DU MÊME AUTEUR

1993, mode d’emploi, Ramsay, 1990.

Les Postiches : un gang des années 1980, Fayard, 2004.

Remerciements

Je remercie tous ceux et celles qui m’ont aidée dans l’enquête et la rédaction de La Traque de Guy Georges :

 

Les officiers de police judiciaire de la brigade criminelle Francis Bechet, Michel Bustamante, Jean-Paul Copetti, Patrice Lanceleur, Bernard Henry, Michel Vielfaure, Philippe Lancelin, Henry Moreau, Catherine Driguet et feu Gérald Sanderson

 

La commissaire divisionnaire Martine Monteil

Le directeur de la police judiciaire Christian Flaesch

Le commissaire de l’Identité judiciaire Richard Marlet

 

Le juge Gilbert Thiel

Le psychiatre Daniel Zagury

La mère d’Hélène Frinking, victime de Guy Georges, Anne Gautier

 

Les avocates Solange Doumic (pour la famille Escarfail), Florence Rault (pour Liliane Rocher et la famille Frinking) et Frédérique Pons (pour la défense de Guy Georges)

 

La journaliste Brigitte Vital-Durand

Le réalisateur Alain Lasfargues

La documentaliste Hauria Rouabah

Les éditeurs Lilas Seewald et Raphaël Sorin

Prologue

Haie d’honneur au 36
 pour « voir monter la bête »

« On a couru derrière ce tueur en série depuis si longtemps et la traque a été tellement forte que, lorsqu’il arrive au 36, toute la Crim’, sans se donner le mot, se masse le long de la main courante de l’escalier comme des hirondelles serrées sur un fil électrique et regarde Guy Georges monter lentement. » Le commandant Bernard Henry, qui enquête sur le meurtre de Magali Sirotti depuis septembre 1997, n’a jamais senti vibrer « une telle excitation » à la brigade criminelle qu’en cet après-midi du 26 mars 1998 : « On a hâte de le voir, on se penche sur la rambarde, on est curieux de voir sa tête, on n’a jamais travaillé que sur un portrait-robot. Et puis j’aperçois son visage marqué, le crâne recousu – les collègues l’ont assaisonné, lors de l’interpellation. […] On s’attendait à une réplique de Barbe-Bleue et là, je suis un peu déçu, je me dis : “Merde, c’est ça !” Monsieur Tout-le-monde avec une certaine présence, presque beau gosse, pas le fada complet. Et pourtant, ce type a été capable d’égorger sept jeunes femmes. »

La patronne Martine Monteil, blonde en tailleur Chanel qui dirige la Crim’ d’« une main de fer dans un gant de velours » depuis 1996, est sortie elle aussi de son mythique bureau 315, au troisième étage, pour regarder passer le tueur : « On l’a tellement attendu, on l’a tellement cherché, ça a été des années de traque, que nous sommes tous là à le guetter, très dignement d’ailleurs. Tout le monde veut le voir. Mais, derrière l’homme d’apparence ordinaire que nous voyons monter, ressurgissent pour nous toutes les images de ces jeunes femmes assassinées, égorgées, violées, chosifiées, massacrées. Et on ne peut s’empêcher de penser qu’il est, pour la France, un de nos plus grands tueurs en série. » Identifié grâce à son ADN – baptisé « SK », pour « serial killer » – relevé sur trois scènes de crime, l’inconnu s’avance enfin en chair et en os.

Depuis un siècle, des criminels menottés, des familles éplorées et des orphelins traumatisés empruntent le même chemin que le tueur en série. La cohorte des gens confrontés à la mort violente entre sous le porche du 36, quai des Orfèvres, débouche sur la cour pavée, tourne à gauche, franchit la porte grise sans cachet marquée « Direction de la police judiciaire », puis grimpe cent cinq marches, les jambes en plomb ou en coton, pour atteindre l’enseigne bleue de la brigade criminelle. Le chef de groupe Gérald Sanderson, disparu en 2006, se sentait l’héritier de générations d’inspecteurs : « Il y a vingt ans, j’ai été saisi par cet escalier qui ne ressemble pourtant à rien, les locaux magiques, riquiqui et étouffants mais collés au Palais de justice, au Pont-Neuf et au quai de Seine. Comme à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière construit par Louis XIV, avec sa chaîne ininterrompue de médecins, des carabins aux mandarins, nous sommes ancrés dans l’histoire, dans la lignée des inspecteurs de la Crim’. » Ici, les affaires portent les noms de meurtriers, de lieux ou de victimes : Landru, Petit-Clamart, Dr Petiot, Ben Barka, baron Empain, frères Zemour, Thierry Paulin, pasteur Doucé, Cons-Boutboul, Lady Diana et… Guy Georges. Guy Georges, encordé aux deux flics du XVIIIe arrondissement qui ont fini par l’attraper à la sortie du métro Blanche, monte à son tour l’escalier monumental au linoléum noir usé et rejoint les grands noms de l’histoire du 36.

Le même commandant Sanderson déplorait que la plus grande célébrité de la Crim’ fût un personnage romanesque, Jules Maigret. L’enquête chaotique qui a conduit à Guy Georges n’a cependant ressemblé en rien aux recherches en solitaire du fameux commissaire. Pas plus que les hommes qu’elle a mobilisés ne ressemblent aux personnages de Simenon. Les civils en tenue soignée qui œuvrent ici sont tous diplômés, expérimentés et sélectionnés, mais ils se sentent « des obscurs et des sans-gloire ». Ils travaillent en anonymes et en silence, mais surtout en équipe. Cent huit policiers dévolus aux enquêtes sur « l’infraction suprême, la mort, le meurtre », dont l’identité demeure souvent inconnue, juste apposée sur les procès-verbaux frappés du secret de l’instruction. Les sans-noms de la brigade s’effacent donc derrière la légende.