Lundi 8 décembre 2008
1
Le téléphone sonna. Logan se réveilla en sursaut et attrapa le combiné posé sur la table de nuit, avant de maugréer un « allô » des moins chaleureux.
– Shérif, excusez-moi de vous déranger, mais je tenais à vous avoir personnellement, répondit une voix d’homme.
Logan se redressa et cala un oreiller dans son dos. Il jeta un œil sur le réveil : 6 h 15.
– Qui êtes-vous ? fit-il d’une voix pâteuse.
– Je suis le docteur Nunn.
Logan se redressa tout à fait. C’était le chirurgien qui l’avait opéré après sa blessure à l’abdomen.
– On vient de nous amener un blessé qui a été percuté par un camion en bordure de la forêt, sur Old Oak Road. Le garçon vit encore. Ses jours ne sont pas en danger.
Logan passa une main sur sa barbe du week-end, priant pour que l’homme aille droit au but. Il avait désespérément besoin d’une bonne douche pour sortir de cet état apathique dû à un réveil brutal.
– Et alors ? fit-il d’un ton peu conciliant.
– Il se trouve que nous avons trouvé du sang sur ses vêtements, mais de toute évidence, ce n’est pas le sien.
« N’est pas Sherlock Holmes qui veut », songea Logan, sarcastique, agacé d’avoir été réveillé pour si peu.
– Vous avez entendu parler du braconnage ? demanda-t-il d’un ton peu avenant. Du sang d’animal, à n’en point douter. Et votre gars doit être un de ces pauvres bougres qui vivent dans les anciennes scieries.
Un silence, puis Logan reprit :
– Écoutez, faites une analyse du sang. De mon côté, j’envoie des hommes sur place retrouver le corps de la « chose ».
– Oui, bien sûr, dit Nunn.
– Et au fait, pourquoi n’avez-vous pas appelé directement le central ?
– Vous m’aviez donné votre carte en me disant que je pouvais vous joindre en cas de problème, répondit Nunn avant de raccrocher, sans plus de formalités.
Logan alluma la lampe de chevet et attrapa une cigarette qu’il fit tourner entre ses doigts avant de la renifler avec délice et de la reposer.
Six mois qu’il avait décidé d’arrêter et deux mois qu’il n’en avait plus fumé une seule. Malgré des nerfs à fleur de peau, il s’était étonné de la facilité avec laquelle il s’était sevré. Les patchs et les encouragements de Hurley l’avaient beaucoup aidé à tenir sa résolution. Malgré quelques sautes d’humeur qui devenaient de plus en plus rares, il se sentait guéri et aimait bien se confronter à son ancien vice, histoire de voir si sa volonté était réellement plus forte que l’addiction passée.
« Une semaine de plus », se dit-il, fier de lui. Il sortit du lit et d’un pas serein alla s’enfermer dans la salle de bains. Vingt minutes plus tard, il en ressortait en pleine forme, en peignoir, rasé de frais, prêt à affronter ce premier jour de la semaine.
Il repensa à l’appel de Nunn. Même s’il ne prenait pas l’inquiétude du médecin très au sérieux, il lui avait promis d’envoyer une équipe. « Je lui dois bien ça », pensa-t-il en effleurant la fine cicatrice sur son ventre, à l’endroit où le couteau de Paul Ringfield s’était enfoncé dans ses chairs.
Logan secoua la tête et s’obligea à ne plus y penser. Si l’année précédente avait été un véritable enfer, celle-ci se révélait nettement plus calme. Des crimes et des délits ordinaires, qui, excepté pour les victimes, n’avaient pas menacé la tranquillité de River Falls.
Logan s’habilla rapidement avant de descendre prendre un petit déjeuner.
Pas un bruit. Hurley passait de plus en plus de temps à Seattle, mais le rejoignait tous les week-ends. 6 h 45, indiquait l’horloge de la cuisine. Logan se posta devant la fenêtre et porta la tasse de café à ses lèvres.
Des lumières s’étaient allumées dans les autres maisons de l’allée pavillonnaire. Des enfants se levaient. Des parents leur préparaient le petit déjeuner. Des familles ordinaires de la classe moyenne. Rien à voir avec le couple qu’il formait avec Hurley.
Il avait réellement craint de ne pas supporter son absence au quotidien. Il avait tant souffert durant leur séparation que l’idée qu’elle le quitte toute la semaine lui avait paru insurmontable. Pourtant, il se rendait à l’évidence, c’était le meilleur choix possible. Désormais, tous les moments qu’ils passaient tous les deux étaient plus intenses que lorsqu’ils habitaient ensemble à plein temps. Les week-ends étaient toujours trop courts.
« Oui, se dit-il, mais il y a un bémol : Hurley n’est pas rentrée ce week-end. »
Elle l’avait appelé le vendredi après-midi pour le lui annoncer. Expert psychiatre près les tribunaux, elle devait terminer son rapport sur une sombre histoire de viol en réunion. Elle n’avait pas une seconde pour les frivolités.
Logan lui avait donné sa bénédiction. Mais avait-il eu le choix ? Serait-elle venue s’il la lui avait refusée ? Il pinça les lèvres. Il connaissait la réponse. Mais c’était aussi cela qu’il aimait chez Hurley, une certaine forme d’indépendance. Les amants meurent de se dompter l’un l’autre.
Il finit son café et posa la tasse dans l’évier. Il était temps de partir pour le commissariat et d’envoyer des hommes sur les lieux de l’accident.
Si seulement Nunn avait directement appelé le central, les agents de nuit seraient déjà sur place et auraient retrouvé la dépouille d’un malheureux cerf. Mais non, Nunn devait penser que son statut lui donnait le droit de réveiller le numéro 1 de la police locale.