9782100549467



Avant-propos

Au cours des trente ou quarante dernières années, la relation des entreprises avec leur environnement a beaucoup évolué. Dans ce monde nouveau, la communication, à la fois objectif, organisation et moyens, a pris une importance croissante.

La communication est de plus en plus au service de la stratégie et de la visibilité des entreprises, privées comme publiques, des administrations, des associations, des ONG. À un moment où les marques représentent un poids grandissant dans la perception et la valeur des entreprises, mais à une époque où les réseaux sociaux prennent une part croissante dans l’information des personnes, la communication est un moyen indispensable pour la gestion de l’image de la marque, pour la valorisation de ce capital immatériel.

La communication est, chaque jour plus, un outil de management. Communiquer, vers l’externe comme en interne, est une mission de plus en plus essentielle pour les managers qui doivent porter les thèmes mobilisateurs tout en maintenant la cohérence des discours de l’entreprise vers ses divers publics.

Dans les deux dernières décennies, la montée en puissance de la communication financière est à l’évidence un des faits majeurs de la communication des entreprises. Beaucoup d’acteurs du monde économique et financier considèrent d’abord l’aspect financier de cette communication en oubliant qu’il est indispensable de donner la priorité à la partie communication de la fonction ou du métier. La communication financière doit donc être de plus en plus économique et institutionnelle, en clair une communication « corporate finance ». Elle doit répondre à l’ambition de toute communication : être vue et être influente, dans un monde où les émetteurs de messages sont de plus en plus nombreux.

Le communicant financier doit être de plus en plus un créateur et un acteur de marketing financier et un professionnel de la gestion, notamment financière. À la fois auteur de contenus, conseil de ses dirigeants et acteur du quotidien, le responsable de la communication financière en entreprise ou le conseil en agence de communication doit proposer et mettre en œuvre.

Cette communication économique financière a et aura besoin de professionnels capables d’appréhender les problématiques globales de cette communication à la fois B2B et B2C, d’anticiper et de maîtriser les évolutions des techniques de communication et d’imaginer et de mettre en œuvre une communication financière de plus en plus différenciatrice, dans un univers de compétition croissante, des professionnels capable d’ajouter la touche institutionnelle à la stricte dimension financière. La communication financière ouvre aux jeunes professionnels de larges opportunités d’avenir.

Dans cet ouvrage, nous présenterons le pourquoi de la communication financière, son histoire récente, les impératifs réglementaires et le contenu de la démarche de ce marketing financier, en insistant sur la porosité des publics, la créativité des messages, l’optimisation des moyens.

Cet ouvrage est le résultat de la triple expérience d’un financier, à l’origine analyste financier, devenu communicant : directeur de communication dans deux grands groupes cotés, membre du comité de direction de la plus grande agence de communication corporate financière française et enseignant en finance et communication à l’Université et dans diverses écoles.

Cet ouvrage se veut à la fois informatif sur une matière encore trop perçue comme une affaire de spécialistes et concret avec quelques conseils pour ceux qui débutent ou veulent débuter dans ce métier.


Chapitre 1

Communications des entreprises et communication financière

La communication, en particulier celle des entreprises, est souvent perçue comme une matière de la deuxième moitié du xxe siècle. La réalité est autre. La communication a souvent inspiré les auteurs et, parallèlement, la matière a toujours été en évolution constante sous la pression de l’environnement sociologique, économique et philosophique, des changements technologiques, et bien sûr des lois.

Dans ce chapitre, nous reviendrons sur la communication en général, la communication d’entreprise en particulier et nous verrons comment la communication financière est venue prendre une place croissante dans la prise de parole globale des entreprises.

1.1.  Les communications des entreprises

1.1.1.  La communication, un vieux sujet

La communication a toujours inspiré les auteurs et ce n’est pas récent.

Pythagore au vie siècle avant J.-C. :

« Ne dis pas peu de choses en beaucoup de mots, mais dis beaucoup de choses en peu de mots. »

Lao-Tseu au ive siècle avant J.-C. :

« Celui qui sait ne parle pas, celui qui parle ne sait pas. »

Bossuet au xviie siècle :

« La société consiste dans les services mutuels que se rendent les particuliers ; c’est pourquoi elle se lie par la communication. »

André Malraux, dans Les Conquérants, en 1928 :

« Qu’il s’agisse de faire acheter le savon ou d’obtenir le bulletin de vote, il n’y a pas une technique psychologique qui ne soit à base de mépris de l’acheteur ou du votant. »

Michel Crozier, dans La Société bloquée, en 1970 :

« On ne communique pas parce qu’on a les moyens de communiquer ou parce qu’on dispose de bons instruments. On communique parce qu’on en a envie et on en a envie dans la mesure où cela sert. »

Depuis quarante ans, les nouvelles technologies ont changé le monde et continuent de le transformer avec une rapidité et une intensité sans précédent dans l’Histoire : mondialisation des marchés, chamboulement des relations commerciales, transformation des rapports professionnels et sociaux.

Il y a quelques années, les dirigeants européens réunis à
Lisbonne déclaraient :

« Chaque citoyen doit être doté des compétences nécessaires pour vivre et travailler dans cette nouvelle société de l’information. »

Vivre et travailler : autant dire que les implications concrètes des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), et en premier lieu Internet, se mesurent dans la vie personnelle, au travail, et, de plus en plus, dans les rapports entre groupes sociaux. Les valeurs d’égalité des chances, d’accès aux savoirs, à l’information, à la culture sont au premier plan dans cette évolution. Internet a permis de démocratiser l’accès à l’information : c’est à la fois un changement et un défi. L’individu, le citoyen, le travailleur, doit, ou va devoir, apprendre à utiliser son ordinateur pour chercher, apprendre, comprendre, travailler et bien sûr communiquer, avec et sur Internet. La maîtrise et l’usage de ces technologies, qui ne sont déjà plus nouvelles, relèvent ainsi de ce que Condorcet qualifiait de « savoir élémentaire », indispensable à la liberté des citoyens.

Dès avril 1974, André Malraux a une telle intuition- :

« Il est possible de changer complètement les conditions de l’enseignement en remplaçant presque intégralement le livre par la télévision, le livre demeurant pour son utilisation quand l’enfant est chez lui. Nous pouvons changer les conditions de la jeunesse et les conditions de la vie. Le plan est trop complexe pour que je puisse l’exposer complètement. Disons qu’il est le lien entre l’utilisation permanente de la télévision et l’utilisation de l’ordinateur… Il ne s’agit pas de supprimer le corps enseignant, il s’agit de lui redonner sa fonction la plus noble : il serait là pour aider ceux qui ont besoin d’être aidés. »

Tout est dit : rôle central des nouvelles technologies, importance de l’échange et de la communication dans l’éducation, par exemple.

Au début des années 1970, on a prêté à Malraux une phrase jamais prononcée :

« Le siècle prochain sera religieux ou ne sera pas. »

Gageons qu’à partir de là, on aurait pu faire dire à Malraux, s’il avait vécu au début des années 1990, la phrase suivante :

« Le xxie siècle sera communiquant ou ne sera pas… ».

Depuis cette époque, se sont développés les chaînes de télévision, les stations de radio, les journaux gratuits mais aussi le téléphone portable, l’iPhone et bien sûr Internet. Autant de moyens de dialoguer, de communiquer, d’échanger pour les diverses communautés composant notre société. Autant de moyens pour les entreprises de communiquer vers des cibles diverses de plus en plus interpénétrées.

1.1.2.  La communication des entreprises, une évolution constante et rapide

En cinquante ans, la communication des entreprises a vécu une évolution sensible, accélérée depuis une dizaine d’années par la révolution technologique.

Dans les années 1950-1960, en France, l’entreprise communique peu car elle est dominante dans une économie encore marquée par la sortie de la guerre : la réclame, qui ne s’appelle pas encore la publicité, est reine et descendante ; la production dicte largement sa loi au client ; le délai de livraison est imposé par le fabricant ; le salarié est privilégié dans le partage de la valeur ajoutée par rapport à l’actionnaire et la communication interne est faible ou inexistante.

Dans les années 1970-1980, c’est la montée en puissance de l’entreprise qui affirme sa puissance au milieu de ces trente glorieuses dont on parle avec nostalgie au début de ce xxie siècle. La communication d’entreprise se développe et on voit apparaître, à côté de la publicité, qui gagne même les écrans de télévision, une communication d’entreprise de plus en plus institutionnelle avec des entreprises qui maîtrisent leur « com » grâce à des « dir com » dont la place dans la vie des entreprises est croissante. C’est une communication descendante, relayée via les moyens nouveaux qui se développent (relationnel, radio, TV), communication peu contestée, flamboyante, où l’on voit Bernard Tapie vanter les mérites de l’entreprise à la télévision.

Parallèlement, en particulier à la fin des années 1980, c’est l’époque de la montée du client et du poids croissant des actionnaires, institutionnels français et étrangers, et, à l’occasion des privatisations en France, des particuliers français. On commence à parler de communication financière. Nous y reviendrons.

Dans les années 1990-2000, trois phénomènes vont marquer la communication des entreprises : les technologies nouvelles, en particulier la montée d’Internet, les crises économiques et financières à répétition et la « financiarisation » croissante de la vie des entreprises. Dans ce nouveau schéma, les entreprises ne sont plus seules à parler d’elles : on parle sur elles à travers des moyens de communication qu’elles maîtrisent de moins en moins, en particulier via Internet et ses forums, blogs, réseaux sociaux, notamment. La communication est transversale. La « com » descendante et maîtrisée des années 1960 est morte.

Dans le même temps, la perte de confiance dans les entreprises va croissante, tant de la part de leurs salariés que de leurs clients. C’est aussi le moment où la communication se financiarise de plus en plus, où les dirigeants parlent plus de stratégie et de finance que de produits et de moyens humains. Le client et l’actionnaire sont rois au détriment du salarié qui, à l’occasion, peut être un actionnaire. C’est une nouvelle donne pour les communicants.

1.1.3.  La porosité entre les communications des entreprises

La communication a connu des transformations au cours des trente dernières années que peu de domaines de l’entreprise ont vécu. Contenus et messages, moyens et technologies, cibles et relation au temps ont été chamboulés.

Quelques illustrations démontrent ces changements. En quarante ans, on est passé de la lettre comme moyen d’information et de communication des entreprises au mail, on est donc passé de l’unité de temps jour à l’unité de temps seconde. En quarante ans, on est passé d’une chaîne de télévision unique diffusée sur un seul support, le poste de télévision traditionnel, à une multitude de chaînes, notamment thématiques, accessibles sur de multiples écrans : télévision, ordinateur, téléphone portable, iPad... Un autre exemple : l’inversion du ratio dépenses médias/dépenses hors médias des entreprises françaises. À la fin des années 1980, c’est-
à-dire hier, les médias sont destinataires de 2/3 des investissements. En 2009, le hors-média a représenté 64 % des dépenses des annonceurs en France.

1.1.3.  Deux communications pour la communication d’entreprise

Aujourd’hui, il y a deux types de communication dans l’entreprise : la communication externe pour les publics externes, qu’on appelle les stakeholders et la communication interne pour les salariés de l’entreprise.

La communication externe a deux formes essentielles : la communication marketing, pour promouvoir la marque, les produits et services de l’entreprise, et la communication corporate ou institutionnelle pour promouvoir l’identité et l’image de l’entreprise dans sa globalité. Communication interne et communication institutionnelle, communication éditoriale et communication électronique, communication d’influence et communication financière sont de plus en plus poreuses.

Mais Internet est en train de modifier largement, pour ne pas dire chambouler, ce bel ordonnancement. Internet est en train de créer l’échange et l’interactivité là où il y avait le descendant et la réception passive. Les barrières à l’information, à l’accès à l’information, à la réaction à l’information tombent de plus en plus vite. L’évolution, l’extension et l’accélération de ces technologies, dont Malraux pressentait le rôle dès 1974, amplifient un phénomène marquant de ces dernières années : la porosité entre les divers publics de l’entreprise.

1.1.3.  Une porosité grandissante

La porosité entre les multiples publics, directs et indirects, et donc entre les communications de l’entreprise suit la même tendance conduisant à une nouvelle donne : les communications de l’entreprise deviennent de plus en plus la communication de l’entreprise.

Ainsi quelques exemples illustrent cette nouvelle donne : la fusion Sagem et Snecma est une opération financière qui donne naissance à un nouveau groupe Safran qui présente son nouveau nom à travers une campagne de communication institutionnelle. Il en va de même pour les rapprochements de Mittal et d’Arcelor, de NYSE et d’Euronext, de GDF et de Suez. Quand Areva faisait une publicité institutionnelle dans la presse et à la télévision, c’est d’abord parce que la société avait envie de faire connaître son identité pour faciliter le moment venu l’introduction en Bourse… qui n’est pas venue. Plus récemment, le rapprochement des Banques populaires et des Caisses d’épargne est une opération financière majeure dans le secteur bancaire et l’occasion d’une communication institutionnelle sur le nouveau nom, BPCE. Et on pourrait trouver d’autres exemples… Une opération financière d’une grande ampleur, introduction en Bourse ou fusion de deux grands noms, est donc l’occasion de faire parler de l’entreprise et surtout de lui permettre de créer ou de consolider son image.

La porosité entre des cibles de plus en plus multiréceptrices et, par conséquent, entre les communications est la nouvelle réalité. L’individu ou les groupes d’individus sont donc multiples. La belle communication descendante des années 1960-1970 est donc terminée. Et on peut penser, ou en tout cas espérer, que l’organisation des entreprises en matière de communication, c’est-à-dire en colonnes ou en silos, va évoluer.

1.2.  L’émergence de la communication financière

1.2.1.  La communication financière, une nécessité croissante

Dans ce contexte, des thèmes nouveaux apparaissent dans la communication des entreprises. D’abord, bien sûr, le développement durable, devenu le socialement responsable, et, aujourd’hui, l’ESG : environnement, social, gouvernance, mais aussi la sécurité et le contrôle interne, le rôle et la personnalisation des dirigeants et plus récemment le capital humain.