PREMIÈRE PARTIE
Résumé et repères pour la lecture
CHAPITRE PREMIER (pages 61 à 84)
L'annonce de l'héritage
RÉSUMÉ
M. et Mme Roland, accompagnés de leurs deux fils, Pierre et Jean, passent la journée en mer à bord de leur bateau, la Perle. Sur leur invitation, leur voisine, Mme Rosémilly, s'est jointe à eux.
M. Roland est un ancien bijoutier parisien. Épris de pêche et de navigation, il s'est retiré au Havre dès qu'il a pu vivre de ses rentes. Ses fils viennent d'achever leurs études : Pierre, l'aîné, a fait sa médecine et Jean son droit. Tous deux passent leurs vacances chez leurs parents avant de s'installer prochainement au Havre. Mme Rosémilly, jeune veuve fortunée, serait un beau parti pour l'un d'eux.
Mais l'heure est à la navigation. M. Roland ne songe qu'au poisson. Son épouse, comme d'ailleurs Mme Rosémilly, se laisse bercer par la mer et le grand air. Les deux frères sont chacun postés à une rame. Ils mesurent leur force, la présence de Mme Rosémilly aiguillonnant leur orgueil. Pierre déploie toute sa vigueur, mais il s'essouffle rapidement et Jean reprend bientôt l'avantage. La Perle arrive alors au port.
De retour à terre, Mme Roland invite Mme Rosémilly à dîner «sans cérémonie aucune, afin de finir ensemble la journée (p. 73). Mais une surprise les attend. À trois reprises, quelqu'un s'est présenté au logis des Roland en leur absence, envoyé par leur notaire, maître Lecanu. Les Roland se demandent de quoi il peut s'agir. Sitôt le dîner terminé, Mme Rosémilly s'éclipse. Maître Lecanu apparaît enfin. Il s'est déplacé lui-même pour apprendre aux Roland le décès d'un de leurs vieux amis, Léon Maréchal. Celui-ci laisse tous ses biens à Jean «qu'il a vu naître, grandir, et qu'il juge digne de ce legs» (p. 78). M. Roland se réjouit bruyamment ; son épouse reste songeuse.
REPÈRES POUR LA LECTURE
Un mot clé : « Zut! »
«Zut! », lance M. Roland au début du chapitre (p. 61). Cette exclamation familière est le premier mot du roman. Un peu plus bas, ce «zut énergique» (p. 67) est repris et expliqué par le narrateur. À la fin du chapitre, M. Roland s'écrie à nouveau : «Ah! bien alors, zut !» (p. 83). «Zut» est donc le mot clé de ce premier chapitre.
Cette interjection lancée avec vigueur plonge immédiatement le lecteur au cœur d'une scène quotidienne, en compagnie de personnages qui s'expriment avec vivacité et naturel. Ce procédé, qui vise à donner au lecteur l'illusion du réel, relève du roman naturaliste. Il rompt avec les longues descriptions préparatoires du roman balzacien. Ici, le narrateur s'efface devant les personnages et précipite le lecteur dans l'action.
Une exposition dynamique
On nomme exposition la manière dont, au début d'une œuvre, sont introduits les éléments de l'intrigue. L'exposition de Pierre et Jean est rapide et vivante. Elle fournit au lecteur des informations sur les lieux et sur les personnages qui contribuent à inscrire le récit dans le réel.

La description des lieux : les indications géographiques, réduites à l'essentiel, sont placées par le narrateur dans la bouche des personnages, ce qui contribue à créer un effet de naturel. Ainsi, la région - en l'occurrence la côte normande - est présentée par le père de famille, M. Roland, qui campe le décor avec des gestes que le lecteur imagine sans peine :
Puis il expliqua la côte en face, là-bas, là-bas, de l'autre côté de l'embouchure de la Seine - vingt kilomètres, cette embouchure - disait-il. Il montra Villerville, Trouville, Houlgate [...] (p. 72).
Quant à la ville où se situe l'action (nous apprenons dès la page 63 qu'il s'agit du Havre), elle n'est vue que par les yeux des personnages. Au moment où ceux-ci remontent du port, une « foule nombreuse, tranquille (p. 73) marche dans les rues. Mme Roland et Mme Rosémilly regardent les vitrines des magasins de mode, tandis que M. Roland se passionne pour les bateaux du bassin. L'évocation poétique des mâts qui forment une « forêt sans feuille » (p. 73) est fort brève. Et surtout, elle n'intervient que dans la continuité de la vision de M. Roland. Le narrateur ne décrit pas réellement la ville : il épouse seulement la vision des héros.
La présentation des personnages : dans ce chapitre d'exposition sont réunis les principaux protagonistes du récit, M. Roland, Pierre et Jean, les frères ennemis, Mme Roland et Mme Rosémilly. Conformément au parti pris «objectif» du romancier naturaliste, le narrateur nous les montre d'abord en train d'agir. Ce n'est qu'après avoir rapporté les activités des personnages que le narrateur donne quelques indications sur leur physique, leur caractère ou leur vie. Tel est le cas quand il peint M. Roland :