— Introduction —
La France est le résultat de choix effectués par ses habitants et leurs dirigeants au cours des siècles, choix relativement bien inspirés si l'on compare avec l'instabilité et le dénuement actuels de tant de pays et d'habitants de la planète. Elle est née d'une volonté de vivre ensemble sur un territoire, entre centralisation et respect des différences régionales. La France est devenue l'un des pays les moins densément peuplés d'Europe, mais dominé — d'aucuns disent écrasé — par l'une des plus grandes métropoles mondiales qui n'a cessé de favoriser le rayonnement de sa culture et de son économie.
Rayonnement, car les Français sont extravertis, parfois impérialistes, persuadés d'avoir un message à transmettre et certains de l'intérêt du commerce des hommes et des idées, autant que de celui des marchandises. L'économie, souvent présentée en clair-obscur, du fait des 2,1 millions de chômeurs qui l'affligent pour l'heure, se situe au 5e rang mondial par le volume du PIB (au 17e, si l'on considère le PIB par habitant) et des exportations, alors que le pays ne vient qu'en 21e position par son poids démographique. Elle repose sur un accord, d'harmonie variable, entre l'État et le secteur privé. Ce partage se retrouve au plan de l'organisation de l'espace. L'initiative locale est au fond plus importante que ne le laisse croire la puissance d'un État de tradition centralisée.
Le présent ouvrage présente quelques traits généraux de la géographie de la France sans entrer dans la structure de l'organisation régionale. Celle-ci s'organise de plus en plus autour des régions définies par la loi de 1973. Pour artificielles qu'elles soient, puisque constituées à l'origine d'agrégats de départements (sauf les régions monodépartementales des DOM), elles acquièrent au fil des années une personnalité de plus en plus forte, sans pour autant atteindre celle des Länder allemands ou des provinces espagnoles. Cependant, la majorité des Français résiste à l'Europe des régions que prônent certains pays récents ou de petite taille ou certains ressortissants de régions périphériques éprouvant de vigoureux sentiments autonomistes. Elle n'est pas prête à abandonner l'idée nationale à laquelle l'attachent les liens de l'histoire et du cœur et qui contribue puissamment à son rayonnement culturel, politique et économique. Cela ne l'empêche pas de débattre depuis longtemps sur la meilleure architecture administrative possible et du bien-fondé des nombreuses structures administratives emboîtées.
Dans cette géographie partielle et sans doute partiale de la France, le conjoncturel et l'actualité immédiate ont été mêlés à dessein au structurel et à l'histoire, car ils n'ont d'intérêt que l'un par rapport à l'autre. Qu'il s'agisse de la France ou de tout autre pays, les traits d'apparence permanente doivent être considérés avec circonspection. Certains ne sont, en effet, que des constructions intellectuelles destinées à donner des titres de noblesse à un peuple et à son territoire en imaginant leur origine dans un passé lointain. Certains caractères ont pu être imprimés de longue date à la France, mais ils ne sont pas éternels, car tout espace est une page à réécrire chaque jour, une liberté fondamentale des hommes, une invitation au déploiement de la créativité et de l'imaginaire. Si le Massif central ou le Rhône n'ont pas bougé au cours de l'histoire, leur rôle a beaucoup varié, tantôt angle mort et frontière, tantôt charnière et espace de contact ou de convoitise. Paris polarise le pays depuis des siècles, mais la liberté des Français a permis et permet encore d'en tirer le meilleur comme le pire des partis.
L'interprétation de la géographie de la France qui est ici proposée retrace d'abord l'émergence et les fortunes diverses de la nation française, inscrite sur un territoire européen et d'outre-mer qui n'a jamais cessé de changer de configuration, atteignant sa plus grande extension dans la première moitié du XXe siècle. La « métropole », cœur européen et hexagonal de la construction, est constituée de milieux qui résument le continent et dont les vocations et les utilités ont constamment varié au cours de l'histoire, composant des alliances et des complémentarités ou s'opposant. Le subjectif le dispute à l'objectif dans l'une ou l'autre des analyses, géoculturelle et géopolitique ou géo-environnementale. On a ensuite cherché à dégager les traits originaux de l'organisation interne du territoire en matière de pouvoir politique, d'aménagement, de communications, d'urbanisation, de production économique. Il est ensuite apparu nécessaire de proposer quelques éléments de réflexion sur l'espace vécu ou, autrement dit, la manière qu'ont les Français d'organiser le cadre de leur vie quotidienne. Enfin, l'analyse du rôle mondial de la France ne doit pas être regardée comme une clause de style habituelle, fondant le sujet dans une vaste perspective, mais comme une nécessité au regard du caractère communicatif d'un peuple plus attaché qu'il ne le dit à exporter sa manière de concevoir le monde et la société.