I
LE PARENT FACE À SON ENFANT
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Nos enfants sont… nos enfants. Face à eux, nous aimerions nous comporter en adultes que nous sommes, en parents, leur assurer protection, tendresse, et soutien en toutes circonstances, savoir les guider dans ce monde pour qu'ils deviennent des adultes à leur tour, autant que possible des hommes et des femmes heureux et bien dans leur peau. Nous nous sentons responsables de leur éducation et désirons la mener au mieux… Mais il nous arrive de ne pas remplir cette mission. Certains parents « disjonctent » ponctuellement. D'autres crient sans cesse. Certains s'en sortent plutôt bien avec leur nourrisson, mais ont plus de mal dès que le bambin commence à s'opposer. Pour d'autres, c'est le contraire, ils sont démunis face à cette immense dépendance du nouveau-né, mais très à l'aise dès que leur petit s'exprime. Certains ont plus de facilité avec les filles, d'autres avec les garçons, certains avec les plus jeunes, d'autres avec les ados. Certains réservent les traitements les plus durs à un seul des enfants, le reste de la fratrie étant épargné. Certains parents sont en colère en permanence, d'autres sans cesse inquiets. Il nous arrive de réagir excessivement ou de nous sentir tout à fait démunis, de donner des punitions inutiles, de prendre la mouche « pour un rien » ou au contraire de nous paralyser face à nos enfants…
Qu'est-ce qui nous empêche parfois de nous comporter comme nous l'aimerions face à nos enfants ?
1.
La tendance à la dramatisation
Au cours d'un dîner, un convive renverse son verre de vin… Vite, nous nous précipitons pour éponger et le rassurer : « Ce n'est pas grave. » Que se passe-t-il s'il s'agit de notre enfant ? Soyons honnêtes, nous avons plutôt tendance à le lui reprocher : « Tu ne peux pas faire attention ? », « Et voilà ! Il ne manquait plus que ça. », « Tu crois que je n'ai que ça à faire, nettoyer ? ». Au sein de la famille, un verre renversé prend vite des allures de cataclysme !
En fait, dès lors qu'il s'agit de nos enfants, il semblerait que tout prenne une autre dimension. Nous avons tendance à minimiser ou excuser le comportement des enfants des autres et à majorer celui des nôtres. Le petit garçon de neuf ans d'une amie oublie de fermer la bonde de la baignoire avant d'ouvrir l'eau… : une demi-heure plus tard, le bain n'est évidemment toujours pas prêt puisque l'eau s'est écoulée au fur et à mesure… Vous l'excusez et freinez l'ardeur de son père à le punir. Vous le défendez même : « C'est pas grave, ça arrive, il n'a pas fait attention… » Le vôtre au même âge fait la même « bêtise »… vous êtes exaspéré par son manque d'attention. Il faut l'avouer, nous sommes prompts à pardonner aux autres ce que nous n'acceptons pas de nos propres enfants. Avec les autres, nos réactions ont tendance à être plus mesurées, plus sages et donc plus efficaces.
Que ce soit par rapport à leurs « bêtises », à leurs résultats scolaires, à leurs comportements, la plupart des parents ont tendance à perdre le sens des proportions. Une mauvaise note et c'est le spectre du redoublement voire du chômage… Il n'a pas mis le couvert, il laisse traîner ses chaussures dans l'entrée, il a oublié sa veste au collège ou son livre de maths et il ne peut pas faire ses devoirs, il refuse de manger ses petits pois ou son poisson, il dépasse le temps imparti sur l'ordinateur… et ce sont les hurlements : « Qu'est-ce qui m'a donné un enfant pareil ! »
Le parent se justifie : « Ce n'est pas la première fois, je lui ai déjà demandé gentiment, c'est toujours pareil. » On entend que ce dernier problème n'est que « la goutte d'eau qui fait déborder le vase ». Est-ce bien vrai ? N'y a-t-il pas autre chose qui fait monter en nous cette exaspération quand nos enfants ne se comportent pas comme nous l'attendons ? On dirait que le parent est sommé de réagir avec force. Les « fautes » et les « bêtises » de nos enfants nous plongent dans une tension extrême nous menant nous-même à proférer des bêtises : « Hugo, viens ici tout de suite. Si tu ne te montres pas à trois, tu vas recevoir la fessée de ta vie ! » En condensé, tant de choses dans cette phrase qui n'est inconnue à personne. Qu'a donc fait Hugo de si grave pour mériter la « fessée de sa vie » ? Qu'a-t-il fait déjà pour pousser sa maman à le menacer d'un châtiment corporel ? Je regarde la victime, Émeline. Ni ecchymose, ni sang, elle court vers ses copines… Bousculée par son frère, elle est tombée et a couru se plaindre à sa mère. Voici donc la grande faute d'Hugo. La bousculade, certes, mérite sanction mais surtout élucidation : qu'est-ce qui motive cette agressivité du frère envers la sœur ?