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© HACHETTE LIVRE, 2021, 58 rue Jean Bleuzen, CS 70007, 92178 Vanves Cedex.
ISBN: 978-2-01-717860-6
Devant l’arborescence du phénomène fiscal qui se ramifie quasiment à l’infini, il fallait, afin d’apprécier le poids de la fiscalité dans l’économie, élaborer un concept suffisamment global pour inclure toutes les formes d’imposition. Pour cela les statisticiens ont eu recours à la notion de prélèvements obligatoires. Les prélèvements obligatoires constituent « l’ensemble des contributions obligatoires effectuées sans contrepartie au profit des administrations publiques et des institutions communautaires européennes » (OCDE).
Rapporté au produit intérieur brut, le montant des prélèvements obligatoires permet de mesurer, avec la part d’erreur et d’incertitude que comporte toute mesure statistique globale, le niveau de la fiscalité dans nos sociétés. « Il est (…) un indicateur de frontière des fonds soumis à affectation publique » (P. Llau) dont nous aurons à discuter la pertinence (v. chapitre 9).
Ainsi, de nos jours, dans le monde occidental, 40 % en moyenne de la richesse produite chaque année est reprise sous forme de prélèvements obligatoires et redistribuée. Des centaines de millions d’individus et d’entreprises sont concernés par ces prélèvements. Toutes les formes d’activité sociale y sont directement ou indirectement assujetties. On peut le déplorer mais c’est un fait : nos sociétés modernes sont des sociétés fiscalisées.
L’impôt, qui constitue le principal de ces prélèvements, a une spécificité qu’il est indispensable de faire apparaître, avant d’examiner le statut des autres prélèvements obligatoires, dont l’étude détaillée ne relève pas de cet ouvrage.
En l’absence de définition législative, l’impôt peut être défini comme une prestation pécuniaire requise des contribuables d’après leurs facultés contributives et qui opère, par voie d’autorité, un transfert patrimonial définitif et sans contrepartie déterminée, en vue de la réalisation des objectifs fixés par la puissance publique.
Cette définition doctrinale fait apparaître les trois éléments essentiels qui caractérisent l’impôt :
c’est un acte de puissance publique ;
il opère un prélèvement sur la propriété ;
il est perçu dans un but d’intérêt général.
Dans toutes les langues, le vocabulaire n’est que trop expressif : impôt, tax, tributo, belasting… L’impôt est un prélèvement obligatoire perçu par voie d’autorité. Cette autorité peut aller jusqu’à la contrainte, mais elle n’est, en principe, ni arbitraire ni sans limite.
D’abord, le pouvoir d’imposer est une compétence exclusive de l’autorité souveraine dans l’État. Ainsi, dans les régimes démocratiques, seul le législateur peut créer, modifier ou supprimer un impôt (art. 34 de la Constitution de 1958). Ce pouvoir n’appartient même pas, dans les États unitaires, aux assemblées représentatives des collectivités territoriales.
De plus, de nos jours, l’impôt est généralement assis et recouvré par une administration publique spécialisée qui constitue un organe essentiel de l’État. Toutefois le recouvrement des impositions peut aussi être effectué par des organismes privés placés sous le contrôle de l’État, tels que les URSSAF (CC, 28 décembre 1990).
Cependant, imposé à chaque contribuable, le prélèvement fiscal doit être consenti. Même si la réalité de ce consentement populaire à l’impôt est discuté, il demeure le fondement de nos démocraties représentatives (v. p. 144).
Enfin, la mise en œuvre de l’impôt peut faire bénéficier le contribuable de possibilités d’option (v. notamment la TVA).
L’impôt, par la voie d’un prélèvement de caractère généralement pécuniaire, opère un transfert de richesse d’un patrimoine à un autre.
L’impôt en nature, injuste et incommode, n’existe plus. Mais, même perçu en espèces, sur des flux de revenus ou à l’occasion de prestations de services, l’impôt reste un prélèvement patrimonial, car il diminue de façon définitive la richesse globale de son débiteur. De ce point de vue, l’impôt se distingue de l’emprunt qui, même obligatoire, devra être un jour remboursé. La nature définitive du prélèvement fiscal n’exclut pas une possibilité de compensation financière par d’autres voies (redistribution). L’impôt peut donc être conçu comme une sorte de placement.
En principe, le transfert patrimonial opéré par l’impôt s’effectue des patrimoines privés vers le patrimoine de la collectivité publique qui bénéficie de l’imposition. L’impôt postule donc l’existence d’une propriété privée. De fait, dans les économies collectivistes, l’impôt strictement défini ne joue qu’un rôle mineur. Mais ce gain réalisé par les contribuables n’est obtenu qu’au prix d’une réduction de leur liberté. Ainsi se vérifie l’idée, remarquablement démontrée par G. Ardant, selon laquelle l’impôt, appliqué avec tact et mesure, est à la fois l’indice et le garant de la liberté.
Dans nos économies mixtes, les patrimoines des personnes publiques qui possèdent une autonomie financière effective par rapport aux collectivités publiques bénéficiaires de l’impôt et qui ont des activités industrielles ou commerciales (régies autonomes locales, EPIC), sont soumis à l’obligation fiscale afin, notamment, de ne pas fausser les conditions de la concurrence.
Même justifié dans son principe, le prélèvement fiscal deviendrait arbitraire et confiscatoire s’il n’était pas limité dans son montant et sa périodicité. L’impôt doit donc être établi d’après les facultés contributives des contribuables. Mais celle-ci étant difficile à définir et à mesurer, le législateur a fixé, dans certains pays, un plafond d’imposition globale (v. p. 142).
L’impôt constitue la ressource des personnes publiques qui poursuivent un but d’intérêt général. Il ne peut donc avoir de contrepartie déterminée pour le contribuable. On touche là à l’essence même de l’impôt qui est une participation globale à un projet collectif.
L’impôt assure, en premier lieu, la couverture des charges publiques. De ce fait, en raison de l’extrême diversification du champ des interventions publiques dans la plupart des États modernes, l’impôt remplit déjà des finalités multiples. Mais il peut aussi être utilisé comme un instrument d’intervention économique et sociale (v. chap. 10).
C’est dire que l’impôt est, par essence, multifonctionnel, et qu’il n’a d’autres objectifs que ceux qui lui sont assignés dans le cadre de la politique fixée par les pouvoirs publics. Cela s’exprime parfaitement dans la règle de non-affectation des recettes aux dépenses qui préside à l’élaboration des budgets publics.
L’impôt ayant une finalité collective, il ne saurait avoir de contrepartie déterminée pour le contribuable qui le paie. Chaque fois qu’il existe une corrélation préalablement définie, et dûment calculée, entre la prestation du redevable et la valeur des services ou avantages que lui offrent les institutions publiques, on est en présence d’une taxe administrative ou d’une redevance, mais non d’un impôt au sens strict.
Cependant, actuellement, dans un souci de clarification, la jurisprudence range les taxes administratives perçues à l’occasion d’un service rendu ou simplement offert, dans la catégorie plus large des « impositions de toutes natures » (art. 34 de la Constitution de 1958).
En effet, ces taxes sont instituées par la loi, elles sont dues dès lors que le service est mis à la disposition du redevable et leur montant n’est pas proportionnel à la valeur du service rendu (taxe d’enlèvement des ordures ménagères, droits d’inscription dans les universités).
Outre « les impositions de toutes natures » la loi autorise les prélèvements suivants :
Ces deux catégories de prélèvements diffèrent profondément, tant en raison de leur poids économique que de leur régime juridique.
Avant de les présenter, rappelons que les taxes parafiscales, qui constituaient auparavant une catégorie originale de prélèvements obligatoires, ont été remplacées, à compter du 1er janvier 2004, par des taxes fiscales entrant dans la rubrique des « impositions de toutes natures ».
➜ Les taxes parafiscales
En vertu de l’article 4 de l’ordonnance du 2 janvier 1959, les taxes parafiscales étaient « perçues dans un intérêt économique ou social, au profit d’une personne morale de droit public ou privé autre que l’État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics administratifs ».
Ces taxes touchaient aux domaines les plus divers de l’activité nationale : agriculture, équipement, promotion commerciale, solidarité, préservation de l’environnement, culture, mais la plus importante d’entre elles était la redevance télévision, représentant 2 milliards d’euros sur les 2,6 milliards de recettes parafiscales.
Les taxes parafiscales avaient un régime juridique proche de l’impôt quoique fixé essentiellement par décret ; de plus, n’étant pas perçues au profit de l’État ou des personnes publiques attributaires de l’impôt, elles constituaient une sorte de « fiscalité privée ».
Le nombre de ces taxes parafiscales avait considérablement diminué depuis une trentaine d’années, passant de 113 taxes en 1975 à seulement 43 en 2002 mais, à l’occasion de la réforme des procédures budgétaires, il a été décidé, afin d’accroître le contrôle du Parlement sur les recettes budgétaires, de substituer à ces taxes des prélèvements entrant dans la catégorie « impositions de toute nature ».
➜ Des taxes parafiscales aux « impositions de toutes natures »
Conformément à l’un des objectifs fixés par la loi n° 2001-692 du 1er août 2001 qui abroge l’ordonnance du 2 janvier 1959, les taxes parafiscales ont été supprimées au 31 décembre 2003 et remplacées, par la loi de finances pour 2004, par des taxes fiscales affectées aux mêmes organismes avec des tarifs identiques.
La transformation des taxes parafiscales en impositions de toutes natures est subordonnée à la condition que l’organisme bénéficiaire poursuive une mission d’intérêt général.
Le principe du financement des dépenses d’administration par l’impôt ne fait pas obstacle à ce que les charges d’un service public particulier ou d’un ouvrage public soient directement supportées par les usagers. Ainsi, l’article 4 de la loi du 1er août 2001 autorise le pouvoir réglementaire à établir des redevances ou rémunérations pour services rendus qui se distinguent de l’impôt et des prélèvements obligatoires.
Pour être légalement instituées, celles-ci doivent trouver leur contrepartie directe et proportionnelle dans les prestations fournies par le service ou dans l’utilisation de l’ouvrage.
La redevance se rapproche ainsi du prix du service en ce sens qu’il doit exister une corrélation directe entre son montant et la valeur du service rendu. Ce critère, dit « de l’équivalence », a été consacré tant par le Conseil d’État (CE, 21 novembre 1958, Syndicat national des transporteurs aériens) que par le Conseil constitutionnel (décision 92L du 6 octobre 1976 – Droits de port et de navigation). La corrélation entre le service rendu et la redevance conduit la jurisprudence à exiger :
que le produit de la rémunération soit intégralement affecté au service prestataire ;
que la redevance ne soit due que par les usagers effectifs ;
et que le service bénéficie exclusivement aux redevables du prélèvement exigé.
Les droits et taxes perçus à l’entrée des musées nationaux, les redevances téléphoniques, les péages d’autoroute constituent des rémunérations pour services rendus.
Les cotisations sociales définies par l’INSEE comme « les apports des personnes protégées ou de leurs employeurs à des institutions octroyant des prestations sociales, en vue d’acquérir et de maintenir le droit à ces prestations », constituent une forme particulière de prélèvement obligatoire.
En effet, en dépit de leur caractère obligatoire, les cotisations sociales, versées dans un but déterminé et comportant une contrepartie, ne constituent pas des impôts (v. p. 9).
Elles ne sauraient non plus être assimilées à des redevances, car l’obligation de cotiser est déterminée par la loi indépendamment de l’ouverture d’un quelconque droit à prestations et leur montant n’est pas fixé en proportion des risques encourus par l’assuré, mais en fonction de sa capacité contributive telle qu’elle résulte des dispositions impersonnelles de la loi.
Quant à leur régime juridique, les cotisation sociales relèvent en grande partie de la loi. En effet, l’institution des cotisations, la définition des principes relatifs aux règles d’assiette et de recouvrement, la détermination des assujettis à l’obligation de cotiser relèvent de la compétence du législateur en tant qu’ils se rattachent aux principes fondamentaux de la Sécurité sociale. En revanche, la fixation du taux des cotisations sociales et de leurs modalités d’application relèvent du pouvoir réglementaire. En outre, les cotisations sont affectées exclusivement au financement des régimes de Sécurité sociale et leur perception incombe aux seuls organismes de recouvrement mis en place à cet effet (URSSAF et autres).
Les prélèvements sociaux obligatoires constituent une lourde charge (517 milliards d’euros en 2021) qui grève essentiellement les coûts de main-d’œuvre, alors que les recettes fiscales nettes du budget de l’État pour 2021 ne dépassent pas 272 milliards.
Afin de ne pas pénaliser les entreprises et nos exportations, une partie des charges sociales est financée par l’impôt (fiscalisation de la Sécurité sociale), si bien que les cotisations sociales effectives ne représentent plus qu’environ 60 % des prélèvements obligatoires destinés à la Sécurité sociale contre 97 % en 1978.
Même strictement comprise, la notion d’impôt recouvre en réalité une grande diversité de prélèvements. L’organisation de la connaissance fiscale nécessite donc, en premier lieu, le dénombrement et la classification des différents types d’impôts qui constituent un système fiscal.
On examinera d’abord les classifications traditionnelles, puis les autres classifications.
C’est une distinction ancienne et commode qui a longtemps servi de fondement à l’organisation de notre administration fiscale (régie des contributions directes, régie des contributions indirectes). Pourtant, quel que soit le critère sur lequel on tente de l’établir, elle demeure irrévocablement empirique.
▶ Si l’on retient le critère de l’incidence, la distinction s’établirait entre les impôts qui restent à la charge de ceux qui y sont assujettis (impôt directs) et ceux dont le fardeau peut être reporté par les contribuables sur des tiers qui deviennent ainsi les véritables redevables (impôts indirects). Ce critère de l’incidence fait dépendre la classification de phénomènes économiques de translation et de répercussion de l’impôt qui sont très complexes et largement conjoncturels. De plus, il s’applique très imparfaitement. Ainsi, l’impôt sur les sociétés est généralement classé parmi les impôts directs alors qu’il est, le plus souvent, répercuté dans les prix. Au contraire, l’impôt sur les successions, l’un des impôts les moins répercutables, est regardé comme un impôt indirect.
▶ Le critère du fait générateur et du rôle, qui est lié à la mise en œuvre administrative de l’impôt, paraît plus solide. L’impôt direct est alors celui qui atteint, de façon périodique, des situations ayant un certain caractère de permanence, et pour l’établissement duquel il est possible de dresser une liste des contribuables : le rôle. L’impôt indirect, au contraire, vise des événements (transactions, mutations de propriété) dont le caractère occasionnel et imprévisible rend impossible toute tentative d’enrôlement. Mais fonder la distinction entre l’impôt direct et indirect sur le critère du fait générateur et du rôle, c’est la faire dépendre de contingences purement administratives. Ainsi, une taxe sur le chiffre d’affaires peut aussi bien être perçue lors de chaque transaction que sur le chiffre d’affaires annuel du contribuable. Impôt indirect dans le premier cas, elle se transforme en impôt direct dans le second sans que rien d’autre que sa modalité de perception n’ait changé. Une classification qui permet de tels « tours de passe-passe » n’est pas scientifiquement fondée.
L’opposition entre l’impôt réel et l’impôt personnel est aussi très ancienne.
▶ L’impôt réel est celui qui porte sur un élément économique sans considération de la situation personnelle de son détenteur ; les taxes foncières locales, les droits d’enregistrement sur les immeubles sont, en principe, des impôts réels.
▶ L’impôt personnel atteint l’ensemble de la capacité contributive du redevable en tenant compte de sa situation et de ses charges de famille. L’impôt sur le revenu, les droits de succession sont des impôts personnels.
On notera la tendance du législateur à personnaliser même les impôts qui, par nature, sont des impôts réels. Ainsi, un impôt de consommation comme la TVA est personnalisé par l’adoption d’un tarif échelonné qui va de l’exonération des produits de première nécessité à la surtaxation des produits de luxe. Il y a lieu de s’interroger sur la portée et l’intérêt d’une telle politique.
La distinction entre impôts analytiques et impôts synthétiques consiste à opposer les impôts qui ne frappent qu’un élément d’un patrimoine ou une catégorie de revenu à ceux qui atteignent une valeur ou une situation économique prise dans son ensemble. Ainsi, l’impôt cédulaire sur le revenu est un impôt analytique qui n’atteint qu’une catégorie de revenu, alors que l’impôt général sur le revenu porte sur le revenu global d’un contribuable, toutes sources de revenus confondues. L’impôt analytique est le plus souvent proportionnel, alors que l’impôt synthétique se prête volontiers à la progressivité. En fiscalité, le sens de l’histoire, c’est le passage d’un système fiscal formé d’impôts analytiques à un système fiscal composé d’impôts synthétiques. En effet, l’impôt synthétique est à la fois plus neutre économiquement et d’un meilleur rendement que l’impôt analytique.
Les distinctions qui viennent d’être examinées sont utiles dans l’étude du phénomène fiscal ; elles n’ont cependant pas le caractère de généralité que présente la classification économique de l’impôt, qui prend comme critère la ressource économique atteinte par le prélèvement fiscal.
Cette typologie, actuellement la plus employée, distingue entre l’impôt sur le revenu, l’impôt sur le capital et l’impôt sur la dépense.
▶ Les impôts sur le revenu frappent l’acquisition d’un revenu par le contribuable (impôt sur le revenu des personnes physiques, impôt sur les sociétés).
▶ Les impôts sur la dépense grèvent les dépenses de consommation ou d’investissement (droits indirects de consommation, taxe sur la valeur ajoutée, etc.) ;
▶ Enfin, les impôts sur le capital portent sur le patrimoine mobilier et immobilier, soit lors de ses mutations (droits de mutation à titre onéreux, droits de succession et de donation), soit du simple fait de sa détention (impôt annuel et général sur la fortune).
Cette distinction est claire, bien qu’il existe à la limite quelques difficultés pour distinguer le revenu du capital lorsqu’on adopte une notion large de revenu, ou même le revenu de la dépense dans le cas où cette dernière est soumise à un impôt général et progressif. Il est certain, cependant, que cette classification est la plus sûre de toutes celles examinées jusqu’ici car elle repose sur l’élément essentiel du fait fiscal : sa nature économique.
Les différents impôts peuvent être aussi regroupés en fonction de leur objet (fiscalité immobilière, fiscalité de l’épargne, fiscalité des assurances) ou en considération du sujet de l’obligation fiscale (impôts sur les entreprises et impôts sur les ménages). Toutefois, ces regroupements, commodes tant pour l’administration que pour l’étude des divers prélèvements, ne constituent pas de véritables classifications dans la mesure où ce sont souvent les mêmes impôts qui sont appliqués, dans des conditions différentes, aux différents objets et sujets.
En outre, les modalités de liquidation de l’impôt peuvent servir de fondement à d’autres classifications (v. p. 20).
En définitive, il semble illusoire de vouloir élaborer une classification utilisable dans tous les domaines de la connaissance fiscale. Dans la panoplie des typologies existantes, l’utilisateur devra chercher celle qui est la plus adaptée aux fins qu’il se propose d’atteindre.
Tout prélèvement fiscal donne lieu à trois opérations principales : l’assiette, la liquidation et le recouvrement.
C’est l’ensemble des opérations administratives qui ont pour but de rechercher et d’évaluer la matière imposable. Ainsi, asseoir l’impôt aboutit à déterminer la base d’imposition. Il arrive donc que le terme d’assiette soit utilisé comme un synonyme de base imposable.
La recherche de la matière imposable s’effectue par le procédé du recensement ou par celui de la déclaration d’existence.
▶ Le recensement conduit les agents de l’administration à se déplacer pour rechercher la matière imposable. Ce procédé n’est utilisé que pour les anciens impôts (impôts directs locaux ou certaines contributions indirectes), qui sont établis le plus souvent sur des signes extérieurs.
▶ La déclaration d’existence est plus couramment employée actuellement. Il appartient alors au contribuable de déclarer l’existence de son activité ou de son entreprise à l’administration. Les redevables des taxes sur le chiffre d’affaires et ceux assujettis à l’impôt sur les sociétés sont soumis à cette obligation qui concerne aussi les redevables des droits de consommation ou de circulation et des droits de douane.
En matière d’impôt sur le revenu, la déclaration annuelle est à la fois une déclaration d’existence (renseignements relatifs au contribuable et à sa famille) et l’évaluation des bases d’imposition du contribuable.
Trois méthodes peuvent être utilisées pour déterminer les bases d’imposition des contribuables : l’évaluation indiciaire, l’évaluation forfaitaire et l’évaluation réelle, dite « déclaration contrôlée ».
Elle consiste à évaluer les bases d’imposition d’un redevable à partir de signes extérieurs, ou indices, facilement dénombrables et difficiles à dissimuler.
Ces impôts indiciaires, dont l’application dépend de la constatation des signes extérieurs, ne sont plus guère employés dans les systèmes fiscaux modernes. L’impôt sur les portes et fenêtres, qui constituait le type même de ces impositions, a été supprimé en 1926. Cependant, les indices étant par définition difficiles à dissimuler, la détermination des bases d’imposition par la méthode indiciaire est parfois utilisée à titre de moyen subsidiaire ou de contrôle (imposition d’après les signes extérieurs de richesse).
Forfait signifie étymologiquement « à prix fait ».
Le forfait fiscal n’est jamais un contrat, pas toujours un accord, mais on retrouve dans l’évaluation forfaitaire en matière fiscale l’élément d’approximation, d’aléa, qui caractérise tout forfait.
Le forfait fiscal est un moyen relativement simple pour évaluer les bases d’imposition d’un contribuable. Bien qu’il tende à disparaître dans les systèmes fiscaux modernes au profit de l’évaluation réelle, il joue encore en France un rôle non négligeable.
L’évaluation forfaitaire peut être collective et objective, l’administration répartissant entre chaque redevable les bases d’imposition (v. forfait collectif agricole, avant 2016). Elle peut être individuelle et subjective, chaque contribuable débattant avec le fisc le montant de son revenu imposable (v. l’ancien forfait individuel en matière de bénéfices industriels et commerciaux).
La loi de finances pour 1999 a supprimé le forfait individuel BIC et l’évaluation administrative des bénéfices non commerciaux qui donnaient lieu à des procédures complexes, pour les remplacer par le régime des micro-entreprises, qui consiste à évaluer le bénéfice imposable en appliquant simplement sur le chiffre d’affaires ou de recettes annuel du contribuable un abattement, fixé par la loi, afin de tenir compte de ses frais.
Cette méthode d’évaluation quasi indiciaire, désormais étendue aux bénéfices agricoles, facilite l’évaluation des bénéfices des petites entreprises individuelles et permet à l’administration de consacrer davantage d’effectifs aux tâches de contrôle.
Cette méthode est la plus couramment répandue dans les systèmes fiscaux des pays développés.
Dans ce cas, le contribuable doit établir une déclaration dans laquelle il procède, conformément aux prescriptions de la loi fiscale, à la détermination de sa base d’imposition, sous le contrôle de l’administration. Ce procédé, dit de la déclaration contrôlée, est utilisé en matière d’impôt sur le revenu, de taxes sur le chiffre d’affaires, de droits d’enregistrement et de douane.
La déclaration contrôlée revêt l’allure d’une « confession fiscale » dont elle possède les avantages et les inconvénients.
L’avantage fiscal est que le contribuable est mieux placé que quiconque pour connaître le montant exact de la matière imposable (revenu, chiffre d’affaires ou capital) qui le concerne.
En revanche, cette déclaration impose au contribuable un travail complexe qui constitue une charge sur le plan économique et une source de tension sur le plan psychologique. De plus, les confessions ne sont pas toujours sincères. De ce fait, l’efficacité de la méthode déclarative dépend surtout de l’efficacité des contrôles. Cela introduit les inégalités dans la connaissance de la matière imposable entre les catégories de contribuables pour lesquels les contrôles sont relativement aisés (salariés, professions réglementées ou conventionnées, propriétaires immobiliers, détenteurs de capitaux mobiliers) et celles pour lesquelles les « recoupements » sont plus difficiles.
La liquidation a pour objet de déterminer le montant de la dette fiscale, par application, à la base d’imposition, du tarif de l’impôt.
La portée juridique de l’opération de liquidation de l’impôt a été controversée. Celle-ci ne crée pas la créance qui préexiste à cette mesure technique, mais elle rend la dette fiscale liquide, c’est-à-dire payable et exigible dans un certain délai. Cette notion d’exigibilité de l’impôt joue un rôle important, notamment en matière de taxes sur le chiffre d’affaires.
En principe, la liquidation de l’impôt incombe à l’administration. C’est notamment le cas lorsque l’impôt est perçu par voie de rôle (impôt sur le revenu, taxes locales). Cependant, en matière d’impôt sur les sociétés et de taxes sur le chiffre d’affaires, la liquidation incombe au contribuable, l’administration se bornant à contrôler les calculs effectués par le redevable. Enfin, dans les cas où l’impôt est perçu par voie de prélèvement à la source (ce qui est le cas pour l’impôt sur le revenu dans la plupart des pays développés, sauf la France), la liquidation est opérée par le tiers qui verse le revenu imposable.
Appliqué à la base d’imposition, le tarif de l’impôt permet de calculer le montant de l’impôt dû.
Le tarif est une notion complexe qui inclut les abattements pratiqués sur la base d’imposition, le ou les taux applicables et les majorations ou minorations d’impôt. L’impôt sur les successions offre un excellent exemple de la complexité de la notion de tarif (v. p. 95).
L’élément essentiel du tarif est cependant le taux de l’impôt, sauf pour l’impôt de répartition.
▶ Dans le système de l’impôt de répartition, où le montant global de l’impôt (contingent) est connu à l’avance, puis réparti ensuite entre les contribuables, le taux de l’impôt est secondaire puisqu’il résulte du rapport entre la masse d’impôt à répartir et la valeur totale des bases d’imposition.
▶ Dans le système de l’impôt de quotité, au contraire, le taux de l’impôt est primordial puisqu’il est fixé à l’avance, tandis que le produit de l’impôt est seulement évalué de façon plus ou moins approximative.
Dans les systèmes fiscaux modernes, le procédé de la répartition a pratiquement disparu. En effet, il est mal adapté aux impôts synthétiques dont la base d’imposition, définie de manière comptable (revenu, chiffre d’affaires), est très fluctuante. De plus, il requiert, en principe, la proportionnalité de l’impôt par rapport à la base, alors que le système de la quotité permet d’aménager sans difficulté une progressivité du taux.
Donc, actuellement, tous les impôts sont des impôts de quotité et le taux de l’impôt, défini par le législateur, est un élément essentiel de l’imposition.
Il existe deux types de taux d’imposition : les taux spécifiques et les taux ad valorem. Parmi les taux ad valorem – les plus couramment répandus – on distingue le taux proportionnel et le taux progressif. Ces distinctions servent parfois de base à des classifications fiscales.
▶ Le taux est dit spécifique quand il est fixé en unités monétaires par unité de quantité ou de volume de la base d’imposition. Le taux spécifique ne se rencontre plus guère actuellement que dans les anciens droits indirects de consommation ou accises sur les alcools, les tabacs, l’essence. Ainsi, le droit général de consommation sur l’alcool est perçu en 2021 au taux spécifique de 1 802 € par hectolitre d’alcool pur. Le taux spécifique est d’application simple, mais il nécessite une constante adaptation en fonction des variations de valeur qui peuvent affecter les produits.
▶ C’est pourquoi il est généralement abandonné, dans les économies modernes, au profit des taux ad valorem, qui sont fonction de la valeur des bases d’imposition. Le taux ad valorem, contrairement au taux spécifique, est indifférent à la nature de la matière imposable. C’est un facteur d’unification du système fiscal, mais pas toujours de simplification, car certains taux ad valorem, comme les taux progressifs, peuvent être d’application très complexe.
▶ Le taux est proportionnel lorsqu’il constitue un pourcentage fixe de la base d’imposition. Tel est le cas, par exemple, du prélèvement forfaitaire unique de 12,8 % (flat tax) qui s’applique sur tous les revenus mobiliers que leur montant soit de 1 000 € ou de 100 000 €.
▶ Le taux est dit progressif lorsqu’il croît plus vite que la base d’imposition. Ainsi, par exemple, le taux sera de 5 % pour une base d’imposition de 500, de 15 % pour une base d’imposition de 1 000, etc.
La progressivité est généralement aménagée par tranches, c’est-à-dire que chaque élément du taux croissant n’atteint que la tranche qu’il concerne. Pour obtenir le montant de l’impôt, il faut totaliser les différents produits obtenus en multipliant chaque tranche par l’élément de taux correspondant.
Soit, par exemple, un revenu de 80 000 € soumis au barème suivant :
Tranches de revenu imposable | Taux | Impôt |
---|---|---|
0 à 20 000 | 5 % | 1 000 |
20 000 à 40 000 | 10 % | 2 000 |
40 000 à 80 000 | 20 % | 8 000 |
11 000 |
Pour 80 000 € de base imposable, le contribuable paye un impôt de 11 000 €. Le taux moyen d’imposition, donné par le rapport entre l’impôt total et le montant total des bases d’imposition, est de :
(11 000/80 000) × 100 = 13,75 %
tandis que le taux marginal d’imposition est celui applicable à la dernière tranche de revenu imposable, soit en l’occurrence 20 %. Il importe de bien distinguer ces deux taux car le contribuable a tendance à réagir en fonction du taux marginal, qui est souvent sans commune mesure avec le taux moyen, toujours inférieur et souvent bien moindre.
La justification sociale du recours à la progressivité de l’impôt a été l’objet de vives controverses. Actuellement, même si elle n’est pas remise en cause, la progressivité est considérée par une grande partie de l’opinion comme inhibitrice, voire spoliatrice (v. p. 155).
D’une manière générale, la tendance est à la décrue des taux d’imposition. Mais ce mouvement ne doit pas faire illusion. Le taux de l’impôt n’indique pas toujours le poids de l’impôt. D’abord, il faut distinguer le taux légal et le taux réel : le taux réel d’imposition sera plus élevé que le taux légal si ce dernier porte sur des prix taxes incluses. De plus, la complexité des tarifs d’impôts peut permettre de compenser une baisse du taux par une manipulation des autre éléments du tarifs (abattements, réductions d’impôt). Enfin, une réduction effective du taux peut masquer une extension de l’assiette de l’impôt, si bien que le gain du contribuable sera réduit à néant.
En fait, comme l’avait souligné Louis Trotabas, les taux semblent obéir à une loi sociologique. Faible lorsque l’impôt est créé, le taux augmente avec la maturité de l’impôt, pour diminuer avec sa vieillesse. Si cette loi est vraie et si la tendance à la baisse des taux constatée depuis quelques années se poursuit, peut-être est-ce le signe d’une crise de la société fiscalisée.
Le recouvrement est l’ensemble des procédures par lesquelles l’impôt passe du patrimoine du contribuable dans les caisses du Trésor public.
Le recouvrement de l’impôt a été tantôt affermé, tantôt confié à des délégués des contribuables, avant d’être, de nos jours, confié aux administrations financières de l’État.
▶ Affermer l’impôt consiste à concéder le recouvrement de l’impôt à un « fermier » (particulier ou société) qui s’engage à verser à l’État une certaine somme. Même si les fermiers sont parvenus, sous l’Ancien Régime, à mettre sur pied une administration efficace, ils s’enrichirent de façon éhontée, aux dépens tant des contribuables que du Trésor.
▶ Le procédé de la collecte par des délégués, qui fut aussi pratiqué sous l’Ancien Régime, ne se révéla pas plus heureux. En effet, les collecteurs manquaient souvent d’impartialité et surtout d’autorité, si bien que le rendement fiscal était médiocre.
▶ C’est pourquoi, sous la Révolution, les tâches de perception de l’impôt furent confiées aux « régies financières » de l’État, qui ont, jusqu’en 1948, constitué l’ossature de l’administration fiscale française.
Si le recouvrement direct (en régie) par l’administration d’État est toujours actuellement la règle, il n’est pas interdit aux pouvoirs publics de faire percevoir des impôts par des organismes privés placés sous leur contrôle : c’est le cas pour la contribution sociale généralisée (CSG) qui est perçue par l’URSSAF. Ainsi semble s’établir un nouveau mode de recouvrement de l’impôt : la concession du recouvrement.
Le paiement de l’impôt peut être le fait soit du contribuable lui-même, soit d’un tiers.
▶ Lorsque le paiement de l’impôt est le fait du contribuable lui-même, il peut être soit ordonné, soit spontané. Dans le premier cas, le contribuable reçoit un avis d’imposition qui lui indique le montant de l’impôt dû et les délais de paiement. Il en est ainsi toutes les fois où l’impôt est perçu par voie de rôle (impôt sur le revenu, taxes directes locales) ou encore lorsque le contribuable a négligé d’effectuer un paiement spontané auquel il était astreint (impôt sur les sociétés, taxes sur le chiffre d’affaires).
▶ Le paiement de l’impôt peut aussi être effectué par un tiers. Dans ce système, le prélèvement de l’impôt est effectué directement par la « partie versante » (employeur ou banquier) sur le montant des salaires ou des revenus mobiliers payés. Les sommes ainsi retenues sont ensuite versées au fisc.
La technique du prélèvement à la source simplifie la tâche de l’administration fiscale, elle améliore la trésorerie publique en accélérant les rentrées, et elle anesthésie le contribuable, qui s’habitue à raisonner en termes de salaires et revenus nets d’impôts. Cependant, la retenue à la source renforce les sujétions imposées par l’État aux entreprises, et peut conduire à une surimposition des salariés dans les pays où ils sont mal organisés pour protéger leurs intérêts.
En France, après trente ans de débats (v. Rapports du Conseil des impôts, 1990 et 2000), la loi de finances pour 2017 a institué le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu dont l’entrée en vigueur a été reportée au 1er janvier 2019. Ce prélèvement prend la forme soit d’une retenue à la source calculée et collectée par un tiers-payeur pour les traitements, salaires et pensions, soit d’un acompte, prélevé mensuellement par l’administration fiscale sur le compte bancaire du contribuable pour les revenus des travailleurs indépendants (BIC, BNC, BA) et les revenus fonciers.
Retenue à la source ou acompte, le prélèvement à la source est déterminé sur la base d’un taux propre à chaque foyer fiscal tenant compte de la progressivité de l’impôt et des règles de quotient familial. La déclaration des revenus perçus l’année précédente est maintenue. Elle permettra la déduction des réductions et crédits d’impôt ainsi que la régularisation des prélèvements effectués.
En 2019, les contribuables ont dû acquitter à la fois l’impôt sur les revenus de 2018 et de 2019. Afin d’éviter un double prélèvement, un crédit d’impôt exceptionnel dit « de modernisation du recouvrement » (CIMR) a été appliqué en 2019 afin d’effacer l’impôt sur les revenus de 2018.
Dans la même collection :
Droit, Politique
7 Les institutions de la Ve République (Ph. Ardant, S.-L. Formery)
11 L’héritage institutionnel français – 1789-1958 (F. de La Saussay)
17 La Constitution commentée, article par article (S.-L. Formery)
19 Les collectivités territoriales en France (E. Vital-Durand)
34 Philosophie politique / 1. Individu et société (M. Terestchenko)
35 Philosophie politique / 2. Éthique, science et droit (M. Terestchenko)
46 Droit administratif (J.-C. Ricci, F. Lombard)
47 Mémento de la jurisprudence administrative (J.-C. Ricci)
48 Les grands textes constitutionnels de la France (S.-L. Formery)
57 Introduction au droit de l’Union européenne (J. Dutheil de la Rochère)
75 Mémento des institutions politiques françaises (E. Vital-Durand)
86 Droits fondamentaux et libertés publiques (J.-M. Pontier)
110 Histoire des grands courants de la pensée politique (J.-J. Raynal)
121 Droit des sociétés (F. Lenglart, P. Tcherkessoff)
129 Droit du travail (M. Le Bihan-Guénolé)
131 Mémento de la jurisprudence du droit international public (B. Tchikaya)
132 Droit pénal général (P. Canin)
137 Droit des entreprises en difficulté (J. Bonnard)
143 Droit matériel de l’Union européenne (J. Dutheil de la Rochère)
144 Droit commercial (P. Canin)
147 Droit public économique (J.-P. Valette)
149 Les grandes décisions de la jurisprudence communautaire (P. Rambaud)
152 Histoire du droit et des institutions (D. Berthiau)
161 Quel droit pour l’environnement ? (S. Maljean-Dubois)
164 Droit constitutionnel (Ph. Blachèr)
181 Finances publiques, Droit budgétaire et Comptabilité publique (D. Catteau)
Couverture : Stéphanie Benoit
Mise en page : IDT
Édition : Stéphanie Jouzier
Nota : les numéros renvoient aux pages.
Évaluation administrative 18
Forfait 18
Systèmes fiscaux 18
Taux proportionnel et progressif 21