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Jean-Paul Sartre et son temps
Jean Paul Sartre naît le 21 juin 1905 à Paris, d'un père officier de marine catholique et d'une mère protestante. L'année suivante, son père meurt d'une fièvre tropicale en Indochine. Sa mère rejoint ses parents à Meudon, dans la banlieue parisienne.
UNE JEUNESSE AU MILIEU DES LIVRES (1905-1924)
Enfant unique et adoré, Sartre grandit parmi les livres que lui fait découvrir son grand-père maternel. Dès l'âge de sept ans, il lit quelques-unes des œuvres de Flaubert, de Rabelais, de Corneille ou de Voltaire. Comment ne serait-il pas à son tour écrivain? Pour sa famille, c'est une évidence heureuse1.
En 1917, le remariage de sa mère avec le polytechnicien Joseph Mancy l'oblige à poursuivre ses études à La Rochelle, où le couple s'installe. Sa scolarité est brillante. Mais le jeune Sartre s'entend mal avec ses nouveaux condisciples, ainsi qu'avec son beau-père. Pendant ses loisirs, il écrit des romans de cape et d'épée.
De retour à Paris en 1920, Sartre est élève au lycée Henri IV. Bachelier à 17 ans, il prépare le concours d'entrée à la prestigieuse École normale supérieure, où il est reçu en 1924.
UNE PASSION POUR LA PHILOSOPHIE (1924-1929)
Durant les cinq années qu'il passe à l'École normale, Sartre se prend d'intérêt pour la philosophie. Il s'initie à la pensée et aux systèmes de Descartes, de Spinoza, de Rousseau. Il lit Valéry, Bergson, Schopenhauer, Nietzsche, Marx, Freud. Cet étudiant studieux (mais qui possède aussi la réputation d'un chahuteur) rencontre l'écrivain Paul Nizan qui restera son grand ami jusqu'à sa mort au front en 19402. Il se lie également d'amitié avec le (futur) sociologue Raymond Aron, avec lequel il se brouillera par la suite pour des raisons politiques3.
Son échec, en 1928, à l'agrégation de philosophie paraît incompréhensible. Mais, en 1929, il est reçu premier. Cette année-là, il fait la connaissance de Simone de Beauvoir qui, malgré les fluctuations des passions, restera sa compagne jusqu'à la fin de sa vie.
PROFESSEUR DE PHILOSOPHIE (1930-1941)
Professeur de philosophie, Sartre enseigne dans différents lycées, au Havre, à Laon et à Paris. Parallèlement, il voyage en Europe et en Afrique du Nord. Bénéficiant d'une bourse universitaire, il part en 1933 à Berlin, où il s'initie à la phénoménologie4 allemande.
Ses réflexions débouchent en 1936 sur la publication d'un essai, L'Imagination. Son premier roman, La Nausée (1938), remporte un succès considérable. Suivent un recueil de nouvelles, Le Mur (1939), et un traité de psychologie, Esquisse d'une théorie des émotions (1939).
Mobilisé en 1939, fait prisonnier en 1940, Sartre est libéré en 1941 pour des raisons médicales5.
DURANT LES ANNÉES DE GUERRE (1941-1945)
Jusque-là, Sartre s'était tenu éloigné de toute action politique. Il ne votait même pas. De son temps, il était plus un témoin passif qu'un acteur. L'expérience de la guerre, de la captivité puis de l'occupation allemande le fait évoluer.
Avec quelques intellectuels de gauche, Sartre crée un éphémère cercle de réflexion sous l'appellation de «Socialisme et Liberté». L'un des buts que se fixe le groupe est de dénoncer l'esprit de collaboration ou de passivité qui se manifeste en France. Sartre collabore également à la revue clandestine des Lettres françaises; et il prend part aux réunions secrètes du Conseil national des écrivains, que préside le poète Paul Éluard (1895-1952).
Mais à la différence d'Éluard, de Camus ou de Malraux, Sartre ne participe activement à aucun mouvement de résistance active. La création en 1943 des Mouches, sa première grande pièce de théâtre, n'est rendue possible qu'avec l'accord de la censure allemande6 et, il est vrai, l'autorisation de la solliciter que lui a donnée le Conseil national des écrivains
Durant toute la guerre, Sartre se préoccupe davantage de littérature et de philosophie que de lutter véritablement contre l'ennemi. A la Libération, il participe au lancement du journal Combat ainsi qu'à celui de la revue des Temps modernes.
Toutefois, le climat de l'époque influe sur son évolution. Ses premières pièces - Les Mouches (1943) et Huis clos (1944) - développent le thème de la responsabilité et de la nécessité de l'engagement politique, conséquence de la liberté humaine. De ces trois notions, Sartre fera les concepts de base de sa morale et de sa philosophie.