INTRODUCTION
Écologie et répartition du châtaignier
NOM ET CARACTÉRISTIQUES BOTANIQUES
Ce n'est que tard dans l'Antiquité que le châtaignier est appelé d'un nom commun — c'est-à-dire universel — et définitif. Le même problème se reproduit, bien des siècles plus tard, au moment de l'établissement des nomenclatures botaniques. En 1694, Tournefort le nomme Fagus silvestris quae peculiariter castanea 6, Linné, en 1753, Fagus Castanea, Miller, en 1768, Castanea sativa, Lamarck, en 1783, Castanea vulgaris, Gaertner, en 1788, Castanea vesca et Karsten, en 1882, Castanea castanea, soit cinq noms principaux dont aucun ne supplante les autres avant le début du XXe siècle. L'accord est aujourd'hui à peu près réalisé sur Castanea sativa Miller 7.
Théodore Monod explique ces hésitations 8 : « Linné avait écrit Fagus Castanea et, [...] quand on a créé un genre Castanea, on n'a pas pu écrire Castanea castanea (L.) et il a fallu créer une nouvelle épithète spécifique. D'où le sativa de Miller, le vulgaris de Lamarck, etc. » C'est, en effet, Miller qui a créé à la fois le genre (Castanea) et l'espèce (sativa) et Théodore Monod rappelle 9 qu'il ne faut donc pas placer Miller entre parenthèses, car cela signifierait qu'il a placé une espèce déjà existante dans un genre nouveau. « Si Linné, ajoute-t-il, avait appelé le châtaignier Fagus sativa, Miller n'aurait créé que le nom de genre, donc Castanea sativa (Linné), mais Linné écrivait Fagus Castanea, hélas : or le code de nomenclature botanique interdit les tautonymies et on n'a pas le droit d'écrire Castanea castanea... Les zoologistes les admettent et notre pie s'appelle Pica pica et, même, avec la sous-espèce, Pica pica pica. Donc Castanea sativa Miller. » En réalité, plusieurs auteurs n'ont pas hésité à choisir Castanea castanea 10.
Voici donc la fiche d'identité courante du châtaignier européen :
Classe : Dicotylédones.
Famille : Fagacées.
002
003
Photo 2 : Le châtaignier des « Centi Cavalli », sur l'Etna au XIXe siècle. Gravure d'A. Faguet in H. Baillon, 1876.
Genre : Castanea.
Espèce : Castanea sativa Miller.
Cultivars (ou variétés) : comballe, gentile, bouche-rouge, marron, par exemple.
Dans le genre Castanea se placent d'autres espèces, outre le Castanea sativa Miller : le Castanea dentata Borkh, surtout présent à l'est des États-Unis, décimé par la maladie de l'Endothia parasitica, le Castanea crenata Siebold et Zuccarini, répandu essentiellement au Japon, le Castanea mollissima Blume, de Chine et neuf autres plus rares et moins utiles : Castanea Seguinii Dode, Castanea Davidii Dode, Castanea pumila Miller, Castanea Ashei Sudworth, Castanea floridana Ashe, Castanea ozarkensis Ashe, Castanea alnifolia Nutt, Castanea paucispina Ashe, Castanea Henryi Rehder et Wilson, plus un certain nombre d'hybrides 11. A l'exception du sativa, les autres Castanea sont américains ou asiatiques, car sur ces continents, les espèces végétales sont plus nombreuses qu'en Europe, du fait de l'existence de refuges pendant les glaciations.
Le marronnier d'Inde n'a, évidemment, rien de commun avec le Castanea sativa, à l'exception de l'aspect extérieur de ses fruits. L'Aesculus hippocastanum L. semble avoir été importé de Constantinople en Europe vers 1615 et a été cultivé exclusivement pour l'agrément, du fait de la beauté de son port et de son feuillage 12. Le Nôtre fut l'un de ses propagateurs en France, mais c'est Vienne qui passe pour avoir été le lieu de son introduction en Europe 13. Mais le marronnier d'Inde est loin d'être le seul homonyme du châtaignier. Aimée Camus 14 donne une liste de 21 noms de végétaux portant le nom du châtaignier suivi d'un qualificatif quelconque. Parmi les exemples les plus connus, le châtaignier de Para ou du Brésil (Bertholletia excelsa), le châtaignier de la Guyane (Pachira princeps), la châtaigne d'eau ou de la Martinique (fruit du Sloanea dentata). Ces exemples montrent à quel point le châtaignier était répandu en Europe à l'époque des grandes découvertes : Espagnols, Portugais, Français l'utilisaient pour baptiser les végétaux inconnus qu'ils rencontraient.

On trouvera dans l'ouvrage d'Aimée Camus15 une étude botanique complète du Castanea sativa. Depuis 1929, les travaux les plus approfondis ont concerné les maladies, mais les travaux des Japonais, des Américains ou des Européens16 consacrés à l'approfondissement de la biologie de l'arbre ont été également nombreux 17. Voici, très brièvement, ce qu'on ne peut ignorer avant d'aborder une étude géographique et historique de la culture du châtaignier.