DU MÊME AUTEUR

Histoire de la poupée, roman, Écriture, 2000 (prix Bernard-Palissy, 2001).

 

Art brut, roman, Écriture, 2001.

 

Rigor Mortis, avec six portraits photographiques de Xavier Lambourg, Écriture, 2002.

 

Céline : «  Je ne suis pas assez méchant pour me donner en exemple… », Écriture, 2003 ; Céline à rebours, Archipoche, 2011.

 

Le Manteau de la Vierge, roman, Fayard, 2006 (Prix Méditerranée, 2007).

 

Amis de la poésie, roman comique, Fayard, 2008.

 

Émile l’Africain, roman, Fayard, 2008.

 

Massacre pour une bagatelle, L’Éditeur, 2010.

Illustration de David Brami,
d’après document
Luc Fournol.

 

 

 

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Montréal, Québec, H3N 1W3.

eISBN 978-2-3590-5163-6

 

Copyright © Écriture, 2004.

À André Derval et maître François Gibault qui, m’ayant demandé de faire une communication sur le thème Céline, Hergé et les injures du capitaine Haddock pour le congrès 2004 de la Société des études céliniennes, sont pour partie à l’origine de ce livre.

 

À Pierre Assouline, auteur d’un magistral Hergé que j’ai allégrement pillé. Rendons à César…

 

À l’ami Éric Mazet, «  la providence des céliniens  ».

 

À Jérôme Dupuis et Bernard Moulet, spécimens de ce rare hybride, le tintinocélinomane, sorte d’ornithorynque qu’il conviendrait de protéger.

«  Je ne prétends rien, capitaine. J’essaie seulement d’y voir plus clair. »

Tintin, dans L’Affaire Tournesol

Un professeur au Collège de France a soutenu que dans tout discours la thèse frôlait souvent la foutaise.

Pascal Ory, L’Anarchisme de droite

Entre 2001 et le milieu de l’année 2003, j’écrivais Je ne suis pas assez méchant pour me donner en exemple, un essai biographique consacré à Louis-Ferdinand Céline.

Pour ce faire, j’avais lu dans un premier temps tout l’œuvre de cet écrivain, pamphlets antisémites compris. Puis, il me fallut reprendre certains textes, parfois à plusieurs reprises. Un jour que, l’esprit ailleurs, je feuilletais en rêvassant Bagatelles pour un massacre pour la troisième ou quatrième fois1, je tombai sur ce passage qui, jusque-là, ne m’avait pas semblé remarquable car il ne déparait guère l’ensemble :

 

«  Tout bon prolétaire anglais se trouve joliment heureux, “in petto”, solidaire à fond des Lords sur ce point, que 300 millions d’Hindous en loques et d’autres exploités frimards, lui font bien plaisir, demi-animaux, demi-humains, épars au fond de l’univers, fellahcieux, Incas à plumes, coolies, benibouffes, anthropogans, cafres rouges, orthocudes, Karcolombèmes, tout à fait d’avis que tous ces misérables la sautent, là-bas, la fument, la tortillent, la faminent, se cassent le cul tous pour lui2… »

 

Un fragment de la phrase, peut-être à cause de ma distraction, parce que j’avais parcouru le livre avec moins d’attention que d’habitude, dans un état d’esprit propice aux associations d’idées, à ces télescopages dont la psychanalyse fait grand cas, me parut étonnant. Je ne prétends pas être Claudel, je ne me recueillais pas derrière un pilier de Notre-Dame, mais j’eus, moi aussi, ma révélation : il me sauta aux yeux qu’il suffisait de passer de la virgule au point d’exclamation, de l’énumération au chapelet, pour que : Incas à plumes ! Coolies ! Benibouffes ! Anthropogans ! Cafres rouges ! Orthocudes ! Karcolombèmes  ! semblent sortir de la bouche d’un capitaine Haddock en pétard ou légèrement imbibé de Loch Lomond, les deux motifs habituels d’explosion de l’instable châtelain de Moulinsart.

Tout d’abord, je ne trouvai rien là de plus qu’une amusante coïncidence.

Je ne suis pas ce que l’on appelle un «  tintinophile  ». Si, comme la plupart de ceux de ma génération (je suis né en 1950), j’ai grandi avec les Aventures de Tintin, je suis bien loin de tout connaître sur lui et je ne savais rien ou presque de la vie d’Hergé. Certes, je n’ignorais pas que d’innombrables études avaient paru sur la genèse de l’œuvre et ses arrière-plans historiques, artistiques ou autobiographiques, mais je n’en avais jamais lu une seule. Je ne m’étais pas non plus posé la question de savoir si le chaste reporter du Petit Vingtième était un homosexuel – refoulé ou non –, si à travers Milou s’exprimait la voix du père sévère, ni quels pouvaient bien être les éventuels rapports érotiques et triangulaires de Bianca Castafiore, Tryphon Tournesol et Archibald Haddock.

Mon travail sur Céline terminé, disposant d’un peu de temps, j’ai remis le nez dans Bagatelles, et je suis tombé sur d’autres phrases qui eussent tout aussi bien pu être attribuées à ce marin au nom de poisson et au vocabulaire poissard :

 

«  Mataf ! Sorcier ! Albanais ! joueur de boules ! marchands de cythares, pompier nanterrois3 […] » mais aussi :

 

«  Vampires des cavernes ! Cromagnons salaces ! Valets de cirque ! Pourchasseurs de martyrs4 ! »

 

ou encore :

«  Djibouks, agents doubles, magiciens, bourriques, illusionnistes, charlatans5. »

 

Je me suis alors interrogé sur les liens susceptibles d’avoir rapproché le fulminant Louis-Ferdinand Céline, le bouillant capitaine et Georges Remi, dit Hergé, qui affirmait à Numa Sadoul :

 

1. Bagatelles pour un massacre, daté de 1937, est le premier pamphlet antisémite de Louis-Ferdinand Céline. Suivront L’École des cadavres (1938) et Les Beaux Draps (1941). En 1936, Céline avait déjà publié un court brûlot anticommuniste : Mea culpa.

2. L.-F. Céline, Bagatelles pour un massacre, Denoël, 1937, p. 158.

3. Ibid., p. 128.

4. Ibid., p. 132.

5. Ibid., p. 302. On pourrait relever d’autres phrases de ce genre (j’en cite une p. 40), mais comme elles contiennent des termes orduriers, antisémites ou scatologiques, il est difficile de les imaginer prononcées par Haddock, dans une bande dessinée conçue d’abord pour un public d’enfants.