I
La fabuleuse histoire du désir
 
 
Les mythes structurent notre imaginaire. Même s'ils se déforment au fil du temps, ils restent universels et subissent moins les variantes des courants de pensée que la psychanalyse.
Ils nous content des histoires sacrées, qui se déroulent dans des temps primordiaux. Ce sont des liturgies sur le sens de la vie…

Il nous a donc paru intéressant de dépoussiérer le désir en nous appuyant sur la mémoire collective, nourrie de récits mythiques et bibliques. Comme le souligne Claude Lévi-Strauss : « Tout peut arriver dans les mythes. »

On ne peut faire table rase de ce qui a constitué notre imaginaire, nos fantasmes.
Nous nous sommes donc amusées à chatouiller les caryatides qui portaient le temple à bout de bras.
Fascinées par la période gréco-romaine qui nous a enseigné une sorte de hiérarchie des désirs, comme une posologie de l'instinct, nous avons préféré l'histoire, tout en savourant la mythologie.
Et puis, nous aussi, nous avons lancé le pavé dans la mare de Mai 68 qui a tout balayé d'un vent métaphysique, puisque, pour la première fois, il s'agissait de jouir sans « dimension politique ».

Après vingt siècles de pensée scolastique, drastique, gréco-hédonico-judéo-macho, post-soixante-huitarde et néo-millénaire… il demeure étonnant de constater à quel point les calomnies et les reproches faits aux femmes restent les mêmes : nous avons été, très tôt, créées, envoyées, missionnées, pour divertir et pervertir, être la cause nodale de tous les maux des mâles.

Phyllis Trible, théologienne, a tiré du chapitre 2 de la Genèse les onze arguments qui nourrissent, dit-elle, « une misogynie ordinaire1 ». En voici trois d'entre eux :
« Un dieu mâle crée d'abord l'homme (2, 7) et ensuite la femme (2,22). Cet ordre assigne la supériorité à l'homme »
« Contraire à la nature, la femme naît de l'homme (2,21-22) »
« La femme induit l'homme à transgresser. Elle est donc responsable du mal et du malheur. Elle n'est pas fiable ; elle est simple d'esprit. »
























1 Eva et Pandora, « La création de la première femme », dirigé par Jean-Claude Schmitt, Gallimard, 2003.
1.
Lucie, Ève, Lilith et Pandora : « Nos premières séductrices »
Quand Yahvé crée la femme : Lucie, Ève.
Quand Yahvé ne crée pas la femme : Lilith, Pandora.

Lucie est l'ossature de la femme.
Ève, la compagne fidèle.
Lilith, la révoltée.
Pandora, la pervertie « à l'ouvre-boîtes ».
Imaginons-les dans Sex and the City, bras dessus, bras dessous, arpentant les trottoirs, et reprenant les rôles de Carrie, Charlotte, Samantha, Miranda…
Trêve de plaisanterie, ce sont bel et bien les pionnières de la race des femmes maudites.

Lucie, notre ancêtre australopithèque, est la première femme en somme, puisqu'elle est, pour l'instant, la plus ancienne d'entre nous. Elle vivait quelque part dans le désert de l'actuelle Éthiopie.
Comment était-elle ? Du genre costaud, avec de bonnes grosses cuisses, des mollets solides pour mieux trotter. Quant aux fesses, elles n'étaient pas très hautes mais délicieusement charnues pour mieux courir… Car il fallait être rapide, en ces temps reculés, face aux fauves aux longues dents et… à cette horde de mâles à la recherche de nouvelles conquêtes…
Côté élégance, nous l'imaginons vêtue d'un simple string en léopard ou en bambou tressé… Après tout, pourquoi pas… Dans cette savane herbeuse, sous ce soleil de plomb, lorsque l'on a, à portée de main, des aphrodisiaques naturels, on exhibe, on exhibe…

Mais notre petite Mère à tous, avait-elle remarqué, qu'en se déhanchant de la sorte, devant des hominidés mâles, elle déchaînerait leurs instincts grégaires… Au point qu'obsédés par elle, ils décideraient de tirer à la courte paille lequel des leurs ouvrirait le bal…
À l'aube de l'humanité, la magie de la séduction féminine était donc déjà à l'œuvre…
Il y a plusieurs récits de la création de la première femme, autant dans la Grèce que dans le judaïsme.

Ève en est le mythe biblique.
Pour mémoire, Dieu plonge l'homme dans un profond sommeil. Il extrait alors d'une côte du bel endormi Ève, son premier dommage collatéral, qui désobéit, séduit et engendre l'humanité.