TOMASO ALBINONI
Né à Venise, le 14 juin 1671; mort dans la même ville, le 17 janvier 1751. Peut-être élève de Legrenzi, il passa presque toute son existence dans sa ville natale, et comme son compatriote Benedetto Marcello, il fut en ses débuts un « amateur » (Il dilettante veneto), — en d'autres termes n'eut pas besoin de composer pour vivre. Cette mention figure pour la dernière fois sur son opus 5 (12 Concerti, 1707), et ne se trouve plus à partir de son opus 6 (12 sonates de chambre, 1711). Sa production instrumentale, dont une partie seulement fut éditée de son vivant, le place avec Vivaldi et Benedetto Marcello au premier rang des compositeurs vénitiens de son temps. De ses quelque cinguante opéras, dont le dernier date de 1741, seuls quatre — parmi lesquels un intermède bouffe — ont survécu entièrement. Neuf recueils de musique instrumentale parurent entre 1694 (12 sonates à trois ) et 1722 environ (12 Concerti). Sonates et concertos alternent parfois au sein d'un même opus, et il en va de même de ceux adoptant la coupe de l'ancienne sonate d'église (lent-vif-lent-vif) ou au contraire du concerto moderne (vif-lent-vif).

C'est en particulier dans l'opus 2 (six concerti et six sonates) qu'Albinoni apparaît avec un visage de Janus. Les six sonates (à cinq) sont en effet de véritables « Symphonies d'église » d'une riche écriture polyphonique, alors que les six Concerti se réclament de la tendance moderne alors illustrée à Bologne par Giuseppe Torelli : forme en trois mouvements, opposition des tutti et des soli, brillance et éclat des épisodes soli, confiés à un violon. Albinoni précéda de plusieurs années Vivaldi dans la voie du concerto à un seul soliste.
Le recueil « orchestral » suivant est l'opus 5 de 1707. Il contient douze concertos pour violon marquant un progrès considérable par rapport aux six de l'opus 2, tant sur le plan de la forme que de l'émancipation du soliste. On trouve à nouveau douze Concerti dans l'opus 7 (vers 1716) et dans l'opus 9 (vers 1722), mais avec un net souci de la variété instrumentale, car, chaque fois, quatre ouvrages sont pour violon, quatre pour hautbois, et quatre pour deux hautbois.
Dans l'opus 9, apogée de la production instrumentale d'Albinoni, paru à Amsterdam en deux éditions presque simultanées, les n° 1, 4, 7 et 10 sont pour violon, les n° 2, 5, 8, et 11 pour hautbois, et les n° 3, 6, 9 et 12 pour deux hautbois. Deux œuvres seulement sont en mineur (n° 2 en mineur et n° 8 en sol mineur), mais on rencontre ce mode dans sept mouvements lents sur douze (n° 3, 5, 6, 7, 9, 11 et 12). Les plus connus sont le 2 en mineur (pour hautbois) et le n°7 en majeur (pour violon).
Le Concerto en mineur opus 9 n°2 est assurément une des plus belles pages jamais consacrées au hautbois. L'Allegro non presto frappe par la variété de ses rythmes et de ses thèmes, par ses modulations audacieuses et par ses velléités de travail thématique. Suit un magnifique Adagio en si bémol faisant penser à Bach. Après sept mesures d'introduction, le hautbois soliste énonce longuement une admirable mélodie. L'Allegro final à 6/8 fait la part belle à la polyphonie, et ce dès les premières mesures, en imitations canoniques serrées.
Quant au Concerto en majeur opus 9 n°7, Vivaldi l'égala sans doute, mais ne le dépassa jamais. Les deux Allegros évoquent d'ailleurs de très près le « Prêtre roux », — le premier avec ses syncopes, sa virtuosité et ses sonorités parfois symphoniques, le dernier par ses ressemblances avec le « Printemps » des Saisons. Le très expressif Andante en mineur, avec sa longue cantilène de violon, constitue sans doute le sommet de l'opus 9.
L'œuvre connue comme Adagio d'Albinoni est un habile pastiche réalisé au XXe siècle par le musicologue italien Remo Giazotto à partir d'une basse chiffrée et de quelques mesures de violon de ce compositeur.
M.V.
JUAN CRISOSTOMO DE ARRIAGA
Né à Bilbao, le 27 janvier 1806; mort à Paris, le 17 janvier 1826. Un météore. A onze ans, il compose un octuor; à douze, une ouverture pour orchestre; à treize, un opéra, Los Esclavos felices, qui remporte dans la ville natale de l'auteur un succès considérable. En 1821, il s'inscrit au Conservatoire de Paris où il devient l'élève de Bouillot pour le violon, de Fétis pour l'harmonie et le contrepoint; ses progrès sont d'une incroyable rapidité. Les dernières années de sa vie sont marquées par ses œuvres les plus importantes : trois quatuors à cordes et la Symphonie en mineur, empreints d'un sentiment passionné qui n'exclut pas la sûreté de la technique. Miné par la tuberculose, Arriaga s'éteint quelques jours avant son vingtième anniversaire.