FRANÇOIS D'AGINCOURT
Né à Rouen, en 1684 ; mort à Rouen, le 30 avril 1758. C'est comme organiste plus que comme claveciniste qu'ilfut connu en son temps. Élève de Jacques Boyvin (c. 1653-1706), organiste de l'église Notre-Dame de Rouen, puis disciple de Nicolas Lebègue à Paris, il occupa de nombreuses tribunes d'orgue: à Paris, à Sainte-Madeleine-en-la-Cité, à Rouen où il succéda à son maître aux orgues de l'église Notre-Dame, à l'abbaye royale de Saint-Ouen, puis à la chapelle royale de Versailles où il fut appelé en remplacement de Louis Marchand. Il mourut à Rouen après de nombreuses années de service à l'église Notre-Dame. D'Agincourt laisse plusieurs recueils d'airs avec basse continue, de la musique d'orgue, et un livre de pièces de clavecin plein de charme et de raffinement.
L'œuvre de clavecin
D'Agincourt n'écrivit qu'un seul livre de Pièces de clavecin. Édité en 1733 et dédié à la reine Marie Leszczinska, il est accompagné d'une préface particulièrement intéressante. Celle-ci nous apprend d'abord qu'à l'époque de la publication de ce premier livre, d'Agincourt travaillait à un second livre, — dont nous n'avons aujourd'hui aucune trace. Elle nous apprend aussi le soin avec lequel l'organiste de Rouen a préparé et surveillé la publication de ce volume, ce qui lui a occasionné des dépenses considérables. C'est dans cette préface enfin que d'Agincourt manifeste toute l'admiration qu'il portait à François Couperin (dont le Quatrième Livre de pièces de clavecin était paru en 1730) ; en guise de commentaire accompagnant la table de ses agréments, il précise : « Je n'ai rien changé aux agréments ni à la manière de toucher de celle que Monsieur Couperin a si bien désignée et caractérisée, et dont presque toutes les personnes de l'art font usage... »
Le livre de clavecin de d'Agincourt se compose de quarante-trois pièces réunies en quatre ordres. On remarquera que, comme François Couperin, d'Agincourt utilise le terme « ordre » pour désigner ses suites. Seul le Premier ordre contient, au milieu de ses treize pièces, les mouvements traditionnels de la suite de danses (deux allemandes, courante, sarabande, gigue). Les trois autres ordres abandonnent ce schéma et leur auteur, à l'instar de François Couperin, semble avoir une réelle préférence pour le rondeau et pour les pièces sous-titrées (presque toutes les pièces, y compris les danses, portent un sous-titre évocateur).
Le Premier ordre (ré mineur) rassemble treize pièces, pour la plupart sous-titrées. Il débute par deux allemandes La Sincopée1 et La Couronne. Par la densité de son écriture, la richesse de son ornementation et le rythme de ses valeurs pointées, cette dernière a un aspect très solennel. Une courante, une sarabande, La Magnifique, et une gigue, La Bléville, succèdent aux deux allemandes. D'Agincourt aime à composer des rondeaux à deux couplets : Le Pattelin est une pièce simple et gracieuse, La Sensible se joue « lentement et coulament ». Il y a beaucoup de variété dans Les Dances provençales qui s'ouvrent par un joyeux mouvement à deux temps en ré majeur, se poursuivent par un épisode plus expressif en ré mineur, et se concluent en majeur sur un rythme à 6/8 que l'on exécutera « légèrement ».
Le Deuxième ordre (fa majeur) réunit sept pièces, — soit deux danses (un menuet et une chaconne, La Sonning) et diverses pièces sous-titrées. En tête du rondeau Le Colin Maillard où les mains jouent en permanence à intervalle de tierces ou en canon, d'Agincourt précise qu'il faut utiliser ici les deux claviers du clavecin. Plus loin, il dépeint La Pressante Angélique dans un rondeau gracieux et plein de noblesse, et brosse les portraits de Deux cousines: l'un tendre et rêveur dans le mode mineur, l'autre primesautier, joyeux et « un peu plus viste » avec ses croches, ses valeurs pointées et ses triolets. Une chaconne à la française en dix couplets, La Sonning, où « chaque couplet se recommence deux fois », conclut ce second ordre.
Le Troisième ordre ( majeur) regroupe onze pièces. Parmi celles-ci, une gavotte, La Courtisane, et un vaudeville, Le Val joyeux. Le charmant et volubile Moulin à vent, écrit « très légèrement » sur un rythme à 6/16, rappellera à plus d'un l'art et la manière de François Couperin. La Minerve est un rondeau empreint de majesté, et L'Étourdie, autre rondeau « gayement », est une page pleine de vivacité avec son thème en notes répétées et son déploiement de doubles croches.