INTRODUCTION
Le 12 février 2005, dans la salle de conférences d'un grand hôtel parisien, l'assemblée de la Fédération française de football entérinait symboliquement la fin d'une époque.
Après onze années de présidence, Claude Simonet, soixante-quatorze ans, passait la main, laissant sourdre quelques trémolos lors des derniers mots de son discours d'adieu. Son mandat recouvre l'une des périodes les plus mouvementées de l'histoire du football français. Éprouvée par le drame de Furiani (quinze morts et mille cinq cents blessés dans l'effondrement d'une tribune provisoire du stade du SC Bastia le 5 mai 1992), sortant à peine de l'affaire VA-OM (une tentative de corruption de la part des dirigeants marseillais sur des joueurs de Valenciennes en mai 1993), encore sous le choc de l'élimination humiliante de l'équipe de France de la qualification pour la Coupe du monde 1994 aux États-Unis, la France du football peine alors à s'imaginer un avenir serein. Pourtant, à l'image du premier match des Bleus auquel assistera Claude Simonet, un France-République tchèque à Bordeaux le 17 août 1994, une phase de retournement est en train de s'opérer. Menée 0-2, ce jour-là, l'équipe de France reviendra à égalité grâce à deux buts d'un joueur dont c'est la première sélection : Zinédine Zidane. Avec lui et l'exceptionnelle concentration de joueurs de talent qui l'entourera, l'équipe de France connaîtra ses plus grands succès. Dans la même période, l'arrêt Bosman, qui met notamment fin aux quotas de nationalités dans les clubs en décembre 1995, vient bouleverser la donne, initiant la plus formidable vague d'inflation et de transferts qu'ait connue le foot européen. Ébranlées, les équipes de l'Hexagone vont faire le gros dos pendant près de dix ans jusqu'à pouvoir, aujourd'hui, de nouveau lutter à armes presque égales avec leurs concurrentes européennes.
Pour autant, rien n'est plus comme avant. Et Jean-Pierre Escalettes, successeur de Claude Simonet, qu'il a aussitôt fait élire président d'honneur de la FFF, n'a pas la naïveté de croire que les quatre années d'exercice qui l'attendent (à soixante-neuf ans, il envisage de ne diriger la Fédération que pendant un seul mandat) s'écouleront comme un long fleuve tranquille. Lors de son discours d'investiture, qu'il a pris le soin de largement commenter auprès de ses électeurs et des médias pour faire passer clairement son message, cet ancien prof d'anglais a insisté sur « le devoir d'exemplarité du football », le sport le plus populaire, le plus observé. Il sait qu'il lui faudra résoudre au plus vite le malaise dans lequel se débat l'arbitrage français depuis 2002 au moins. De même qu'il devra apurer les comptes de la Fédération, qui accusaient en 2004 un déficit de 2,649 M€ pour atteindre 9,7 M€ à la fin 2005.
La tâche qui incombe au président de la FFF est plus vaste encore. Il s'agit de rendre au football français son aura, sa dignité, sa confiance en lui. En deux ans, de juin 2002 à juillet 2004, l'équipe de France a abandonné tous ses titres internationaux. Le règne de Zidane et de ses coéquipiers, celui d'une équipe, façonnée par Aimé Jacquet, qui s'est peu à peu délitée, perdue sur les sommets nuageux de la gloire, est clairement terminé. Il lui faudra accompagner l'équipe de France dans une période de reconquête. « Car sans la locomotive du haut niveau, insiste-t-il, les amateurs ne sont rien. »
Jean-Pierre Escalettes devra aussi donner les moyens au modèle français en matière de formation de perdurer face à la concurrence mondiale et de tenir en respect les forces du foot-business dont font partie les présidents des plus grands clubs européens dont les intérêts s'opposent de plus en plus à ceux des sélections. Dans cette optique, cet homme du Sud, qui n'hésite pas à affirmer que le foot est « un outil de fraternité », « un des régulateurs de la société », s'est doté d'un beau programme : « préserver la notion de jeu ». « L'éthique associative se heurte de plein fouet aux contraintes économiques, admet-il. Mais ramener le foot d'aujourd'hui au niveau d'un jeu, ce n'est pas le rabaisser, c'est le hisser au contraire. C'est offrir la part du rêve. Offrir une raison de croire que l'homme n'est pas un loup pour l'homme. » Le défi est immense, reconnaît cet homme affable, « à la mesure de l'impact du foot sur la société ». Et s'il tient en quelques mots, il est extraordinairement difficile.