Napoléon jugea toujours sévèrement l'attitude de son père : « Il faisait des voyages à Paris fort dispendieux. Il est mort à Montpellier, âgé de trente-cinq ans [
sic]. Notre grand-oncle [l'archidiacre Lucien] nous a, ainsi, conservé une fortune que mon père eût mangée, si elle eût été à sa disposition », déclara-t-il à Gourgaud à Sainte-Hélène
2. En étant ainsi jugé par son fils, Charles Bonaparte n'eut guère les faveurs des biographes de l'empereur. Ils le trouvèrent tour à tour « léger », « libertin » et bien entendu « follement dépensier ». Son rapport à l'argent le condamna en quelque sorte aux yeux de l'histoire. Et puis, quelle différence avec sa femme, Letizia ! Celle-ci avait, au contraire de son époux, les dépenses superflues en horreur (et, à son goût, elles étaient toujours trop nombreuses...). Dans cette opposition de style, Napoléon préféra sans conteste sa mère : « C'est à ma mère que je dois ma fortune et tout ce que j'ai fait de bien », devait-il dire plus tard. L'indigence, voire la misère matérielle de la famille avait ainsi trouvé son responsable dans la personne du père, ce qui, du coup, devait rendre l'ascension du jeune Napoléon encore plus fabuleuse. En prenant la direction du clan à la suite d'un homme aussi « inconséquent », le futur grand homme fit donc preuve d'un grand courage, formateur et de bon augure pour l'avenir.
En s'intéressant de plus près, comme l'ont fait les plus importants biographes du père de Napoléon, Xavier Versini et Dorothy Carrington
3, aux documents qu'il rédigea, son livre de raison (sorte de journal comptable) et ses mémoires domestiques, les périodes tant décriées de sa vie nous apparaissent pourtant sous un jour différent.