Couverture

 

 

page 1

 

 

page 5

 

 

Fiche d’identité de l’auteur

Daniel Defoe

Nom : Daniel Foe. Prend le nom de Defoe en 1703.

Naissance : en 1660, près de Londres, en Angleterre.

Famille : sa mère est fille de commerçants. Son père est entrepreneur ; de conviction presbytérienne (mouvement d’une minorité protestante contre l’Église anglicane officielle), il entraîne Daniel à la lecture et aux commentaires de la Bible.

Jeunesse : études à l’Académie de Newington Green, université favorable aux presbytériens. Destiné à devenir pasteur, préfère se lancer dans les affaires. Son credo : « La grande affaire de la vie, c’est de gagner de l’argent. »

Formation et métiers : bonnetier, marchand de vin et de tabac, patron d’une tuilerie. À partir de 1698, polémiste et pamphlétaire, journaliste et agent secret : son parcours connaît des hauts et des bas. Grand amateur de récits de voyages lointains et d’ouvrages de marine.

Les œuvres : en 1719, il publie Robinson Crusoé qui est un succès phénoménal. Cinq mois après, il publie une suite bien accueillie : Les Nouvelles Aventures de Robinson Crusoé. Âgé de 72 ans, il lance sans succès Les Réflexions sérieuses de Robinson Crusoé, ensemble de considérations morales et religieuses attribuées au héros.

L’inventeur du roman d’aventure : le pionnier du roman anglais publie des centaines de livres dont peu ont résisté à l’oubli : ouvrages politiques, histoires d’aventuriers et d’aventurières, histoires criminelles, avec une tendance moralisatrice. Les Mémoires d’un cavalier (1720), les célèbres Moll Flanders et Journal de l’année de la peste (1722), Colonel Jack (1722), Lady Roxane ou l’Heureuse Catin (1724). Defoe est considéré comme l’inventeur du roman d’aventures maritimes et exotiques, et plus largement comme le premier romancier moderne de la littérature anglaise.

Mort : le 26 avril 1731 près de Londres, à la suite d’une « léthargie » et d’une longue dépression due, semble-t-il, à un procès pour dettes.

 

 

Pour ou contre

Daniel Defoe ?

Pour

Odile NOMBARDE :

« Defoe, considéré par certains comme le premier véritable romancier moderne, a exercé une influence considérable sur le développement du roman anglais, accordé aux désirs de la classe montante, la bourgeoisie commerçante. »

Commentaires à Robinson Crusoé, Presse-Pocket, 1988.

Odile NOMBARDE :

« Defoe introduit dans le récit le souci de la vraisemblance de la description qui doit convaincre le lecteur de l’authenticité de son œuvre. »

Commentaires à Robinson Crusoé, Presse-Pocket, 1988.

Contre

Michel TOURNIER :

« Or qu’était Vendredi pour Daniel Defoe ? Rien, une bête, un être en tout cas qui attend de recevoir son humanité de Robinson, l’homme occidental, seul détenteur de tout savoir, de toute sagesse (…) L’idée que Robinson eût de son côté quelque chose à apprendre de Vendredi ne pouvait effleurer personne […] »

Le Vent Paraclet, Gallimard, 1977.

Jacques MEUNIER :

« À bien y regarder, cette histoire de naufragé valeureux, inspirée d’un maigre fait divers, ancre l’Angleterre dans sa nouvelle dimension : celle de l’expansion coloniale et du self made man[1]. »

Les Îles colonisées, « L’archipel des Robinsons » in Îles, Gallimard, 1987.


[1]. Self made man : en anglais, « homme qui ne doit sa réussite qu’à lui-même ».

 

 

page 8

 

 

page 9

 

 

Fiche d’identité de l’œuvre

Robinson Crusoé

Auteur : Daniel Defoe, âgé de 59 ans.

Genre : roman d’aventure et autobiographie (histoire vraie de Robinson écrite par lui-même).

Forme : en prose et en anglais. Première traduction française en 1720. Célèbre traduction du poète romantique Pétrus Borel en 1833 (adoptée ici).

Structure : deux parties dont la première, la plus célèbre et la plus populaire (ici dans ce Petit Classique), raconte la vie de Robinson, jeune Anglais assoiffé d’aventures qui, après un voyage au Brésil, échoue sur une île déserte. La seconde partie (Les Nouvelles Aventures de Robinson Crusoé) est une continuation publiée quelques mois après le triomphe du premier volume. Elle raconte la colonisation de l’île, désormais habitée par des sauvages civilisés.

Principaux personnages : Robinson Crusoé, aventurier et marin ; le sauvage Vendredi, son serviteur ; les cannibales, le marin espagnol et le capitaine anglais libérés par Robinson.

Sujet : à la suite d’un naufrage dont il est le seul survivant, Robinson Crusoé échoue sur une île déserte le 30 septembre 1659. Le 19 décembre 1686, il retourne en Angleterre. Pendant plus de 28 ans, il reconstruit son univers, trouvant des ressources à la fois en lui-même, en Dieu et dans son environnement. Il fait face à la solitude, à la faim, aux intempéries ; il apprend à vivre en complète autonomie, cultive la terre pour assurer sa subsistance, affronte mille dangers (tremblement de terre, arrivée des cannibales…). Il lit intensément la Bible et y trouve un sens à son destin. Enfin, en mai 1683, Vendredi débarqué sur l’île devient le compagnon tant attendu. Dans les dernières année de son séjour, Robinson sur son île est heureux comme un roi.

Thèmes principaux : l’île déserte, la solitude, l’homme dans la nature, Dieu, l’Autre, la civilisation, les sauvages, le colonialisme…

 

 

Pour ou contre

Robinson Crusoé ?

Pour

Paul HAZARD :

« Il y a eu, dans le monde entier, peu de livres plus fameux. Car il a été choisi par le peuple immense des enfants, peuple fidèle qui n’oublie pas facilement ses dieux. De Foe ne l’avait pas écrit pour les petits ? Les petits l’ont pris pour eux, sans cérémonie… »

Les Livres, les enfants, les hommes, 1967.

Joseph AYNARD :

« C’est à la fois l’œuvre d’un grand psychologue et d’un bon commerçant. »

Introduction au Journal de l’année de la peste à Londres, éd. Aubier Montaigne, 1975.

Jean-Paul ENGÉLIBERT :

« Robinson Crusoé fixe le scénario et la thématique d’un nouveau genre, lui donne son nom, robinsonnade, et s’impose comme sa référence. »

La Postérité de Robinson Crusoé, Droz, 1997.

Contre

Marc SORIANO :

« Robinson, seul dans son île, qui doit tout reprendre à zéro, n’est-ce pas une histoire totalement invraisemblable ? »

Extrait de Îles, Gallimard, 1987.

Michel TOURNIER :

« Dans ce roman, Vendredi est réduit à néant […]. La vérité sort de la bouche de Robinson parce que celui-ci est blanc, occidental, anglais et chrétien. »

Extrait du Magazine littéraire n°459, 1er décembre 2006.

 

 

Pour mieux lire l’œuvre

Au temps de Daniel Defoe

L’Angleterre il y a 300 ans

Pour comprendre et apprécier Robinson Crusoé dans toute sa richesse, il faut se transporter dans l’Angleterre qui a vu naître et vivre Daniel Defoe.

C’est une des principales puissances de l’Europe. Gouvernée par des rois ou des reines, elle croit dans le progrès, encourage le travail, la réussite et l’argent. Son commerce très florissant profite à une bourgeoisie qui aime entreprendre et faire des bénéfices. Daniel Defoe, fils d’un marchand de chandelles, mari d’une fille de commerçants et lui-même homme d’affaires sera un des représentants les plus dynamiques de cette classe sociale ambitieuse. Et un modèle pour le personnage de Robinson devenu, au terme de ses aventures, un riche propriétaire (« je me réservai la propriété de tout »).

L’Angleterre domine les mers. En 1809, elle dispose de plusieurs centaines de vaisseaux pour son commerce, ses guerres et son trafic d’esclaves noirs africains. Ce qu’elle veut, c’est conquérir des territoires nouveaux pour renforcer sa puissance, s’emparer des richesses qui abondent dans les terres lointaines, et civiliser les peuples à son image. Dans cette intention, elle favorise, dès le xviie siècle, le départ de tous les candidats à l’aventure. Ces hommes et ces femmes, que l’on appelle les « colons », s’installent sur la côte est de l’Amérique du Nord et au Canada, et même dans les îles des Caraïbes. Ils établissent des « colonies », sortes de vastes domaines rattachés à la couronne d’Angleterre, dans lesquels, comme Robinson sur son île, ils prospèrent tranquillement.

Defoe : un aventurier du commerce et de la politique

Jusqu’à 59 ans, Daniel Defoe mène une vie d’aventurier des villes. Homme d’affaires, il aime spéculer, et « faire des coups », ce qui lui joue des mauvais tours : tantôt il s’impose comme un négociant à qui tout réussit, tantôt il croule sous les dettes. En 1692, il fait une énorme faillite qui le conduit tout droit en prison. Mais cet homme d’argent est aussi un homme d’idées : il participe activement à la vie politique de son pays. Pendant onze ans, il défend les intérêts de Harley, un homme politique puissant, et devient un agent secret du gouvernement.

Pourtant, plus que tout, Daniel Defoe aime écrire : sur le commerce, sa passion de toujours. Mais aussi sur des questions de religion, de société et de gouvernement. Au service du ministre Harley, il fonde et dirige un journal politique (1704-1713), La Revue, dans lequel il s’impose comme le pionnier des journalistes. Dès le premier numéro, il explique : « Nous poursuivrons le vrai. » Sa plume est bavarde : il écrit des milliers de pages ! Elle est mordante aussi : il rédige en abondance des textes polémiques, pamphlets et satires pour la plupart, où il provoque le pouvoir en place : dans The Shortest Way with the Dissenters (1702), ce puritain (branche minoritaire de la religion protestante) ose se moquer de l’église anglicane, qui n’est autre que l’Église d’État !

Robinson Crusoé : un roman très original

C’est l’aventure d’Alexandre Selkirk qui donne à Daniel Defoe l’idée d’écrire Robinson Crusoé. Ce marin écossais, rendu célèbre par le récit de voyage du capitaine Woodes Rogers, a passé plus de quatre ans seul sur l’île déserte de Más a Tierra, à 600 km au large des côtes chiliennes. En conflit avec son capitaine, il a, de lui-même, décidé d’être débarqué sur l’île, avec « ses vêtements et sa literie, un fusil à pierre, de la poudre, des balles, du tabac, une hachette, un couteau, une bouilloire, une Bible, quelques objets pratiques, ses compas et ses livres[1] ».

De cette histoire vraie, Daniel Defoe va faire un roman : il crée son héros, Robinson, un jeune homme qui quitte l’Angleterre contre la volonté de son père et qui, après bien des péripéties, échoue, seul, sur une île déserte. Puis il raconte les aventures du rescapé, tour à tour bâtisseur, cultivateur, éleveur, artisan et même éducateur. Et surtout, idée de génie, il invente le personnage du sauvage Vendredi.

Pour poser le décor de son roman alors qu’il n’a jamais mis les pieds sur une île lointaine, Daniel Defoe se plonge dans les récits de voyages qui tapissent sa bibliothèque. Et il décide de placer l’action sur une île des Caraïbes, bien adaptée à l’apparition de l’Indien Vendredi qui est issu d’une tribu anthropophage[2].

Enfin, il met au point une stratégie d’édition. Car, pour l’Angleterre de l’époque, raconter des histoires inventées revient à dire des mensonges et à détourner le lecteur du droit chemin de la religion. Habilement donc, Daniel Defoe masque son nom d’auteur et présente Robinson Crusoé comme un manuscrit trouvé par l’éditeur. Le roman prend la forme d’une autobiographie dans laquelle Robinson lui-même raconte ses aventures, parfois sous la forme d’un journal, et toujours dans une langue très simple.

La « Préface » présente le texte comme le récit d’événements ayant réellement existé : « C’est là une narration exacte des faits ; il n’y existe d’ailleurs aucune apparence de fiction. » Et, dernier artifice, pour décourager toute critique malveillante, le récit, affirme-t-on, vise « l’instruction d’autrui ».

À 60 ans, enfin la gloire !

Le public est conquis ! Il est fasciné par le personnage de Robinson, cet homme qui, malgré ses malheurs, continue à aimer Dieu, ce marin naufragé qui transforme l’île du désespoir en un territoire riche et productif. Il adore la variété du récit où les scènes d’action alternent avec les descriptions et les portraits, les réflexions religieuses et morales avec les dialogues au style direct. Enfin il se régale des petits détails concrets qui abondent dans la narration : voir Robinson en train de construire des palissades ou fabriquer son pain, c’est une vraie nouveauté à l’époque ! Car jamais aucun écrivain n’a osé, jusqu’à Daniel Defoe, mettre en scène les petites choses de la vie avec autant de réalisme.

Six éditions de Robinson se succèdent en quatre mois. Bien vite, le roman est traduit, copié et imité partout ! Daniel Defoe publie une suite très bien accueillie : Les Nouvelles Aventures de Robinson. Puis il recycle des essais de morale qu’il a gardés dans ses tiroirs. Ils formeront la matière des Réflexions sérieuses de Robinson Crusoé, un livre jugé très ennuyeux ! Enfin, il lance avec succès plusieurs romans qui mettent en scène des aventuriers et des aventurières ou qui s’inspirent des biographies de marins, de pirates et de voleurs (Moll Flanders, Colonel Jack, 1722).