de la personnalité (tests projectifs), dans l’industrie et même dans l’armée depuis la Seconde Guerre mondiale. C’est avec l’essor de la société industrielle que la performance, dans l’idéologie tayloriste, va prendre tout son sens.

L’homme et le singe

Une autre idée va s’imposer dans le même temps : on apprend quelque chose sur la vie mentale quand on examine de près, quand on analyse, quand on rapproche des performances.

À cette vision du monde il faut ajouter l’influence profonde du courant évolutionniste. Il est à l’origine de la psychologie comparée : on compare le singe – qui nous précède dans l’évolution – à l’homme, l’enfant à l’adulte, la vie à la survie… Peu à peu, on constate que l’enfant n’est pas un adulte en miniature, on admet que son intelligence évolue par des transformations passant par des stades (Wallon, Piaget, Freud). On parle de morphogenèse psychologique incluant l’évolution, la croissance et l’enculturation. On se penche sur la notion d’évolution de l’esprit humain. On est bien loin de l’opposition entre l’homme et l’animal de Pascal ou de l’« animal-machine » évoqué par Descartes.

Mais, à vrai dire, cette conversion demanda beaucoup de temps pour s’opérer.

Une science aux approches multiples

Aujourd’hui, on définirait la psychologie comme l’étude des conduites humaines ou animales, individuelles ou collectives. Cependant, différents domaines sont apparus au cours de l’évolution de la discipline, chacun avec sa propre finalité. Ainsi :

La psychologie sociale s’intéresse aux conduites sociales de l’homme normal, adulte et civilisé. Il peut s’agir d’analyser des comportements collectifs ou des relations interindividuelles. Elle montre que les conduites apparemment les plus individuelles, les plus privées, sont en fait modelées, voire imposées et créées par l’environnement socioculturel.

La psychologie du comportement repose sur l’observation, imposant une méthode qui étudie les relations fonctionnelles dans des situations calibrées (stimulus) provoquant des réactions (réponses). Cette approche a été élaborée à partir des processus d’apprentissage.

La psychologie génétique concerne généralement l’étude du développement mental de l’enfant et de l’adolescent. Elle représente une orientation méthodologique et épistémologique particulière qui cherche à comprendre le sens d’une conduite ou d’une structure mentale à travers sa propre histoire.

La perspective clinique est attachée à l’observation et à l’analyse du sujet considéré dans sa totalité et dans sa singularité, afin d’étudier sa personnalité. Dans cette perspective, ni un trait de comportement ni aucune conduite ne peuvent être compris isolément mais doivent être resitués dans l’histoire du sujet. Ainsi un même processus observable peut s’exprimer de façon très différente selon les individus. Les informations utilisées par le clinicien peuvent être de toute nature : biographie, anamnèse (ensemble des renseignements que recueille le médecin en interrogeant le patient sur l’histoire de la maladie), jugement d’autrui (dossier professionnel ou scolaire), tests classiques, tests projectifs qui sont des données du diagnostic clinique. L’entretien, libre ou dirigé, fait parti du protocole et se trouve être la source majeure d’information du clinicien.

La psychanalyse, enfin, a pour champ d’exploration les processus psychiques profonds. C’est une méthode de cure de certains troubles psychiques, fondée sur l’investigation des processus mentaux inconscients. Au fur et à mesure que le sujet avancera dans l’analyse, il prendra conscience de l’origine de ses troubles et la façon dont ils s’articulent en lui. Ainsi il pourra affronter le conflit dont il a souffert avec l’aide bienveillante de l’analyste. La technique consiste en une série d’entretiens entre l’analysant et l’analyste.

Le jeune Freud cherchait une liaison directe entre psychanalyse et biologie. Désuète pendant un temps, cette idée semble reprendre aujourd’hui. Il est possible qu’à travers des rapprochements multidisciplinaires (neurologie-biologie-psychanalyse, par exemple) une optique nouvelle prenne naissance.

La psychométrie, méthode d’évaluation

Ordinairement associée à la méthode des tests, la psychométrie englobe l’ensemble des méthodes de mesure des phénomènes psychiques. Elle est utilisée en psychologie appliquée : la sélection, l’orientation professionnelle ou l’orientation scolaire. D’autres domaines comme la psychologie expérimentale ou la psychologie scolaire s’en sont saisis afin d’établir des règles d’évaluation et de recherche.

Toute évaluation psychométrique suppose une population de référence caractérisée par des paramètres (sociaux, âge, sexe…) et un étalonnage. Elle permet de faire un constat ou un diagnostic individuel par rapport à une norme sociale préétablie. On peut ainsi essayer de répondre à certains types de questions, par exemple : où en est le développement intellectuel de tel sujet ? A-t-il des troubles de la mémoire ? Quelle relation y a-t-il entre la rapidité d’exécution d’une tâche et la qualité du résultat ? Cependant, il faut être très prudent afin de ne pas répondre de façon lapidaire à ce type de questions. Ce sont des modèles mathématiques qui permettent analyse et pronostic, mais ne donnent pas d’information clinique.

Diverses par leurs préoccupations et leurs problématiques, les psychologies varient par leurs techniques, leurs vocabulaires et leurs concepts. Très inégalement développées, elles représentent un état de recherche de la connaissance de la vie mentale et du comportement humain qui reste à unifier. La science est jeune : elle continue de se structurer. Néanmoins, ses implications pratiques touchent désormais de nombreux domaines. On la trouve dans les sondages qui servent de prédiction politique, dans l’industrie qui cherche à améliorer ses rendements, dans l’école qui veut aider les enfants en difficulté, à l’hôpital où l’on soigne la maladie mentale ou dans la publicité qui fait des études de marché. Beaucoup de recherches actuelles ont un intérêt pratique. Théories et pratiques ne peuvent ici se définir que simultanément, se situant dans deux perspectives réciproques, n’étant formulables que l’une par rapport à l’autre. Par son terrain d’action pratique et ses résultats, la psychologie est parvenue à trouver son existence propre et à démontrer son intérêt. Son champ d’investigation, qui semble considérable, augmente sans cesse. Parfois sélective, c’est-à-dire qu’elle exclut les faibles (de l’école, du travail, de la société), elle peut aussi être accompagnatrice et favoriser la diversité humaine. Par les critiques qu’elle a connues, et les révolutions qu’elle a suscitées, elle est restée une source privilégiée de l’évolution humaine.

Rébecca Duvillié

Différentes approches selon les disciplines

LE DOMAINE DE RECHERCHE

LE PARADIGME DEVELOPPÉ

LA MÉTHODE D’ÉTUDE

LE CHAMP D’APPLICATION

Le béhaviorisme

Étude du comportement

stimulus-réponse

S-R

La psychologie générale

La méthode expérimentale

La psychopathologie

La psychopédagogie

Les sciences de la vie

Le cognitivisme

Étude du traitement de l'information

Stimulus-
organisme-
réponse (S-O-R)

Étude
de l'intelligence humaine

La psychologie du comportement

La psychologie cognitive

La psychologie du développement

La psychologie différentielle

La psychologie
du travail

La psychopédagogie

Les approches
psycho-dynamiques

La perspective clinique

Entretiens, tests, bilans
de compétence, neurophysiologie

Psychothérapie

Sport, travail, art…

Linguistique

La psychologie de la forme (gestalt-théorie)

La perception

Étude du développement

Méthode expérimentale

La neuropsychologie

La psychologie du comportement

La rééducation

Qu’est-ce que la neuropsychologie ?

Discipline située au confluent des neurosciences et de la psychologie cognitive, la neuropsychologie cherche à comprendre les liens entre les processus intellectuels, d’une part, et leurs bases cérébrales, d’autre part. Elle a connu un développement spectaculaire ces trente dernières années grâce à la richesse des résultats mis en évidence par la recherche.

Aujourd’hui, le cerveau ne doit plus être perçu comme une boîte noire, fragile et mystérieuse, mais comme un objet de la nature, certes d’une complexité vertigineuse, mais accessible aux interrogations et permettant d’être étudié et compris par mille voies complémentaires.

Tout d’abord, la psychologie cognitive s’emploie à développer des modèles du traitement de l’information par le cerveau. En effet, le système nerveux est notre intermédiaire entre le monde et nous, captant des informations dans notre environnement externe et interne, les traitant et nous permettant de donner nos réponses. La tâche que s’assigne la psychologie cognitive, c’est de décrire précisément et de tester ces mécanismes afin de comprendre les processus par lesquels nous pouvons interagir efficacement avec le monde qui nous entoure.

Grâce à ces modèles, assez précis pour faciliter leur mise à l’épreuve dans le monde réel, celui du fonctionnement de tout un chacun, on parvient à mieux comprendre, par exemple, comment on parvient à lire – ce mécanisme de transmutation de la pensée qui permet de « voir la parole ».

Comprendre la cartographie du cerveau

Pour aller un pas plus loin, la neuropsychologie cherche une description réaliste de la relation entre les mécanismes de la pensée, d’une part, et leurs fondements biologiques, de l’autre. Elle souhaite pouvoir faire le lien entre les modèles et le flux réel de l’information à travers le cerveau. Pour cela, elle s’appuie sur sa vocation première : soigner. En effet, les premiers neuropsychologues, psychologues ou médecins, s’employaient à comprendre, pour mieux les aider, les patients ayant souffert d’une blessure au cerveau. En analysant finement les relations entre les structures cérébrales mises en cause et les fonctions intellectuelles touchées, ils pouvaient mieux lier les mécanismes et leurs substrats anatomiques.

C’est ainsi que le cerveau, jusque-là « boîte noire » du comportementaliste ou du psychanalyste, s’éclairait soudain de mille richesses, mettant en évidence toutes les subtilités du fonctionnement cérébral. Alors que la psychanalyse s’intéressait déjà à la découverte « d’une méthode d’exploration du psychisme humain inaccessible par tout autre moyen » ou que le béhaviorisme éliminait simplement la question, on pouvait enfin s’intéresser aux liens entre les comportements et les structures.

Les avancées révolutionnaires de l’imagerie cérébrale depuis les années 1970 ont étoffé et confirmé les découvertes de la neuropsychologie clinique. Travaillant sur le cerveau sain et vivant, on ne cherchait plus à confirmer des hypothèses à partir de l’absence d’une compétence causée par la lésion d’une région précise du cerveau. On pouvait désormais constater l’activation spécifique d’une aire cérébrale lors de l’accomplissement d’une tâche. Chaque étape du modèle de traitement de l’information proposée pouvait ainsi être questionnée et validée. Grâce à ce travail patient, minutieux et rigoureux, c’est la cartographie d’un nouvel univers qui émerge : celle de notre cerveau.

© CERENE- Hervé Glasel

Histoire de la psychiatrie

la psychiatrie est une branche de la médecine spécialisée dans la prise en charge des troubles mentaux. Elle implique leur prévention, leur diagnostic et leur traitement, qui peut puiser dans un très large arsenal, s’appuyant aussi bien sur les neurosciences que sur la neuropharmacologie. Mais le terme même de psychiatrie ne date que du début du XIXe siècle, et le chemin a été bien long et bien sinueux avant que ce terme voie le jour.

Si la psychiatrie a aujourd’hui très largement droit de cité, au même titre que les autres disciplines, et joue un rôle fondamental dans la protection de la santé mentale, pas moins importante que la santé physique d’une société, le temps n’est pas lointain où le psychiatre était étiqueté comme « médecin des fous », et grande était la crainte de porter, aux yeux de l’entourage, l’étiquette de la folie, pour qui était amené à le consulter.

Des siècles d’ignorance, de croyances irrationnelles, de méfiance face à ce qui trouble ou dérange, de peur devant la manière dont étaient traités les malades mentaux expliquent cette réticence. Il a fallu une longue marche, et les véritables révolutions qu’a connues la discipline elle-même, à partir du XIXe siècle, pour que les préventions séculaires soient enfin neutralisées.

Et l’aliéniste devint psychiatre

L’année 1808 ne semble pas briller d’un éclat particulier dans l’histoire de la psychiatrie. Pourtant, il se produisit alors un minuscule événement lourd de signification : c’est durant cette année-là qu’un médecin, anatomiste et physiologiste allemand, Johann Christian Reil, proposa le terme de « psychiatre » pour remplacer celui de médecin aliéniste, jusqu’alors utilisé. Ce changement de terme entérinait, en quelque sorte, une révolution qui n’en était qu’à ses prémices. Et surtout, il mettait en lumière la misérable condition de tous ceux qui, atteints de troubles psychiques, étaient regroupés sous l’étiquette d’aliénés, c’est-à-dire, au sens propre, de personnes privées de raison, et dont on ne pouvait par conséquent, à défaut de les soigner, qu’en protéger la société.

On trouve bien, dans l’histoire ancienne, quelques vagues indices montrant que parfois on s’est préoccupé des malades mentaux. Un papyrus égyptien datant de 1500 av. Jésus-Christ donne une première description des rapports entre le cerveau et le fonctionnement mental. Les médecins de l’Antiquité considérés comme les précurseurs de la psychologie – Hippocrate en tête, puis Galien et quelques autres – s’attachent à la description des troubles, et établissent parfois de premières classifications. Ils se comportent en fait en observateurs, non en thérapeutes. La période médiévale est un âge noir où le trouble mental est associé à la possession démoniaque et peut conduire au bûcher.

À la Renaissance encore, Luther soutient l’origine satanique de la folie, tandis que, fort heureusement, Montaigne penche pour une origine naturelle, mais sans plus. Au XVIIe siècle, pas d’autre thérapie que l’enfermement.

Le siècle suivant intensifie ce mode d’action, avec cependant, en 1785, sous l’impulsion de Jacques Necker, juriste et futur ministre de Louis XVI, une réforme qui définit les asiles comme des lieux de soins. Mais de quels soins ? Il faudra attendre la fin du siècle pour qu’émerge enfin ce que l’on nomme aujourd’hui la psychiatrie. C’est une véritable révolution qui naît en Grande-Bretagne et surtout en France où elle a un père : le docteur Philippe Pinel.

Pinel ou le traitement moral de la folie

Jusqu’au premier quart du XIXe siècle, Philippe Pinel est médecin hospitalier à Paris, à l’hôpital Bicêtre puis à la Salpêtrière. Homme de progrès, attaché à l’idéal de respect des droits de l’homme, il définit et impose une attitude radicalement nouvelle à l’égard de ces « insensés » auxquels étaient refusés tout statut personnel et toute communication. Avec lui, l’hôpital n’est plus un lieu d’enfermement et d’exclusion, mais celui d’une rencontre entre le « déraisonnable » et le médecin. Ce dernier pourra instituer, avec le malade, un rapport thérapeutique appelé le « traitement moral ». En fait une psychothérapie rationnelle de la folie basée sur la bienveillance, la douceur et la persuasion.

Cette attitude, également préconisée en Grande-Bretagne par W. Tuke, repose sur la conviction que la folie n’est pas une perte de la raison mais un dérangement de l’esprit qui la laisse subsister, bien que vacillante. Toute la psychiatrie du XIXe siècle va mettre ses pas dans ceux de Pinel et de son élève, Jean-Étienne Esquirol, qui figure à ses côtés parmi les pères fondateurs de la psychiatrie. Durant tout ce siècle se sont aussi mises en place les premières classifications fiables des maladies mentales.

Le siècle du grand tournant

Le XXe siècle marque un tournant dans l’histoire de la psychiatrie. En effet, au paradigme de l’aliénation mentale se substitue un courant de classification des troubles psychiques. Simultanément se développent de grands mouvements de pensée : la psychopathologie générale, la psychanalyse, la phénoménologie, la psychiatrie biologique, l’approche cognitive et comportementale, les approches socio-culturalistes.

On peut clairement distinguer deux périodes, séparées par la Seconde Guerre mondiale. L’avant-guerre est marqué par l’expansion de nouveaux traitements. Von Jauregg découvre un traitement de la paralysie générale en provoquant artificiellement de la fièvre (technique appelée « impaludation »). Dans les années 1930, Sakel propose une méthode qui sera très employée, consistant à provoquer des comas hypoglycémiques avec parfois des convulsions. Elle est utilisée dans le cadre des psychoses endogènes (schizophrénie). Cerletti et Bini instaurent en 1938 l’usage des électrochocs pour le traitement de la schizophrénie dans un premier temps ; puis cette méthode sera appliquée (et elle l’est encore) dans le cas de dépressions sévères de type mélancolique. En 1949, Moniz pratique la psychochirurgie (lobotomisation) pour certaines affections psychiques. Ces techniques se développent d’abord en Europe et trouvent leur apogée aux États-Unis autour des années 1950.

Le concept de santé mentale

Après la Seconde Guerre mondiale et ses grands bouleversements, la psychiatrie aborde un nouveau tournant. C’est, en premier lieu, la révolution des institutions connue sous le nom de « désinstitutionalisation ». Une quarantaine d’années seront nécessaires avant que l’on puisse voir ses véritables effets. C’est une période qui voit diminuer le rôle de l’hospitalisation dans les établissements de grande capacité, souvent éloignés des grands centres urbains, et l’extension des traitements extrahospitaliers et des structures intermédiaires. En pratique, en France, chaque département est découpé par des aires géographiques précises, d’environ 67 000 habitants, l’arrondissement, le canton voire le quartier et la rue. Ce secteur peut être plus ou moins vaste géographiquement selon la densité de la population. L’adresse du patient le relie au secteur qui a le devoir de le prendre en charge.

Une autre avancée importante est l’ouverture de la psychiatrie à différents courants, en premier lieu aux sciences humaines, mais aussi aux neurosciences, à l’éthologie, qui reflètent les différents axes théoriques de cette fin de siècle et la fécondité des approches interdisciplinaires et pluridisciplinaires. Il faut également noter que les psychotropes ont le vent en poupe avec le développement des antipsychotiques atypiques et les antidépresseurs sérotoninergiques.

Enfin le XXe siècle voit aussi le développement exponentiel de différentes psychothérapies. En psychiatrie, la tendance n’est pas à la pensée unique mais plutôt à la différentiation des modes de pensée. L’accroissement du nombre de psychothérapies en est juste le reflet.

Les classifications internationales des maladies mentales (DSM, CIM) qui voient le jour dans les années 1950 (la première version du DSM est parue en 1952) offrent aux cliniciens la possibilité de s’entendre sur le diagnostic indépendamment de leur obédience théorique et donnent à la psychiatrie l’image d’une discipline « scientifique ».

Le début du XXIe siècle est marqué par l’apparition du concept de « santé mentale » qui remplace celui de psychiatrie, ce qui n’est pas complètement anodin. Les récents débats autour de l’hôpital psychiatrique peuvent nous laisser espérer de nouvelles réformes dans ce champ de la médecine. Il est tellement riche et complexe à la fois qu’à l’évidence son évolution ne s’arrêtera pas là.

La psychiatrie en France aujourd’hui

La demande de soins en santé mentale ne cesse de s’élargir en France, de l’adulte à la personne âgée, en passant par l’adolescent et le jeune enfant. Depuis le début des années 1990, cette demande s’est même accélérée. Le nombre de patients suivis dans le secteur public est passé de 700 000 à plus de 1,1 million en dix ans. Dans le privé, les consultations sont à la hausse : 14,5 millions en 1998 à 15,8 millions en 2002. Maltraitances, violences familiales, harcèlement au travail mais aussi dépressions, troubles anxieux et tentatives de suicide, tels sont les maux auxquels sont confrontés au quotidien les psychiatres.

Or, si la France présente encore un des taux de psychiatres les plus élevés au monde (23 pour 100 000 habitants environ, après la Suisse et les États-Unis), l’évolution de la démographie médicale laisse prévoir une diminution de 13 000 à 8 000 du nombre des psychiatres d’ici à 2020. La répartition des infirmiers psychiatriques dans les établissements de santé publics et privés reflète des capacités d’hospitalisation réduites : 58 000 infirmiers pour un peu plus de 71 000 lits (55 000 lits ont été supprimés en l’espace de dix ans).

Par ailleurs, les psychologues cliniciens sont relativement peu impliqués dans le dispositif des soins en psychiatrie (4,5 à 8,9 psychologues pour 100 000 habitants de plus de 20 ans). Nous ne nous étendrons pas sur les disparités en termes de moyens humains et matériels en fonction des secteurs de psychiatrie.

Face à la demande pressante de soins, la psychiatrie française, en manque de moyens en termes d’hommes et de structures, est en crise.

Sébastien Montel

Histoire de la psychanalyse

Constituée à la fin du XIXe siècle par Sigmund Freud, la psychanalyse reprend certaines questions que posait la médecine à cette époque. Mais elle renouvelle totalement, à partir de là, la conception que l’on peut se faire du sujet humain.

La psychanalyse se constitue à partir d’un travail clinique, qui concerne principalement l’hystérie. Pour les hystériques qui souffraient de symptômes physiques invalidants (paralysies, parésies, anesthésies, etc.) et en l’absence de causes organiques repérables, les médecins étaient tentés parfois, vers la fin du XIXe siècle, de faire disparaître leurs symptômes par la suggestion, en les mettant dans un état d’hypnose. C’est aussi l’hypnose qu’employa Joseph Breuer, à qui Freud attribue, curieusement, la paternité de la psychanalyse. Mais Breuer se servit de l’hypnose pour faire verbaliser des souvenirs inaccessibles à sa patiente (Anna O., autrement dit Bertha Pappenheim). Dès lors, à travers quelques modifications dans la technique et l’introduction du concept de refoulement, les bases de la psychanalyse pouvaient être posées.

Les principes de la psychanalyse

La psychanalyse part d’un postulat selon lequel tout ce qui survient dans les rêves et les actes manqués comporte une dimension cachée. C’est l’inconscient, produit d’une série d’événements survenus dans la plus petite enfance, peut-être même avant, et touchant au développement de la sexualité au sens large, d’abord non génitale (le plaisir de la bouche, de l’excrétion).

Ces événements sont censurés. Vers trois ans, l’enfant découvre la différence entre les sexes. Il vit donc dans ses premières années des événements fondamentaux, qui n’ont peut-être jamais eu lieu effectivement, mais qui affleurent sa conscience, comme le spectacle du coït de ses parents (scène fantasmée en général) et la castration : pour le petit garçon, il s’agit de la menace d’avoir le sexe coupé en raison de sa masturbation, qui est pour lui la décharge normale des désirs œdipiens pour la petite fille, la vue de « ce qui lui manque » l’amène à l’envie de pénis, qui la conduit de la sexualité au désir d’avoir un enfant de son père, ce qui la fait entrer dans l’évolution normale de l’hétérosexualité. Selon Jacques Lacan, la castration est un événement imaginaire qui entraîne la soumission du sujet au symbolique, c’est-à-dire au langage. C’est à travers le langage que se nouent les dénominations de la parenté et des interdits.

Pour le petit enfant, les interdits sociaux, même non formulés, sont à l’origine du refoulement des représentations liées à la sexualité vers l’inconscient, qui va se charger d’énergies potentielles. Ce qui a été refoulé tend toujours à faire retour sous forme de symptômes, d’actes manqués, de lapsus, de rêves, etc. C’est l’ensemble de ces conflits qui crée la personne humaine. Le complexe d’Œdipe est la découverte d’un processus fondamental, la jalousie que l’enfant éprouve à l’égard du parent du même sexe et le désir inavoué de l’éliminer puis de le remplacer. Ce conflit est à l’origine des névroses lorsque l’Œdipe ne trouve pas une issue favorable, et disparaît quand le sujet se trouve d’autres objets.

Freud a élaboré deux modèles de l’appareil psychique (topiques). Le premier présente la personne humaine comme formée de trois instances : le préconscient, l’inconscient et le conscient. Mais cette première topique a plutôt une valeur descriptive, dans la mesure où elle ne distingue pas les forces qui, s’affrontant dans le conflit psychique, produisent le refoulement. En 1923, Freud élabore sa seconde topique. Le sujet est structuré par trois instances : le ça, réservoir des pulsions, le moi et le surmoi, ensemble de règles morales, intériorisation de l’interdit parental.

Il faut par ailleurs, dans l’histoire de la psychanalyse, accorder une importance particulière au virage de 1920, c’est-à-dire à la théorie de la pulsion de mort, liée à l’observation de la force de la répétition chez l’être humain, répétition qui fait régulièrement revenir dans sa vie même le plus pénible ou le plus traumatique.

La séance analytique et ses règles fondamentales

Au cours de la séance analytique, les associations de l’analysant permettent de remonter le cours de ce processus de refoulement et de mettre au jour les désirs inconscients. La première règle fondamentale de la psychanalyse est donc l’association libre : il est demandé à l’analysant de se laisser aller à dire tout ce qui lui traverse l’esprit, même s’il le trouve inutile, inadéquat ou stupide. Il lui est absolument exigé de n’omettre aucune pensée, fût-elle honteuse ou pénible.

Cette règle fondamentale structure la relation entre l’analyste et l’analysant. La reconstitution de l’histoire du sujet devrait pouvoir entraîner la disparition du symptôme. Toutefois, même après certains succès, cette démarche rencontre dans la méthode analytique deux problèmes, la résistance et le transfert. Rapidement, l’analysant n’est plus en mesure de faire part librement de ses pensées : elles résistent et lui-même résiste à leur aveu. En même temps s’opère un transfert des sentiments d’amour ou de haine à l’égard de la pratique même de l’analyse et de la personne de l’analyste.

Résistance et transfert conditionnent le fait de revivre des situations conflictuelles anciennes ou des souvenirs traumatiques refoulés, et la situation de reviviscence peut faire obstacle au travail de la cure. Pour dépasser cette situation bloquée, il est nécessaire que tout ce qui résulte de l’analyse – les événements qui s’y produisent, les images, les pensées secrètes, les silences, etc. – soit également analysé parce que tout cela fait partie du symptôme que l’analysant doit travailler pour s’en acquitter dans la remémoration (perlaboration). Il incombe de plus à l’analyste de savoir dans quelles situations il est en mesure de soutenir le transfert, en fonction de sa propre expérience passée et de son intuition de ses propres processus inconscients.

La psychanalyse : un savoir, une pratique

Quels peuvent être, pour résumer, les principes fondateurs de la psychanalyse ? En 1922, dans « Deux articles pour l’encyclopédie », Freud écrit : « L’affirmation relative à l’existence de processus mentaux inconscients, le ralliement à la théorie de la résistance et du refoulement, l’importance accordée à la sexualité et au complexe d’Œdipe : tels sont les points essentiels dont traitent les fondements de la théorie psychanalytique. Qui ne les accepte pas ne saurait se compter au nombre des psychanalystes. »

La psychanalyse n’est pas une science, par exemple, parce qu’elle est faite à l’aide d’énoncés qui échappent au critère de la vérification : mais cette critique est restée sans effet notable. C’est en tout cas un savoir constitué et surtout une pratique qui implique une relation entre patient et thérapeute. Devenir psychanalyste, avoir une pratique psychanalytique réelle et efficace suppose d’avoir été soi-même un analysant auprès d’un psychanalyste.

L’histoire du mouvement

Le développement de la psychanalyse est allé de pair avec sa structuration institutionnelle (création de l’International Psychoanalytical Association en 1910), et s’est accompagné de prises de distance ou de mises à l’écart (A. Adler, C. G. Jung, O. Rank, S. Ferenczi, W. Reich). Vienne, ville de Freud, a longtemps été au centre du mouvement psychanalytique, jusqu’à ce que le nazisme contraigne une grande partie des psychanalystes, dont beaucoup étaient juifs, à émigrer vers les États-Unis. C’est dans ce pays que la psychanalyse s’implantera le plus aisément, devenant l’ego-psychology.

Dans les pays communistes, la psychanalyse a été totalement exclue, comme science bourgeoise et réactionnaire. En Grande-Bretagne, où s’est réfugié Freud en 1938, elle connaîtra un regain théorique important grâce aux travaux de Melanie Klein puis de D. W. Winnicott.

En France, il faudra attendre 1923 pour que les ouvrages de Freud soient traduits et 1926 pour que soit fondée la Société psychanalytique de Paris. Le mouvement psychanalytique français a été fertile en scissions depuis 1933 et principalement jusqu’à Jacques Lacan, figure clé du mouvement, dès 1953 et au-delà de sa disparition, en 1981.

Il n’existe actuellement, en France, aucune réglementation de la profession de psychanalyste, mais les psychanalystes sont « formellement » considérés comme des psychothérapeutes et à ce titre doivent, pour exercer, être inscrits au registre national des psychothérapeutes. Cette inscription est cependant de droit pour les docteurs en médecine, les psychologues et les psychanalystes régulièrement enregistrés dans les annuaires de leurs associations.

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Débats autour de la psychanalyse

Les débats autour de la psychanalyse continuent d’occuper nombre d’esprits car cette discipline, depuis que Freud l’a créée, n’a cessé d’inquiéter, d’interpeller et de susciter des controverses sur son bien-fondé.

Réglementer la profession de psychothérapeute ?

Deux événements en France ont contribué à amplifier cette polémique. Ce fut d’abord le projet de réglementer la profession de psychothérapeute, ce qui mettait en danger tous les psys n’ayant pas de diplôme reconnu par l’État – médecin, psychiatre, psychologue ou autres paramédicaux – et qui soulevait encore une fois la question de la formation et de la reconnaissance des écoles de psychothérapie dispensant cette formation. Or, l’argument qu’opposent les psys n’ayant pas de diplôme médical ou paramédical est de dire que ces formations diplômantes délivrent un savoir mais pas de formation aux psychothérapies… et que la psychothérapie ou la psychanalyse permettent avant tout le développement personnel –, selon la phrase célèbre, « la guérison vient de surcroît ».

Évaluer les psychothérapies ?

Le deuxième événement qui a relancé la polémique en France fut la publication du rapport Inserm concernant l’évaluation des psychothérapies (« Psychothérapie, trois approches évaluées », Inserm 2004). Les résultats publiés lors de cette étude montrent que les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) auraient une efficacité plus importante que les autres modèles psychothérapiques et relèguent la psychanalyse au dernier rang. Mais ce rapport est controversé : comment comparer la souffrance psychique, les personnalités sous-jacentes, comment définir les objectifs thérapeutiques, etc. L’évaluation des psychothérapies demeure une démarche complexe et délicate à mettre en œuvre. L’atténuation des symptômes n’est pas la seule variable, et l’on doit considérer le contexte et la durée de la prise en charge. Les modèles psychothérapiques varient d’une école à l’autre, même d’un thérapeute à l’autre censé avoir été formé à la même école.

Il est vrai qu’aujourd’hui la tendance au pragmatisme conduit à tenter de régler les problèmes le plus vite possible et que les thérapies dites « brèves » ont le vent en poupe. La crainte d’entrer dans un processus intemporel fait peur. La psychanalyse ayant été longtemps le seul modèle proposé, les indications ont été bien souvent trop vastes. On peut aujourd’hui tenir ces propos concernant les indications : beaucoup de thérapeutes formés à un seul modèle psychothérapique le proposent comme modèle de référence quelle que soit la problématique du patient (cf. partie 3 : « Comment choisir un bon psy »). Ce rapport Inserm a suscité des réactions hostiles de la part des psychanalystes, et on finit par ne plus en parler.

Le Livre noir de la psychanalyse et l’Anti-Livre noir

Un ouvrage collectif fit ensuite scandale : le Livre noir de la psychanalyse (éd. Les Arènes 2005) publié sous la direction de Catherine Meyer. Il s’agit d’un livre très hétérogène, se moquant de la psychanalyse et présentant Freud comme un charlatan. Ce livre renforça certaines idées préconçues contre la psychanalyse, mais aussi contre l’ensemble des psychanalystes qui ne tardèrent pas à répondre par l’Anti-Livre noir de la psychanalyse (éd. Seuil, 2006), sous la direction de Jacques-Alain Miller, le gendre de Lacan. Catherine Meyer publia alors un autre ouvrage, les Nouveaux Psys (éd. Les Arènes, 2008) – plus intéressant cette fois puisqu’il s’est fixé comme ambition de présenter au grand public de nouveaux courants de pensée développés par des personnalités reconnues dans le monde entier.

Le débat reste, aujourd’hui encore, très passionnel. Il est vrai que la psychanalyse a constitué un modèle de pensée fort et prévalent dans notre pays, probablement grâce aux travaux et la personnalité de Jacques Lacan. L’Argentine, comme d’autres pays d’Amérique latine, s’est inspirée des travaux français et reste un des pays les plus marqués par la pensée psychanalytique.

Dans la plupart des pays, les modèles sont variés : le succès d’un modèle dépend surtout du charisme des thérapeutes formés à ces pratiques tout comme du contexte socioculturel. Dans les pays pauvres, on privilégie souvent des approches de groupe pour des raisons économiques. On peut ainsi aider plus de monde pour un coût moindre. L’importance de la famille dans d’autres pays a permis aux thérapies familiales de trouver un essor rapide car la population adhérait à ce type d’approche. Les approches corporelles sont acceptées dans certaines cultures et pas dans d’autres…

La question de la formation des thérapeutes fait l’objet de longues négociations en Europe. Progressivement une harmonisation se met en place, permettant aux psys d’exercer dans différents pays.