Prologue
Hommage au Seigneur accompli et parfait Bouddha
« L'homme intelligent et ferme dans sa discipline,
qui développe état d'être et sagacité
comme un moine énergique et sage,
peut démêler ce lacis1. »
Ainsi parla le Seigneur.
Pourquoi formula-t-il cette strophe ? Parce qu'un fils de dieu2 l'approcha une nuit alors qu'il séjournait près de Savatthi, et lui demanda, afin de dissiper ses doutes :
« Lacis à l'intérieur, lacis à l'extérieur,
tout ce qui naît est pris dans ce lacis.
Voici, Gotama, la question que je pose :
"Qui peut démêler ce lacis3?" »
Expliquons d'abord, brièvement, le sens de cette strophe.
Le mot «lacis» désigne l'enchevêtrement des désirs : les êtres ont constamment soif4 d'objets physiques et d'états psychiques, tantôt de niveau élevé, tantôt de bas niveau. Ces désirs sont comparables aux branches enchevêtrées dans un épais fourré.
«Lacis à l'intérieur, lacis à l'extérieur» : les désirs concernent l'équipement5 du moine et celui d'autrui, son existence propre et celle des autres, ses domaines personnels et les domaines extérieurs à lui.
« Tout ce qui naît est pris dans ce lacis » : tous les êtres sont empêtrés dans ces désirs qui s'enchevêtrent comme les bambous d'un fourré inextricable; ils en sont prisonniers, ils en sont embarrassés.
[2] «Voici, Gotama, la question que je pose». Le fils de dieu s'adresse au Seigneur par son nom de famille, Gotama, et lui demande : « Qui peut démêler ce lacis ? » Autrement dit : « Qui peut démêler l'entrelacement des trois éléments6? Qui est capable de les désenchevêtrer?»
Ainsi questionné, le Seigneur dont la connaissance et le comportement sont en tous points inattaquables, dieu des dieux, tout-puissant au delà des tout-puissants, Brahmâ au delà des Brahmâ, assuré dans les quatre assurances, détenteur des dix pouvoirs, connaissance sans faille, œil universel, répondit par cette strophe :
« L'homme intelligent et ferme dans sa discipline,
qui développe état d'être et sagacité
comme un moine énergique et sage,
peut démêler ce lacis. »
Je vais donner à présent le sens véritable et détaillé
de cette strophe que le grand Sage déclama.
Certains yogis entrent dans l'enseignement du Vainqueur,
si difficile à trouver, sans connaître pour ce qu'il est
le chemin sûr et droit vers la Pureté :
discipline, concentration et sagacité.
Ils aspirent à la Pureté mais n'y parviennent pas malgré leurs efforts.
Pour eux, je vais décrire ce chemin de la Pureté
selon une présentation claire qui leur plaira
et qui suit la méthode transmise
par les résidents du Grand Monastère7.
Je vais l'exposer fidèlement.
Vous tous, hommes de bien qui aspirez à la Pureté, prêtez attention !

La « Pureté désigne le Dénouement8, lequel, dépourvu de toute tache, est extrêmement pur. Le chemin qui y mène constitue le chemin de la Pureté — et l'on appelle chemin le moyen d'accès -; c'est ce moyen que je vais décrire.
Le chemin de la Pureté fut parfois exposé seulement comme supravoyance9 :
« Voir avec sagacité que toutes les créations sont temporaires
et être désenchanté du désagrément, tel est le chemin de la Pureté10. »
[3] Parfois comme jhâna11 et sagacité :
« Qui possède jhâna et sagacité se trouve en face du Dénouement12. »
Parfois comme kamma13, etc. :
« Kamma, science et rectitude, discipline
et mode de subsistance supérieur,
voilà qui purifie les mortels, non la famille ou la richesse14. »
Parfois comme discipline, etc. :
« Toujours discipliné, sagace et bien concentré,
énergique et résolu, il traverse l'inondation si difficile à traverser15. »
Parfois comme vigilance, etc. :
« Il n'existe qu'un chemin pour purifier les êtres, moines... et pour
voir le Dénouement de ses propres yeux : celui des quatre vigilances16. »
Même formulation avec les quatre efforts-justes17.
Mais la réponse en vers (§ 1) parle de discipline, etc.
Commentaire de la réponse
« L'homme » : l'être.
« Intelligent» : doué de la sagacité qui résulte du kamma lors du lien-de-renaissance
à trois causes18.
« Ferme dans sa discipline » : stable dans sa discipline, s'y adonnant
pleinement.
«Qui développe état d'être et sagacité » : qui fait naître et croître la concentration, dite état d'être19, et la supravoyance, que désigne la sagacité.