Site web de l’auteur :

www.depla.org

Cet ouvrage constitue une édition

revue et augmentée de

La Libération de la France,

paru en 2004 aux

éditions de l’Archipel

Si vous souhaitez prendre connaissance de notre catalogue :

www.archipoche.com

Pour être tenu au courant de nos nouveautés :

www.facebook.com/Archipoche

EAN 978-2-35287-618-2  

Copyright © Archipoche, 2014.

DU MÊME AUTEUR

AUX ÉDITIONS DE L’ARCHIPEL

Tapis rouge, 2013.

Zoo, 2013.

Dans le pire des cas, 2013.

Les Griffes du mensonge, 2013.

Copycat, 2012.

Private Londres, 2012.

Œil pour œil, 2012.

Private Los Angeles, 2011.

Bons Baisers du tueur, 2011.

Une ombre sur la ville, 2010.

Dernière Escale, 2010.

Rendez-vous chez Tiffany, 2010.

On t’aura prévenue, 2009.

Une nuit de trop, 2009.

Crise d’otages, 2008.

Promesse de sang, 2008.

Garde rapprochée, 2007.

Lune de miel, 2006.

L’amour ne meurt jamais, 2006.

La Maison au bord du lac, 2005.

Pour toi, Nicolas, 2004.

La Dernière Prophétie, 2001.

AUX ÉDITIONS JC LATTÈS

La Onzième et dernière heure, 2013.

Moi, Alex Cross, 2013.

Le Dixième Anniversaire, 2012.

La Piste du tigre, 2012.

Le Neuvième Jugement, 2011.

En votre honneur, 2011.

La Huitième Confession, 2010.

La Lame du boucher, 2010.

Le Septième Ciel, 2009.

Bikini, 2009.

La Sixième Cible, 2008.

Des nouvelles de Mary, 2008.

Le Cinquième Ange de la mort, 2007.

Sur le pont du loup, 2007.

Quatre fers au feu, 2006.

Grand Méchant Loup, 2006.

Quatre souris vertes, 2005.

Terreur au troisième degré, 2005.

Deuxième Chance, 2004.

Noires sont les violettes, 2004.

Beach House, 2003.

Premier à mourir, 2003.

Rouges sont les roses, 2002.

Le Jeu du furet, 2001.

Souffle le vent, 2000.

Au chat et à la souris, 1999.

La Diabolique, 1998.

Jack et Jill, 1997.

AU FLEUVE NOIR

L’Été des machettes, 2004.

Vendredi noir, 2003.

Celui qui dansait sur les tombes, 2002.

Et tombent les filles, 1996.

Le Masque de l’araignée, 1993.

Aux habitants de la plus belle des cités riveraines de l’Hudson,
l’un des plus beaux fleuves de la planète. Vivez en paix.

À Bob Hatfield, Mick Fescoe, et toute la bande de St. Patrick.

PROLOGUE

LES RATS DES VILLES

1

Orange Lake, cent kilomètres au nord de New York

Essoufflée par sa course sur le sentier escarpé, Mary Catherine réfléchissait à s’accorder une pause lorsqu’elle vit la forêt s’ouvrir devant elle. Elle s’immobilisa, les poumons en feu, en découvrant un spectacle féerique.

Sur sa droite, le lac et les collines des Catskill brillaient d’une lueur douce dans la lumière du matin, évoquant ces tableaux qui ont fait la gloire des peintres de l’École de l’Hudson. La jeune femme contempla longuement la scène, hypnotisée par la beauté du paysage. Au pied des collines dorées s’étalaient paresseusement les eaux argentées du lac, sa surface aussi lisse qu’un lit aux draps soigneusement bordés.

Le répit fut de courte durée.

Deux oies qui s’ébattaient près du bord s’envolèrent hâtivement en cacardant, chassées par le projectile qui venait de soulever une gerbe d’eau à côté d’elles.

— Youkilis s’élance ! s’écria joyeusement Eddie Bennett en suivant des yeux les ronds concentriques provoqués par le caillou, de la taille d’une balle de baseball.

Il tomba à genoux en levant les bras au ciel en geste de victoire.

— Le nouveau défenseur des Yankees, Eddie « Laser » Bennett, le déborde d’un kilomètre. Fin de match, fin de championnat, les Yankees ont gagnéééééééé !

— Mary Catherine, protesta l’une des filles qui avançaient en tête de colonne.

La petite troupe était constituée de dix enfants, placés sous l’autorité de la jeune femme. Six filles et quatre garçons de sept à seize ans, de toutes origines : latinas, asiatiques, européennes ou africaines. Une colonie arc-en-ciel miniature.

À ceci près qu’il ne s’agissait pas d’une colonie, mais de frères et sœurs. Une famille nombreuse turbulente, parfois agaçante, mais profondément unie. Une famille dans laquelle Mary Catherine avait atterri un jour par le plus grand des hasards, contrainte et forcée.

Contrainte et forcée… Tu parles ! sourit-elle intérieurement en poussant Eddie devant elle sur le sentier forestier. Mary Catherine savait bien ce qui l’incitait à rester, contre vents et marées : la présence de Mike Bennett, le père de cette tribu infernale. Inspecteur au sein du NYPD, Mike avait été retenu à New York par une enquête, laissant Mary Catherine jouer les gardes-chiourme dans le chalet du clan Bennett, au bord du lac.

Jusqu’au week-end, tout du moins.

L’idée de cette sortie revenait aux deux benjamines, Shawna et Chrissy. Désireuses d’innover, elles avaient proposé un petit-déjeuner pique-nique. Jane, forte de son expérience de guide, avait transformé l’équipée en randonnée à travers les sites naturels du comté d’Orange. Un projet louable que Ricky, Eddie et Trent s’évertuaient à saboter, comme de juste.

Ricky Bennett bondit sur un rocher en imitant un roulement de tambour. Un rythme de rap, plus exactement. Celui-là même que leur avait infligé le gamin de treize ans tout au long des deux heures qu’avait duré le trajet depuis New York, la veille.

— Allons bon, une nouvelle mutinerie, maugréa Mary Catherine en se précipitant à la tête de la colonne.

Trent, imitant l’exemple de Ricky, s’était hissé à sa suite sur son perchoir en poussant des glapissements.

— J’m’en carre de la forêt, j’veux r’trouver ma cité, rappa Rick à tue-tête.

Les deux gamins, très fiers d’eux, se roulèrent par terre de rire.

— Mary Catherine ! hurla Jane, quatorze ans au compteur.

La jeune nounou déguisa son sourire derrière une mine revêche. Jamais elle ne l’aurait avoué, même sous la torture, mais les facéties des garçons la faisaient rire.

— Trent ! Ricky ! Vous arrêtez immédiatement ! cria-t-elle en évitant de trop faire chanter son accent irlandais. On se promène pour se reposer, pas pour jouer de la batterie.

— C’est pas une batterie, Mary Catherine. C’est une boîte à rythmes, se défendit Ricky, hilare. Une boîte à rythmes vocale.

— C’est ta tête que je vais rythmer si tu continues, répliqua Mary Catherine en rabattant son chapeau sur son visage.

Se retournant d’un bloc, elle eut la confirmation qu’Eddie multipliait les grimaces dans son dos.

— Quant à toi, Eddie Andrew Bennett, ajouta-t-elle en le menaçant de l’index, avise-toi seulement de jeter un seul caillou aux habitantes à plumes de la région et on verra si ta PlayStation assure la victoire des Yankees en éliminant Youkilis !

2

Mary Catherine reprit sa place derrière la colonne en adressant un regard de détresse aux deux aînés, Juliana et Brian. Ceux-ci se gardèrent bien de comprendre sa mimique, continuant d’avancer imperturbablement.

Ce n’était pas du côté des ados que la jeune femme devait chercher du secours à cette heure matinale. Encerclée par l’ennemi, elle ne pouvait compter que sur elle-même. Elle effaça d’un doigt la perle de sueur qui menaçait de lui goutter du nez.

Peut-être avait-elle eu tort d’organiser une telle excursion, d’autant qu’ils étaient arrivés tard la veille. D’un autre côté, à quoi bon sortir ces gamins de leur jungle de béton si elle ne les forçait pas à profiter de l’air pur ? Ils auraient traîné en pyjama toute la journée si elle les avait écoutés. Comme tout bon sergent instructeur, ou toute bonne sœur qui se respecte, elle savait que la méthode forte était encore la plus efficace, en dépit des récriminations. Elle avait eu tout le loisir de s’en apercevoir depuis qu’elle avait accepté le rôle ingrat de nounou de la famille la plus exigeante de la planète, quelques années plus tôt.

Les bouffonneries de ses frères ne refroidissaient en rien les ardeurs de Jane. Plongée dans son guide, la chef de meute poursuivait son chemin inlassablement. Elle fit signe à la petite troupe de s’arrêter en découvrant des oiseaux tout gris qui piaillaient au bord d’un ruisseau. Elle porta à ses yeux les jumelles qu’elle avait autour du cou.

— C’est des colombes ? s’enquit Fiona en s’accroupissant près de sa sœur. Non, attends. Je sais ! Des pluviers !

— Très bien, Fiona, murmura Jane en prenant des notes sur une page de son guide. Ce sont des pluviers semi-palmés, apparemment.

Le groupe venait de se remettre en route lorsqu’un coassement se fit entendre au milieu des troncs.

— Tu crois que c’est un oiseau, ça aussi ? demanda Chrissy du haut de ses sept ans, tout excitée.

— Non, ma poupée, la corrigea Jane en lui caressant la tête. Je crois que c’est un cri de grenouille.

— Très probablement une grenouille semi-palmée, Chrissy, commenta Ricky derrière les filles.

Les autres garçons pouffèrent de rire.

Trent se figea soudainement, comme arrêté par un mur invisible. Sautillant sur place, il pointa du doigt les broussailles à gauche du petit chemin.

— Hé ! C’est quoi, ce truc ? hurla-t-il.

Mary Catherine se précipita.

Éclairée par les rayons de soleil qui perçaient à travers la frondaison, une frêle silhouette grise gisait sur l’humus, au pied d’un orme. La jeune femme reconnut une biche en voyant un nuage de buée s’échapper de ses naseaux. Une forme verdâtre et poisseuse reposait sur le sol sablonneux à côté de l’animal. Un brouillard vaporeux enveloppait l’étrange créature qui s’agita lentement.

Mary Catherine comprit en voyant la biche lécher l’étrange cocon : elle venait de mettre au monde un bébé.

— Berk ! fit Trent.

— Quoi ? l’interrogea Ricky.

— Ouuuuuh, ajouta Eddie d’un air dégoûté.

— Doucement, les enfants. Chhhhhut ! les calma Mary Catherine en leur signifiant de s’accroupir.

Ils observaient la biche, tapis au bord du sentier, lorsque l’animal cessa brusquement de lécher la masse visqueuse. La membrane humide se déchira et une minuscule tête en émergea. Le bébé s’ébroua, battit furieusement des paupières et s’extirpa de la coque gluante et fumante.

Mary Catherine oublia un instant ce merveilleux spectacle et se tourna vers sa tribu. Tous les enfants sans exception étaient bouche bée. À commencer par les garçons qu’elle n’avait jamais vus ouvrir de si grands yeux. Le miracle de la vie avait cloué le bec de sa bande de moineaux.

Ils retinrent leur souffle à l’unisson en voyant la mère se relever lentement d’un mouvement gracile, presque noble, et tourner le museau dans leur direction, les oreilles dressées. Le faon, couché par terre, papillota des cils en regardant sa mère, puis roula maladroitement sur lui-même avant de déplier ses jambes.

— Allez, l’encouragea Chrissy. Vas-y, tu peux y arriver.

Comme s’il avait compris les exhortations de l’enfant, le nouveau-né se dressa sur ses quatre pattes. Il tangua sur des jambes tremblantes, les yeux écarquillés, sa fourrure aussi fine que le manteau d’un bourdon sous la caresse du soleil.

— On dirait un lapin avec des grandes jambes, s’écria Shawna en battant des mains, emportée par l’enthousiasme. Il est trop mignon !

C’est toi qui es trop mignonne, pensa Mary Catherine en déposant un baiser attendri sur le crâne de la petite fille qui trépignait de joie. Le miracle de la vie, il est là, poursuivit-elle en son for intérieur en regardant tour à tour le faon et l’armée de jeunes amours qui avait pris possession de son existence.